Y a-t-il une guerre des lobbies de l'automobile ? Alors que le gouvernement veut accélérer la mise en place d'une économie qui ne dépendrait plus des hydrocarbures, des questions, pour le moment sans réponses, se posent sur la gestion de certains projets industriels, dont la filière automobile, en Algérie. Le gel de la construction d'une usine Peugeot à Oran étonne par bien des aspects, sinon que le gouvernement est en train d'abandonner sur la pointe des pieds un projet annoncé en grande pompe par son prédécesseur. Le 6 avril 2017, et en présence de son homologue français Bernard Caseneuve, l'ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal avait affirmé que le projet Peugeot-Algérie verra le jour avant fin 2017, avec une année de retard sur le calendrier. L'arrivée d'Ahmed Ouyahia quatre mois après, l'intermède Tebboune étant assimilé à une gestion courante des affaires du pays, se matérialisera vite par un gel du projet, suscitant moult interrogations sur les raisons invoquées pour bloquer un projet qui devait créer plus de 1.500 emplois directs et donner un plan de charge aux PME et un dynamisme économique dans une région. Car les raisons invoquées officiellement pour bloquer ce projet, monté selon la règle des 49/51% et avec un investissement de départ de 100 millions d'euros et 100.000 véhicules/an au final, sont difficilement convaincantes. Comment interpréter la décision de gel de l'investissement d'une major de l'industrie automobile mondiale sur la base du refus d'un 'agriculteur'' d'être exproprié quand des dizaines de milliers d'hectares de terres agricoles fertiles, irriguées sont distraites pour des projets publics de constructions immobilières ? Alors question: y a-t-il eu mauvaises négociations par l'ancienne équipe du ministère de l'Industrie alors dirigée par Abdeslam Bouchouareb, la même équipe qui a négocié le projet Renault ? Le cri d'orfraie d'un agriculteur lambda est-il plus convaincant qu'un investissement de 100 millions d'euros et, surtout, la garantie d'une vraie industrie de construction automobile, plus pérenne que le montage à partir de kits importés qui gonflent dangereusement la facture des importations à un grand moment de stress financier ? Des questions étranges se posent sur une posture tout aussi inquiétante du ministère de l'Industrie, et donc du gouvernement, sur un secteur qui a coûté en 2017 plus de 1,8 milliard de dollars en importations de kits de véhicules en CKD. En fait, le gouvernement doit s'expliquer sur cette énigme du gel du projet Peugeot, un projet attendu par toute une région, autant pour créer des emplois que de l'amélioration des conditions de vie de la population locale et limiter la facture des importations de véhicules en SKD ou CKD. Sauf à croire qu'il était plus préoccupé par l'effet d'annonce que par une réelle volonté politique de faire avancer le secteur de la construction automobile, M. Yousfi avait au mois d'avril dernier affirmé que « l'industrie automobile que le gouvernement algérien soutient est une industrie qui ne se résume pas au montage, dans la mesure où elle doit se tourner vers la construction ». Dès lors, le gel du projet du constructeur français prend des allures plus proches d'un bras de fer entre lobbies de l'automobile algériens que d'un blocage politique, avec un arrière-goût de guerre commerciale entre constructeurs français. Une chose est sûre: la priorité donnée au montage et la déroutante décision de gel ou le blocage du projet Peugeot en Algérie sont dommageables pour l'industrie nationale.