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Politique d'austérité : ne dit-on pas que le diable se niche dans les détails ?
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 05 - 10 - 2017

«Infernale est la douleur de l'austérité une fois l'anesthésie de l'assistanat passée». (Bihmane Belattaf - poète algérien)
L'austérité dont on parle beaucoup, ces temps derniers, est cette arlésienne constamment évoquée, mais que personne ne voit. On peut ne pas être d'accord avec M. Sellal, ancien Premier ministre, sur tous ses discours, sauf avec celui qu'il développait en disant que notre pays est à l'abri d'une crise financière et donc non concerné par des mesures d'austérité eu égard aux pratiques dépensières et souvent inopportunes des institutions publiques en particulier et des individus en général. Malheureusement la crise est là et bien là, mais elle n'est visible, pour le moment, qu'à travers les travées jadis bondées des marchés de fruits et légumes. Les autres commerces parlent, pudiquement, de calme des affaires. La frénésie qui a précédé Aïd El Adha est vite retombée à l'approche de la rentrée scolaire. Ces deux événements majeurs après le Ramadan et son issue laissent de profondes fondrières dans les bourses des ménages qui pour satisfaire aux caprices des enfants, dit-on, s'endettent jusqu'au cou. Le sacrifice orgiastique, dirions-nous, du mouton est cette plaie rituelle qui grève lourdement l'économie du pays et à laquelle aucune sentence politique ou religieuse n'est venue y mettre un terme. La population elle-même est conditionnée contre son gré pour l'acquisition, même à crédit, de l'animal sacrificiel et à n'importe quel prix. La presse dans sa majorité a été, bien avant l'événement, le porte-voix des maquignons et autres intermédiaires comme si ce rituel, anodin ailleurs, était l'unique préoccupation de la communauté nationale.
Dénudées par le surpâturage, nos steppes ne pouvant plus supporter les pacages intensifs livrent l'éleveur à recourir à l'aliment du bétail qui a ses propres barons. La boucle étant bouclée, il ne reste plus que la reconstitution forcenée du cheptel pour le prochain sacrifice. Cette perdition n'est pas sans conséquences sur l'environnement urbain qui geint déjà sous les coups de boutoir de l'inconséquence et du citoyen et de l'élu réunis. Qu'est-il donc advenu de ces peaux sanguinolentes et de ces abats jetés dans les dépotoirs et livrés à la vermine ? Même la douillette « haidoura » de nos grand-mères dont l'ingéniosité dans le recyclage n'est plus à démontrer, a disparu de notre champ domestique. Ce sont présentement les couvertures de Shanghai ou d'Izmir qui nous prémunissent des rigueurs de l'hiver. En ce qui concerne les abats, le paradoxe national est kafkaïen. Pendant qu'on importe des boyaux pour la confection de merguez et de catgut pour nos besoins chirurgicaux et musicaux, ceux de nos moutons sacrifiés sont jetés à la poubelle. Quant au pain, principale base alimentaire de larges franges de la population, celui-ci est passé depuis longtemps dans le sacrilège sociétal. Le petit bout de pain tombé par terre et que les anciens ramassaient avec humilité et y déposer le bout des lèvres en signe de respect, fait figure de ringardise rétrograde. Maintenant, ce sont de pleines brassées de pain qui sont jetées au rebut. Heureux que le peu de pudeur qui nous reste encore nous les fasse ensacher dans des sacs poubelle. L'association nationale de protection des consommateurs estime entre 70.000.000 et 100.000.000 d'unités le nombre de baguettes déclassées pour le seul mois sacré du Ramadan. Ne faut-il plus soutenir cette denrée pour lui éviter, un tant soi peu, cette funeste destinée ? Ou bien sommes-nous dans l'expression impériale de l'antique Rome qui disait : « Panem et circenses » (Donnez-leur du pain et des jeux de cirque » ?
La facture d'importation des céréales entre maïs, blé dur et blé tendre s'élevait selon le Centre national de l'informatique et des statistiques (CNIS) des Douanes nationales à 13,22 millions de tonnes en 2016 contre 13,68 Mt en 2015 soit une baisse de 3,3%. En volume financier, la facture a été de l'ordre respectif de 2,7 milliards USD et de 3,43 mds USD soit un fléchissement de 21,02%. Ces scores ne seraient pas le fait d'une meilleure maîtrise, mais seraient dus principalement au renchérissement des cours sur les marchés mondiaux. Espérons toutefois que la tendance baissière s'accentue et que notre production nationale évolue pour nous mettre à l'abri de mauvaises surprises. Rappelons-nous qu'il s'est agi de céréales quand la royauté en France a décidé de l'occupation du pays barbaresque.
Allons voir maintenant du côté de cet ennemi doux, ami des enfants en particulier et de la société algérienne en général, le sucre qui constitue avec le sel les défis majeurs de l'actuelle et des prochaines décennies. En pleine euphorie pseudo-économique et transition épidémiologique, nous n'avons pas pris à sa juste mesure le danger mortifère que constituent ces deux ingrédients alimentaires sur l'état de santé de l'individu. Les deux spectres que sont le diabète et l'hypertension artérielle, induisant tous deux des pathologies lourdes menant au handicap ou au décès ont eu libre cours à travers une désinvolture préventive que pouvoirs publics et société civile doivent assumer pleinement. Nous apprenons avec satisfaction que le département en charge de la Santé publique vient d'initier une commission multisectorielle à l'effet de jeter les bases d'une réglementation à même d'encadrer le commerce et la consommation des sucres, sels et autres matières grasses. Il était temps !
