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Qui suis-je ? - Ebauche d'autoportrait (Suite et fin)
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 16 - 08 - 2017

Suis-je ce conducteurs qui, pour chaque stationnement, se trouve dans l'obligation de payer une dîme à une personne ostentatoirement armée d'arme blanche ou de gourdin qui, chaque fois, augmente à sa guise son tarif ? M'oblige à m'acquitter de la somme qu'il me fixe parce qu'il me fait peur, peur d'être agressé non pas dans des endroits déserts mais en pleine ville, peur de le voir se défouler sur mon véhicule parce que j'ai osé refuser. Phénomène qui s'est généralisé que tout le monde condamne mais personne en mesure de le contrecarrer ne s'en intéresse, comme s'il s'agit d'une fatalité qu'on doit subir alors qu'elle constitue la manifestation de l'érosion de la fonction régalienne de l'Etat. Accepter ce comportement d'atteinte aux personnes et aux biens, c'est permettre à la logique mafieuse de prendre racine dans les pratiques quotidiennes, on commence par extorquer les automobilistes puis le tour sera pour les commerces, et pourquoi pas les déplacements de nos enfants sur le chemin de l'école ou encore la sécurité et la quiétude des demeures. Le même principe et la même logique s'appliquent, la différence n'est pas dans la nature de l'acte elle est dans le niveau et l'intensité. Ne pas s'en rendre compte est sans le moindre doute suicidaire.
Suis-je ce vacancier qui, donnant du crédit au discours officiel, pense sérieusement que l'accès des plages est gratuit ? Je ne me pensais pas être si naïf en prenant la décision de faire profiter ma petite famille d'une virée à la plage, surtout que les officiels se sont dépensés à nous informer des réalisations chèrement acquises, des dispositions savamment prises pour que le citoyen en bénéficie. Ma première tentative est plus qu'édifiante, rien n'est gratuit, à l'exception des coups de soleil. Pour revenir au phénomène parking des plages, problématique typiquement de chez nous, il y a lieu de signaler un stratagème soigneusement orchestré, qui ne peut se faire qu'avec la complicité conjuguée de plusieurs services en charge de la gestion du dossier. Le vol qualifié commence par la présentation de tickets mentionnant des tarifs non conformes. En effet, la réglementation stipule que le tarif pour le stationnement d'un bus est différente de celui d'un véhicule léger, mais le préposé ne se trouve en possession que de tickets pour les bus, comme si les plages ne sont desservies que par le transport public. Je vous laisse le soin de qualifier cette manœuvre. Parallèlement à ce manquement flagrant aux clauses du cahier des charges, il est également d'importance capitale de signaler qu'aucun ticket n'est visé par les services en charge de la perception fiscale, alors qu'en ces moments de disette, le défi est justement d'accroître l'assiette fiscale et la faire fructifier tout en favorisant l'initiative privée et les projets créateurs de richesse, non la rapine et l'opportunisme préjudiciables à la collectivité. Vouloir développer le tourisme tant national qu'international passe par le mise en désuétude de ces types de comportement. Un tourisme performant n'est que secondairement en rapport avec le niveau des hôtels et la qualité des services qui y sont déployés, le véritable défi est dans la gestion de la cité, dans les possibilités et les avantages qu'elle recèle, dans la culture qui y prévaut.
Prétendre à une part du marché touristique international, à drainer les touristes étrangers alors que le natif du quartier a du mal à garer son véhicule en bas de son immeuble, est pure fumisterie. Se définir cet objectif, c'est faire preuve de naïveté manifeste ou de totale méconnaissance du comportement humain.
Suis-je ce patient qui doit justifier son nom ? Etre stoïque devant la douleur et la maladie et faire preuve de patience devant toutes les anomalies et dépassements que tout visiteur de structures de santé peut voir et vivre. Les patients subissent des situations cauchemardesques, certains y meurent par négligence. Diagnostiquer les raisons et les causes exige un audit d'experts indépendants et non des commissions d'enquête dûment mandatées par la tutelle. Notre intention n'est en rien de mettre en cause l'honnêteté ou le professionnalisme des membres des commissions mais le fait est là: le meilleur moyen de dévoyer une question est de la confier à une commission. Actuellement, certains incriminent le manque de moyens, d'autres pointent des dysfonctionnements structuraux; quoi qu'il en soit, la situation frise l'inacceptable et ne peut accepter la moindre excuse.
