Pour sa première sortie à l'ouest du pays, le Premier ministre Ahmed Ouyahia a réservé sa visite au pôle pétrochimique d'Arzew, un des poumons aval du groupe Sonatrach, et l'un des plus importants sites pétroliers et d'exportation de produits d'hydrocarbures du pays. Mais c'est une visite avec un fort cachet politique du Premier ministre, après ses deux passages devant les chambres haute et basse du Parlement pour valider son plan d'action. Hier dimanche au pôle pétrochimique d'Arzew, M. Ahmed Ouyahia a délivré un message fort dans lequel il a rappelé que le pétrole reste le « moteur » de l'Economie algérienne et, au-delà, que l'Algérie, en ces moments économiques difficiles, reste attachée à l'exploitation de toutes ses ressources énergétiques, y compris les gaz de schiste, pour améliorer ses recettes pétrolières. Plus explicite que l'ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal, Ouyahia veut aller à fond dans l'exploitation des « shale gas », ou les gaz de schiste. Après avoir souligné que « le gouvernement encourage l'investissement dans le secteur des hydrocarbures », il n'a pas écarté l'exploitation du gaz de schiste, « au regard des capacités dont dispose le pays ». Ahmed Ouyahia, qui a insisté sur la nécessité d'investir dans le gaz de schiste, a souligné que « nous estimons que le groupe pétrolier national dispose de capacités nécessaires pour expliquer au peuple algérien qu'il ne s'agit pas là d'une démarche aventurière mais d'une option visant à garantir l'avenir, en matière énergétique ». Pour lui, les « potentialités de Sonatrach permettent d'être optimiste » quant à l'avenir du secteur de l'Energie qui donne, selon lui, « un message d'espoir au peuple algérien, notamment en cette période difficile marquée par une fluctuation des cours du pétrole sur les marchés internationaux ». Pour autant, et en dépit de la crise des cours de l'or noir, il a réaffirmé que le pétrole demeure « un moteur essentiel de l'Economie nationale, et le gouvernement continuera à assister Sonatrach dans ses différents projets d'investissement ». Il a ajouté qu' « il est temps que Sonatrach exploite toutes ses énergies au service de l'entreprise et du pays ». Gaz de schiste et révision de la loi sur les hydrocarbures Dans cette logique, M. Ahmed Ouyahia a appelé à une révision de la loi sur les hydrocarbures, amendée en 2005. Pour lui, il faut, aujourd'hui, revisiter cette loi au regard des nouveaux défis du secteur de l'Energie et des grands changements dans le monde, qui obligent l'Algérie à s'adapter. M. Ouyahia a précisé qu' « il était temps pour que l'Algérie révise sa loi sur les hydrocarbures, afin d'encourager la venue de nouveaux investisseurs et améliorer les recettes du pays.» «Une relecture de cette loi est nécessaire en fonction des défis actuels dans le domaine de l'Energie », a-t-il expliqué. En clair, le Premier ministre entend améliorer le partenariat étranger, et, surtout, légaliser définitivement l'exploitation des gaz et pétrole de schiste. Car l'exploitation du gaz de schiste a été déjà approuvée par la nouvelle loi sur les hydrocarbures, la loi n°13-01 du 20 février 2013, modifiant et complétant celle du 28 avril 2005, et a été publiée au JO n°11, du 24 février 2013. Cette loi autorise l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels, mais soumet l'utilisation de la technique controversée de la fracturation hydraulique à l'accord du Conseil des ministres. « L'exercice des activités relatives à l'exploitation des formations géologiques argileuses et/ou schisteuses imperméables ou à très faible perméabilité (gaz de schiste ou huile de schiste) utilisant les techniques de fracturation hydraulique est soumis à l'approbation du Conseil des ministres », précise le texte. La reprise par Sonatrach de l'activité exploration a permis, depuis le début de l'année, la découverte de 26 nouveaux gisements de pétrole et de gaz dans le nord et le sud du pays, a-t-on annoncé, par