La première démarche concrète en a été le fait du ministère du Commerce qui avec les producteurs de boissons ont convenu de la réduction du taux de sucre dans leurs produits pour s'approcher graduellement des normes internationales édictées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Le diable qui nicherait dans le détail est perceptible à travers ce petit gobelet de café rempli pour moitié de jus de chaussette et pour moitié de sucre cristallisé à pleines pelletées. D'ailleurs c'est ce conditionnement qui ouvre la voie à la surconsommation. Quant au sel, il n'y pas une table domestique ou collective qui ne dispose pas d'une salière généreuse. Et comme le hamburger occidental, la chawarma moyen-orientale et les boissons toniques sont devenues les clés de l'alimentation d'une jeunesse promise à l'obésité et au vieillissement précoce, il ne faudrait plus s'étonner, à l'avenir, de la complexification de la prise en charge sanitaire d'une population, déjà, insatisfaite de la qualité de son système de soins. En dehors des coûts indirects différés, les coûts apparents de la sucrerie n'ont été jusqu'à présent que les chiffres froids de l'importation. C'est ainsi que la facture de 2015 qui s'élevait à 714,76 millions USD a bondi en 2016 pour atteindre les 871,70 millions USD soit une augmentation de 22%. Et ce n'est, probablement, pas le renchérissement qui en est la cause car les volumes au lieu de baisser ont plutôt augmenté passant de 1,9 million de tonnes en 2015 à 2,03 millions de tonnes. Et ceci n'est certainement pas fait pour rassurer.
Le gaspillage des ménages ne s'arrête pas aux seuls pain, sucre et autres gâteries, mais à tout ce qui touche à la vie quotidienne. S'il nous faille y apporter une preuve concrète, elle est dans cette propension énergivore en dépit des relèvements successifs du coût de l'électricité. En plus de l'éclairage profus des logis, les gadgets électroménagers, les multimédias, les appareils de chauffage et de climatisation fonctionnent, parfois, sans raison dans des espaces le plus souvent momentanément inoccupés. La consommation de carburant, cet autre exemple de l'irrationalité et dont le produit a connu une hausse significative dès janvier 2016 ; il semble en toute apparence que cette évolution haussière n'a nullement dissuadé ces maraudeurs qui passent le plus clair de leur temps à sillonner sans but précis les principaux boulevards et rues des villes et villages du pays. Les pointes de vitesse exhibitionnistes et les ronflements du moteur du « m'as-tu-veux » en rajoutent une couche à la surconsommation d'un produit largement subventionné. La levée de boucliers de nos représentants nationaux lors de précédents débats relatifs au bas coût du gasoil et la proposition de l'Exécutif d'en augmenter le prix du litre, n'avait certainement pas pour but de protéger l'exploitant agricole comme avancé, mais plutôt le parc roulant des rutilantes berlines à moteur diesel.
L'énumération précédente n'a concerné que les foyers ; qu'en est-il des collectivités locales et des départements sectoriels ? Ils sont rongés par les mêmes maux de l'irrationalité et de l'incohérence. En l'absence d'instance d'arbitrage et d'évaluation, la norme et la rationalité seront ces deux mamelles qui manqueront à la pertinence de l'action élective ou administrative. Les signes de la non maîtrise des dépenses est visible à travers ces spots lumineux actionnés en plein jour, que ce soit à l'intérieur des sièges administratifs ou sur la voie publique. Cette voie publique, surtout la principale qui fait l'objet continu de réfection et de lifting. Devenus de véritables « showrooms » pour une certaine marque de supports, parfois en tôle, parfois en fonte, surmontés de candélabres, les principaux boulevards des villes et villages sont éclairés à profusion pendant que de pleins quartiers sont plongés dans l'obscurité. Après la mode des trottoirs en autobloquants, nous voilà dans celle des ronds-points avec jets d'eau et autres symboles saugrenus d'un terroir folklorisé. Une ou deux régions du pays semblent se faire la concurrence pour l'érection de statues en hommage à des personnalités qui ont marqué l'histoire du pays ou de la région. Les abribus en verre qui devaient donner l'illusion de citadinité urbaine et implantés souvent à l'emporte-pièce n'ont pas résisté à la furie de l'incivisme. L'actuelle tendance est celle d'enguirlander des arbres et des supports électriques avec des serpentins de lumières multicolores. Un chef-lieu de wilaya a poussé le burlesque jusqu'à planter des arbres synthétiques lumineux dont une grotesque copie de palmier. Toutes ces « joyeuseries », comme dirait un fameux chroniqueur national, coûtent de l'argent et pour leur réalisation et pour leur fonctionnement. La société nationale, monopole de l'électricité et du gaz, en dépit du renflouement de ses caisses par le Trésor public, est sous le risque d'un dépôt de bilan au regard des colossales créances qu'elle détiendrait, non pas sur les foyers sur lesquels elle possède les moyens de coercition de la coupure, mais sur les collectivités locales et les institutions publiques centrales elles-mêmes. Ces dernières ne sont pas exemptes de reproches car le rôle didactique qu'elles devraient jouer en pareilles circonstances, et même dans le cas d'aisance financière, n'a pas été à la hauteur des attentes. On continue à alimenter la gabegie par des comportements de dépensiers et à tous les niveaux. La récente création de la Haute instance indépendante de surveillance des élections (HIISE), comprenant autant de membres que la Chambre basse et rémunérés presque autant qui n'aura à surveiller, au cours de son quinquennat, que trois (3) scrutins, n'est pas faite pour déjuger le propos. On parle d'une autre instance en voie de création qui, elle, serait chargée de suivre le plan d'action du gouvernement. Au fait à quoi donc serviraient les instances juridictionnelles et parlementaires déjà en place ?


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