Avoir une stratégie sanitaire et maîtriser la mise en œuvre de la politique de santé ne se concrétise par le simple fait de déclarer «avoir les meilleurs hôpitaux» ni par les visites parades inopinées savamment médiatisées où l'exploit et le professionnalisme s'expriment par les joutes de colère et les décisions de mise de fin de fonction. Il s'agit de la vie et de la santé des gens, l'ignorance, l'incompétence, la négligence, l'opportunisme sont des crimes avec préméditation.
Suis-je ce client des grandes surfaces fraîchement confronté au caddy et à la caisse enregistreuse, qui doit payer ses emplettes aussi chères que chez le petit commerçant du quartier ? Les grandes enseignes à travers le monde contribuent à améliorer le pouvoir d'achat des clients car la marge bénéficiaire permet de faire défalquer la part des intermédiaires du fait de l'approvisionnement à la source et des centrales d'achat qui permettent les économies d'échelle. Comment expliquer ce manquement flagrant à la logique économique, cette aberration mercantile, cette différence et cette spécificité ? On est tenté par avancer l'argument de la cupidité et l'absence ou l'inefficacité des structures de contrôle compétentes. Explication plausible mais en rien définitive mais ce qui est certain, ce sont les faillites des petits commerçants de proximité et l'érosion du pouvoir d'achat. Il est donc plus qu'impérieux de se repositionner, de revoir les objectifs et les moyens d'y parvenir. Quels intérêts avons-nous à asphyxier les commerces de proximité pour permettre aux barons de la distribution de jouir du monopole de produits de concurrence déloyale ?
Suis-je cet élève qui voit son instituteur, son professeur comme simple précepteur qu'il doit attribuer pour les cours particuliers ? D'accepter d'être enseigné en classe en cours particulier et émargé sur la feuille de présence des cours de soutien. Officiellement les lycées sont ouverts pour les activités et cours de soutien mais la réalité est bien autre. Devrais-je toujours craindre le bras de fer et d'être pris en otage parce que mon enseignant n'a pas trouvé mieux pour se faire entendre que de faire la grève ? Il est admis que c'est son droit constitutionnel mais où est le mien ? Il est vrai que toute généralisation n'est qu'injustice de même que nier l'existence, se leurrer et refuser de voir la réalité. Le paysage de l'éducation se caractérise par des anomalies que les réformes successives se sont attelées à résoudre et que certains leur attribuent. Vouloir reprendre la physionomie de l'éducation et l'enseignement et ses différents déboires mérite une attention particulière que le présent article ne peut contenir, néanmoins il est utile de signaler à titre indicatif le fait que l'enseignant se considère comme travailleur de l'éducation alors que l'enseignement est une vocation. On peut rétorquer que l'opposition n'est en rien évidente et que la vocation n'est en rien incompatible avec le fait d'être travailleur. Avancer cette affirmation, c'est faire preuve d'ignorance en ce qui concerne la nature du travail qui, par définition, est antinomique à la nature humaine qui se caractérise par la recherche du plaisir. Le travail à travers les âges et les cultures a toujours été une contrainte et non une valeur morale, il ne peut le devenir que par le fait de lui assigner un sens d'où intérêt de la notion de vocation. Ne pas se rendre compte de ces nuances et différences d'interprétation est sans le moindre doute le meilleur moyen de se fourvoyer et de se mêler les pinceaux.
Ces quelques clichés sont des instantanés pris sur le vif que nous vivons, ils ne couvrent que quelques aspects de notre quotidien. Ils nous renvoient à des situations que nous reconnaissons comme étant familières. On peut toujours émettre des réserves sur peut-être l'appréciation et l'interprétation mais nier leur existence me paraît faire preuve de l'opposition pour elle-même.
Il est à signaler que l'intérêt désiré est la volonté d'attirer l'attention sur certains comportements qui, de par leur nature, nous entravent et nous empêchent de vivre les exigences de la postmodernité, il n'est en rien motivé par le sentiment de délation mais de dénonciation car convaincus que les dévoiements et les dérives que nous perpétrons sont la conséquence de nos ignorances et surtout de nos programmes que certains qualifient de culture.


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