Lors du débat au sein du Conseil de sécurité sur le projet de résolution concernant le conflit du Sahara Occidental, le représentant permanent du Maroc auprès des Nations unies a probablement failli tomber à la renverse en entendant l'ambassadeur du Koweït plaider pour l'autodétermination du peuple du Sahara Occidental et inviter les parties à «entamer des négociations sans conditions et de bonne foi». L'on comprend que le diplomate marocain ait été assommé par la déclaration du représentant koweïtien qu'il ne voyait certainement pas prendre une telle position tant le Koweït a constamment soutenu son pays sur la question du Sahara Occidental. La sidération causée à l'ambassadeur marocain a atteint également les médias du Makhzen et leur a fait tirer à boulets rouges sur l'émirat qu'ils accusent d'avoir «poignardé dans le dos» le royaume dont «l'amitié et la solidarité» ne lui ont fait jamais défaut. L'affolement suscité au Maroc par le revirement du Koweït, considéré jusque-là comme inconditionnellement acquis à la «marocanité» du Sahara Occidental donne lieu à d'enragées réactions qui vont, à coup sûr, susciter une tension sans précédent dans les relations maroco-koweïtiennes. La position de l'émirat est en tout cas l'indice que la thèse du Makhzen sur le conflit du Sahara Occidental n'a plus le soutien unanime dont elle a un temps bénéficié de la part des monarchies arabes. Le Koweït est en effet le second émirat, après le Qatar, à se démarquer de l'alignement sur le Maroc et à plaider pour le respect du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Dans le cas du Koweït, son alignement sur la thèse annexionniste du Maroc allait à l'encontre de la position de principe qui aurait dû être la sienne en tant qu'Etat ayant été lui-même victime d'une tentative d'annexion de la part du voisin irakien. L'émirat semble avoir décidé de rectifier sa position en ayant pris conscience qu'en ce monde où d'aucuns s'autorisent à reconfigurer les frontières internationalement reconnues, son soutien au Maroc est une aberration au regard des convoitises dont il est lui-même la cible. Les médias marocains, qui accusent le Koweït «d'ingratitude» à l'égard de leur pays en rappelant que celui-ci a défendu son indépendance et sa souveraineté violées par l'Irak de Saddam Hussein, font mine d'oublier qu'eux et leur monarque avancent les mêmes arguments pseudo-juridiques et historiques à l'appui de l'invasion annexionniste marocaine du Sahara Occidental que ceux sur lesquels s'était alors appuyé Bagdad. En se démarquant du Maroc sur la question du Sahara Occidental, le Koweït a fait preuve de cohérence en mettant en adéquation sa diplomatie avec le principe existentiel pour lui d'être du côté des peuples menacés par les visées annexionnistes de voisins n'ayant aucun scrupule à opposer la force au droit.