ailleurs, au cours d'une communication au complexe d'Arzew. « Ces découvertes ont été faites par les équipes de Sonatrach durant la période allant de janvier à fin septembre 2017. Ces nouveaux gisements représentent des réserves estimées à 130 millions de tonnes équivalent pétrole (TEP) », a précisé le directeur de la Planification du Groupe, A. Mazighi. Sonatrach prévoit plus de 30 nouvelles découvertes, avant fin 2017, alors qu'en 2016, 30 découvertes ont été réalisées, a rappelé le même responsable. En fait, pour répondre aux besoins de la consommation interne et à l'exportation, l'Algérie a besoin d'une production annuelle de 190 millions de TEP, a-t-il ajouté. A fin 2017, les recettes d'exportation des hydrocarbures seront d'un peu plus de 31 milliards de dollars contre 27,90 mds de dollars en 2016, a annoncé un cadre de Sonatrach. En septembre dernier, un excédent de plus de 4 milliards de dollars par rapport à la même période de l'année 2016, a été réalisé, a-t-on souligné. Au niveau de la raffinerie d'Arzew qu'il a visitée, le Premier ministre a rappelé que « les importations de carburants nous reviennent très chères et la dépréciation de la valeur du dinar rend la situation encore plus difficile ». « Il est, donc, nécessaire d'intensifier les efforts pour augmenter la production des carburants », a-t-il préconisé. Le P-dg du Groupe Sonatrach, Abdelmoumen Ould Kaddour, a, de son côté, annoncé que la raffinerie d'Alger, en cours de rénovation, sera opérationnelle début 2018, alors que des appels d'offres seront lancés, prochainement, pour la réalisation des raffineries de Hassi Messaoud et Tiaret. « Tous ces projets permettront d'augmenter la production des carburants afin de répondre aux besoins nationaux », a-t-il assuré. Pour rappel, la raffinerie d'Arzew, réalisée en 1972, avait bénéficié d'un projet de réhabilitation de ses installations, à la fin de l'année 2008 et est entrée, de nouveau, en production en 2012. Sa capacité de traitement de pétrole brut est passée de 2,5 millions de tonnes à 3,75 millions de tonnes par an, ainsi que l'installation de nouvelles unités de production d'essence sans plomb. Cette raffinerie produit, annuellement, 130.000 tonnes de GPL, 500.000 tonnes d'essences, 450.000 tonnes de naphta, 291.000 tonnes de kérosène, 1,5 million de tonnes de gazole, 700.000 tonnes de fioul, 160.000 tonnes de lubrifiants et 140.000 tonnes de bitumes. Poursuivant sa visite, M. Ouyahia, après la raffinerie d'Arzew, s'est rendu au Complexe de liquéfaction du gaz naturel (GL3Z), qui dispose de plusieurs unités dont celles de traitement du gaz naturel, de séparation et de production des sous-produits, de liquéfaction du gaz naturel ainsi que des unités de stockage et de chargement. Opérationnel depuis le 14 juin 2014, ce complexe dispose d'une capacité de production annuelle de 4.700.000 tonnes de GNL, de 275.000 tonnes de propane, de 58.000 tonnes de butane, de 47.000 tonnes de gazoline et 300.000 tonnes d'éthane. Et, depuis sa mise en service, ce complexe gazier a produit plus 21,7 millions de m3 de GNL et près de 400.000 tonnes de sous-produits, tels que le propane, le butane et la gazoline. La réception provisoire du complexe avait été faite le 10 mai 2015 et le sera définitivement le 31 octobre 2017, selon des responsables du complexe. Pour le P-dg du groupe, avec de telles capacités de production, Sonatrach est obligée de diversifier ses partenaires et ses marchés de GNL pour éviter les règles imposées par l'Union européenne. « Il est nécessaire de prospecter d'autres marchés et de cibler d'autres pays comme la Turquie », a-t-il dit. M. Ouyahia était accompagné, dans sa visite au Complexe pétrochimique d'Arzew d'une délégation composée de Mustapha Guitouni, ministre de l'Energie, Nouredine Bedoui, ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales et Abdelghani Zaalane, ministre des Travaux publics et des Transports, outre des responsables de Sonatrach.