Des grèves sont annoncées dans plusieurs secteurs pour les prochains jours ou les semaines à venir, en particulier dans les secteurs de la Santé publique et l'Education nationale. Deux secteurs sensibles où la «contestation» des enseignants et autres personnels de l'Education et des médecins résidents est en train de prendre des proportions inquiétantes. En fait, depuis le mois de décembre dernier, le front social n'a cessé d'envoyer des signaux de détresse au gouvernement, appelant à une intervention urgente des pouvoirs publics pour calmer la situation et trouver les réponses idoines, rassurantes et apaisantes aux revendications syndicales. Depuis plusieurs mois, autant le secteur de l'Education nationale que celui de la Santé, enregistrent de sérieuses perturbations à la suite de grèves à répétition à l'appel de syndicats pour améliorer leur situation sociale. Mais, le blocage autant institutionnel que le manque de dialogue entre partenaires sociaux ont mené à une impasse, qui menace de faire exploser le front social. Et le cycle des grèves n'est pas pour autant terminé, alors que le gouvernement, interpellé, n'a pour le moment donné aucun signe palpable de vouloir intervenir pour trouver une issue d'apaisement. Bien au contraire, les deux ministères ont donné des réponses à l'opposé des revendications sociales, ce qui, à l'évidence, va encore exacerber une situation déjà explosive. Après plusieurs rounds de négociations, sanctionnés par des échecs, les médecins résidents vont reprendre la «protesta» ce lundi sous la forme d'une manifestation nationale qui se tiendra au CHU Mustapha Pacha d'Alger à 12 heures pour dénoncer le blocage du dossier de leurs revendications, dont la suppression du caractère obligatoire du service civil et bénéficier des mêmes droits vis-à-vis du service militaire que les autres citoyens ayant plus de 30 ans d'âge. Dans un communiqué rendu public jeudi, le Collectif autonome des médecins résidents algériens (CAMRA) avait annoncé l'organisation d'une «manifestation pacifique nationale», demain lundi à Alger. «Cette action d'envergure a été décidée après concertation de toutes les facultés d'Algérie, après le constat des contacts stériles avec la tutelle», indique le Camra. Il a précisé qu«'après plus de trois mois de grève, l'agression de la corporation médicale par les forces de l'ordre le 03 janvier 2018, le boycott de la première session du DEMS 2018, après plusieurs réunions stériles avec la commission intersectorielle, commission censée prendre en charge nos revendications, la tutelle continue d'ignorer notre mouvement avec l'interruption des négociations et les menaces de suspendre ces dernières, jusqu'au gel de la grève». Le Camra s'est dit «confiant et déterminé à arracher ses droits légitimes» et dénonce, «fermement, les mesures injustes et illégales des ponctions sur salaire, par certains établissements». Le ministère de la Santé, au lieu de calmer la situation, a ainsi rajouté une couche au blocage des négociations, en donnant des instructions aux établissements hospitaliers pour effectuer des ponctions sur les salaires des médecins résidents grévistes. Le secrétaire général du ministère de la Santé avait, le 21 janvier dernier, adressé une note aux directeurs des établissements hospitaliers, les instruisant de procéder à «la ponction sur rémunérations au prorata des journées non travaillées». «C'est une mesure illégale. Les ponctions et gels de salaires ne peuvent s'appliquer qu'aux fonctionnaires et nous n'avons pas ce statut», avait expliqué le Dr Taileb, DG du Camra, selon lequel la procédure de recours contre la décision de justice invalidant la grève des résidents est toujours en cours. «Nous attendons la prochaine audience dont la date n'a pas encore été décidée», a-t-il ajouté. Dans les faits, plusieurs établissements hospitaliers, mais pas tous, ont effectué effectivement des ponctions sur les salaires des médecins résidents en grève. Le suivi de la note du SG du ministère de la Santé n'a pas été systématique, puisque le CHU de Bab El Oued à Alger a gelé les salaires des grévistes, alors que dans d'autres établissements, les salaires ont simplement été ponctionnés (Hôpital Nefissa Hamoud, Alger) où les médecins résidents n'ont reçu que la moitié de leur salaire du mois écoulé. Le Dr Mohamed Taileb a indiqué que plusieurs établissements hospitaliers ont gelé ou ponctionné les salaires des médecins résidents grévistes au titre de leur travail du mois de janvier. Pour autant, la majeure partie des hôpitaux ont versé les salaires de façon normale, sans gel ni ponction. Education : surenchère et fuite en avant La situation n'est guère meilleure dans le secteur de l'Education nationale, qui traverse lui également une grave crise de gouvernance, et, surtout, une quasi-rupture de dialogue entre le ministère et des syndicats d'enseignants. Résultat : des grèves cycliques qui ont provoqué dans la ville de Blida, mercredi dernier, une manifestation de protestation des lycéens. L'annonce de la ministre Nouria Benghebrit de radier les enseignants, membres du Cnapeste, qui ne reprennent pas le travail après une grève qui dure depuis novembre dernier, a encore envenimé la situation. Trois jours de grève sont prévus dans le secteur de l'Education nationale, les 14, les 20 et 21 février prochains, à l'appel de l'intersyndicale qui regroupe cinq syndicats, moins le Cnapeste. Une situation qui complique les choses pour le ministère de l'Education nationale qui n'a pas encore pris la mesure de la détérioration de tous les fondamentaux dans son secteur. Messaoud Boudiba, porte-parole du Cnapeste, avait répondu à la ministre de l'Education nationale, qu'elle doit s'attendre, après la radiation de quelque 600 enseignants dans la wilaya de Blida, à radier 500.000 autres enseignants. «Ce sont des gens qui cherchent le pourrissement. Ils n'ont qu'à assumer leur responsabilité. Il s'agit d'une action illégale. Elle (la ministre) n'a pas le droit de radier un enseignant gréviste et cela ne réglera pas d'ailleurs le problème», explique t-il. En dépit du début d'exécution des mises en demeure, il a affirmé qu«'on ne va pas suspendre la grève. Avec ce genre d'actions, les enseignants seront encore plus déterminés à poursuivre la grève». Un jusqu'au-boutisme qui n'arrange pas les choses et va mener encore plus vers un blocage de la situation, chaque camp restant dans ses positions. Un bras de fer qui est en train de provoquer non seulement une sourde colère au sein des familles des élèves, le blocage de tout un secteur qui compte plus d'un million de salariés, et qui exacerbe dangereusement le front social, déjà malmené par la grèves des médecins résidents, celle momentanée des paramédicaux, et la cherté de la vie. En face, aucune réaction du gouvernement, si ce n'est cette maladroite intrusion du Premier ministre dans le dossier des médecins résidents sous la forme d'une prime à l'installation des spécialistes dans le Grand Sud. Le pourrissement de la situation dans les deux conflits sociaux (Santé - Education) qui, loin d'apaiser le front social, risque de provoquer des soutiens inattendus d'autres métiers, d'autres corporations, où déjà les appels d'air par rapport à la stagnation des salaires, des services publics défaillants notamment dans les hôpitaux, et la hausse des prix induite par la LF2018, sont de plus en plus possibles.