Le président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (Snpsp), Lyes Merabet, a mis en garde les pouvoirs publics et les représentants du peuple, « les parlementaires » contre le projet de loi sur la santé qui à travers certaines dispositions qui sont en faveur du secteur privé menace la gratuité de la médecine en Algérie. C'est ce qu'a expliqué en détail l'expert et syndicaliste Bouderba Noureddine lors d'une conférence de presse tenue hier au siège du SNPSP à Alger. Pour le conférencier, le secteur privé ne peut pas être assimilé au secteur public, ni placé sur le même pied d'égalité. Du fait, dit-il, que le déterminant premier du privé est le profit. Autrement dit, le privé n'investira pas dans des activités non ou peu rentables ou dans des régions reculées. M.Bouderba n'a pas manqué de marquer son étonnement face à l'attitude de la commission parlementaire de la santé qui a amendé plusieurs points essentiels qui étaient dans le texte. Il affirme que la « commission qui est censée représenter et défendre les intérêts du peuple a revu à la baisse la responsabilité de l'Etat dans le financement de la santé ». Il décortique en précisant que les membres de la commission ont supprimé l'article relatif au financement des soins de base, des soins d'urgence et les programmes de santé, alors qu'il existait dans l'avant-projet de loi initiale. Il enchaîne « la commission a également supprimé l'article relatif à la prise en charge des femmes en détresse ou en difficulté dans la maternité dans les hôpitaux, un service public qui incombait jusque-là au service public et à l'Etat ». La commission de l'APN a également supprimé, selon l'expert, la prise en charge du fœtus dans le cas où il est prouvé qu'il est atteint d'une maladie ou d'une malformation en cas d'interruption de la grossesse pour des raisons médicales. Pour ce qui est du contrôle de la grossesse indiqué à partir des premiers mois, les parlementaires de ladite commission ont exigé à travers leur amendement un contrôle et un suivi à partir du septième mois. « Ce contrôle et ce suivi doit être précédé par un enregistrement de la grossesse par le couple au niveau de la structure de santé concernée », un enregistrement qualifié de « policier » par l'expert. Le comble, selon l'expert, est la suppression par les membres de la commission parlementaire de la santé de la prise en charge des migrants. Sachant que jusque-là les migrants étaient à la charge de l'Etat algérien. L'absence d'un article qui garantit l'accès aux soins des migrants dans le service public, cela veut dire qu'ils n'auront plus le droit à l'accès aux soins gratuits. Un amendement jugé dangereux par le conférencier « tant sur le plan humanitaire, l'Algérie s'étant engagée en matière des droits de l'homme d'assurer un minimum de couverture pour les migrants, que sur le plan sanitaire avec le risque de propagation de maladies transmissibles, dans le cas où le migrant renonce aux soins faute de moyens ». Le point intrigant, selon Bouderba, est la suppression de l'article 74 prévu initialement pour encourager l'allaitement maternel, encouragement qui ne serait dorénavant valable que pour les six premiers mois après l'accouchement. « Stupéfait », il affirme « contrairement aux recommandations de l'OMS, les membres de la commission ont supprimé cet article et un autre relatif à la promotion des substituts et de la publicité au lait maternel ». L'expert regrette que « la commission ait supprimé des articles et points essentiels capables de protéger le malade, le spécialiste de la santé et la santé publique en général, en les remplaçant par des généralités et des détails fantaisistes qui laissent le secteur de la santé publique baigner dans le flou ». Le Dr Lyes Merabet s'est interrogé comment les membres de la commission revoient à la baisse la responsabilité de l'Etat dans le financement de la santé publique, alors qu'ils ont déclaré eux-mêmes que près de la moitié des travailleurs algériens ne sont pas déclarés. Et sachant également que même « les assurés sociaux démunis » ne peuvent pas accéder à l'offre de soins privés. Le président du SNPSP recommande d'éviter la précipitation et appelle à un débat et un consensus autour de la nouvelle loi et pourquoi pas l'élaboration d'une nouvelle loi régissant la sécurité sociale (CNAS) qui date de 1983, notamment quand on sait qu'elle fait face à un déséquilibre financier qui la fragilise davantage. Les conférenciers se sont interrogés : « est-ce qu'il vrai que l'Etat n'arrive plus à répondre financièrement aux besoins de santé de sa population ? »