A l'instar des marchés informels, des parkingueurs au gourdin et du squat des espaces publics et des lieux communs, le dossier de la gratuité des plages fait partie de ces échecs consommés dans la gestion de la chose publique, offerte à la prédation. A force de permissivité et de démission, à trop vouloir se payer, à n'importe quel prix, une paix sociale, le pays a ouvert grand la porte de l'impunité, donnant l'impression grandissante que l'Etat de droit n'est qu'une inscription inutile sur le fronton de la République. Cette histoire des solariums et des parkings est en train de virer au cauchemar pour les pouvoirs publics incapables de faire respecter des décisions prises en haut lieu. Après des années de laisser-aller, l'Etat veut restaurer son autorité mais se heurte inlassablement à des groupes organisés qui défient les symboles de cette même souveraineté. Malgré les injonctions, les mises en garde du ministre de l'Intérieur et les descentes des gendarmes, les plages algériennes sont actuellement sous haute tension. Cette situation n'est pourtant que la résultante logique d'une politique de l'autruche initiée par le système qui, pour sa survie, a laissé faire. On ne pouvait décemment pas reprocher aux autres ce que des pontes faisaient allègrement avec la bénédiction officielle, de surcroît. Lorsque des noms ronflants, des prête-noms connus s'accaparaient des pans entiers de l'Algérie, en faisant une propriété exclusive, on ne pouvait que fermer les yeux devant un jeune au gourdin qui s'approprie un morceau du trottoir ou un autre qui privatise une plage publique. L'Etat lui-même est le premier contrevenant, à ce propos, puisque des plages sont fermées au peuple au profit de la classe dirigeante. La logique du plus fort, de celui qui brûlera le plus de pneus et fermera les routes est devenue cette normalité affligeante qui fait tourner le pays. Un délit devient un droit légitime et chacun d'ériger sa propre loi. La solution est-elle au tout répressif ou faut-il privilégier le dialogue ? Le sujet mérite réflexion puisque, en l'absence d'un manuel de sortie de crise, l'Etat risque de se faire déborder par la rue si un minimum de fermeté n'est pas de mise. L'Etat doit avant tout balayer devant la porte de ses responsables, leur demander des comptes avant de brandir la matraque à la face des prolos. Et là, alors, on peut lui demander de faire respecter la loi, pour tout le monde.