La tension sur le lait persiste, en dépit des mesures prises au mois de mars dernier pour réguler l'approvisionnement du marché et, surtout, améliorer le fonctionnement de la filière. Des mesures du gouvernement sans emprise sur le marché, puisque la pénurie, notamment dans les grandes villes du pays, est omniprésente, ce qui a poussé des observateurs à ce poser la question s'il ne fallait pas, tout simplement, supprimer la subvention sur le lait, et laisser ainsi le marché s'autoréguler, dès lors que les prix ne seront plus fixés par l'Etat. Ce n'est pas l'avis des autorités qui ne comptent pas abandonner le soutien aux couches sociales défavorisées. Jeudi, le gouvernement a annoncé une hausse substantielle des quotas de poudre de lait aux laiteries publiques et privées pour baisser la pression sur la filière et améliorer la production de lait. Le Premier ministère a indiqué sur son site Internet que 'les laiteries du Groupe public industriel de production du lait et de ses dérivés (GIPLAIT) verront leur approvisionnement en poudre de lait passer de 7.000 à 10.000 tonnes par mois''. En contrepartie, elles doivent augmenter, précise le Premier ministère, 'leur production de lait en sachet de plus deux millions à près de 4 millions de litres par jour». Quant aux laiteries privées, elles verront également leur quota de poudre de lait passer de 7.500 à 9.000 tonnes par mois, selon le gouvernement, qui a expliqué que 'ces mesures de saturation du marché seront accompagnées de l'application ferme de la loi contre tous les auteurs de détournement de la poudre de lait fortement subventionnée par l'Etat au bénéfice des consommateurs». Cette reprise en main de la filière intervient un mois après des mesures 'draconiennes'' prises par les ministères du Commerce et de l'Agriculture pour justement sévir contre les détournements de la poudre de lait pour la production de produits dérivés, fromage et yaourts y compris. Le ministère de l'Agriculture avait décidé, pour mettre de l'ordre dans cette filière, en collaboration avec les professionnels et le ministère du Commerce et de l'ONIL, l'introduction d'une nouvelle clause dans la convention liant l'Office aux propriétaires des laiteries, qui leur fait obligation de présenter un document détaillant les quantités produites et distribuées sur lequel figureront les cachets apposés par les distributeurs, dans le but de définir le circuit réel du lait subventionné. Selon le directeur général adjoint de l'ONIL, Khaled Soualmia, la convention liant l'Office aux laiteries avait fait l'objet d'une actualisation par l'introduction d'une nouvelle clause obligeant les transformateurs à présenter, chaque fin de mois, un document détaillé sur les quantités produites et les quotas des distributeurs. 'Un document, a-t-il précisé, sur lequel seront apposés les cachets des commerçants en détail du lait pasteurisé''. Dès lors, les laiteries, qui ne respecteront pas les dispositions de la convention signée avec l'Office, seront exclues définitivement du programme d'approvisionnement en poudre de lait. Cette démarche, selon lui, a pour objectif «la traçabilité de la poudre de lait, à partir de l'étape d'approvisionnement jusqu'à l'arrivée du produit fini au niveau des commerçants en détail». «Pour la traçabilité de l'activité des transformateurs, il a été convenu de la mise en place de commissions mixtes comprenant des agents de l'ONIL et des ministères de l'Agriculture et du Commerce pour s'assurer de la véracité des informations fournies par les propriétaires des laiteries», a ajouté le même responsable. Cette procédure s'inscrit dans le cadre de l'application du décret exécutif 17-362 du 25 décembre 2017, qui réserve la distribution du lait subventionné exclusivement aux ménages. Au mois de mars dernier, le P-DG adjoint de l'ONIL avait expliqué que 'le volume des approvisionnements des laiteries en poudre de lait a augmenté de près de 30% de 2009 à fin 2017, pour arriver début 2018 à 175.000 tonnes». 'Ce volume est suffisant pour satisfaire largement la demande des transformateurs pour peu que la poudre de lait ne soit pas détournée à d'autres fins», a-t-il dit. L'Office est conventionné avec 118 laiteries réparties sur l'ensemble du territoire national, dont 15 complexes publics, et dispose d'un stock stratégique de poudre de lait de trois mois. Mais du côté des transformateurs, on donne une autre version de cette tension sur le lait subventionné, la pénurie étant le résultat de la réduction par l'ONIL des quotas de poudre de lait aux transformateurs, avait indiqué le président de la Fédération des transformateurs de lait, M. Farid Oulmi, selon lequel 'le taux de couverture des besoins en lait pasteurisé des wilayas du centre (Alger, Blida et Tipasa) a reculé de 80% en 2015 à 30 et 40% début 2018, d'où les perturbations enregistrées dans la distribution''. La demande globale au niveau de ces trois wilayas est estimée entre 500.000 et 550.000 litres/jour, alors que la production actuelle est de 400.000 litres/jour seulement. La hausse des quotas de poudre de lait aux producteurs décidée par le gouvernement accrédite la thèse des transformateurs, mais la filière et sa régulation, pour autant, dépendent également des distributeurs, dont la plupart échappent à tout contrôle. Bref, la filière lait est au centre d'un véritable casse-tête pour tous les gouvernements qui se sont succédé depuis l'époque Hamrouche, dans les années 1990. Selon une étude de l'Association des producteurs algériens de boissons (Apab), l'Algérien consomme en moyenne annuelle près de 66,1 litres de lait.