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Le pouvoir des uns et la marginalité des autres…
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 02 - 08 - 2018

«Le vide de légitimation», pour reprendre le propos du politologue camerounais Achille Mbembe (2013) est en grande partie à l'origine de la production du flou socio-organisationnel qui permet toutes les «dérogations» pour accéder rapidement aux différents statuts enviés dans la société.
Tout devient possible, quand la refondation de l'Etat devant être soumis au droit, est profondément bafouée, mise entre parenthèse, mettant à nu des appareils administratifs, faisant figure d'Etat, qui n'ont pas la capacité de concevoir puissamment des politiques publiques et d'assurer de façon autonome le rôle d'arbitre, pour être au contraire «prisonniers» des différents pouvoirs constitués par la force et la cooptation dans le but de se reproduire à l'identique.
Le clientélisme comme modalité de pouvoir
Il semble difficile dans les conditions politiques marquées par l'arbitraire et les affinités relationnelles et claniques, de permettre aux acteurs anonymes de la société de se projeter vers l'avenir. Toute rationalité émancipatrice centrée sur la transformation profonde et par le bas de la société, est l'objet d'une déconstruction perpétuelle, productrice de non-sens, quand la cooptation et le clientélisme structurent les modalités d'accès au pouvoir. Le système sociopolitique fonctionnant à l'allégeance, reproduit de façon tenace ses propres mécanismes de défense : élections truquées, mobilisation artificielle et fictive de « militants » professionnels payés par l'Etat, « des élus » fabriqués socialement en échange de quelques privilèges, devant réintégrer les rouages du pouvoir, refus de toute citoyenneté (Mebtoul, 2018), pour la substituer de façon autoritaire à une « stabilité » qui sous-entend le présentéisme incontournable du pouvoir pour « défendre » la population.
La construction du politique par le haut - où les décisions jaillissent à partir d'injonctions politico-administratives produisant de l'attentisme, des incertitudes, de la défiance, de l'indifférence et des postures différenciées des uns et des autres, selon les nominations de X. ou de Y. - a aussi pour effets pervers la fragilisation des pouvoirs intermédiaires (« je n'y peux rien, il faut attendre l'ordre d'Alger »), ou la disqualification de façon virulente et violente de quelques contre-pouvoirs qui tentent de faire entendre leur voix pour dire l'impératif de mettre en oeuvre une régulation autonome et décentralisée des institutions. Ceci est inacceptable pour les pouvoirs qui persistent à rester dans la ligne tracée par eux et pour eux, n'hésitant pas à produire un étiquetage violent qui exige du « contrevenant » (contre-pouvoir) de mettre fin à toute « subversion » qui risquerait de créer de la « fitna », du désordre ou de l'anarchie.
Deux mondes sociaux segmentés
Dans les conversations ordinaires, on apprend beaucoup sur le fonctionnement au quotidien de la société et du politique. L'écoute des propos des personnes montre bien que ce sont deux mondes sociaux profondément segmentés. Les acteurs proches du champ politique vivent dans l'opulence et l'ostentation, s'octroyant avec une aisance inouïe, tous les avantages liés à leur rang acquis uniquement par la médiation de « leurs » protégés. A contrario, les acteurs anonymes de la société sont contraints d'affronter dans la douleur, les multiples institutions pour tenter d'obtenir un service donné. La frustration et l'humiliation sont objectivées dans des formules courtes et lapidaires qui montrent leur isolement dans une arène sociopolitique qui leur est extérieure : « A qui me plaindre ? Je ne peux me plaindre qu'à Dieu ».
Etre proche des gens de peu, permet d'indiquer leur errance sociale (« je pars et je reviens ») pour tenter de résoudre un problème social donné. Si un mot revient souvent dans les propos de nos interlocuteurs, notamment les patients anonymes, c'est celui de dignité qui est profondément orpheline dans leurs rapports à l'institution sanitaire. La dignité, c'est la reconnaissance sociale de la personne à qui l'on doit, quel que soit son statut, le respect et la gratitude. L'ethnographie du quotidien a cette valeur heuristique de déconstruire des catégories trop générales ou idéologisées à l'extrême qui sont en décalage quand elles sont confrontées au fonctionnement quotidien de l'institution socio-sanitaire : que signifie en effet « l'accès aux soins » dans une structure étatique, quand il faut attendre deux mois pour se faire opérer, en l'absence d'un capital relationnel ? Que signifie le « secteur public » de santé quand celui-ci est profondément administré, fonctionnant par injonction étatique, faisant fi du statut d'usager qui autoriserait le malade à être partie prenante du fonctionnement de ce que l'on peut nommer alors un secteur public qui ne peut qu'être proche des acteurs de la société.
La société a été « normalisée » de façon brutale et autoritaire, moins par la médiation de la règle que par le capital relationnel, provoquant des glissements de sens, des multiples détours et contournements, ou des « arts de faire » (De Certeau, 1990) qui dévoilent la prégnance de la « qfaza » (la débrouillardise ») comme norme pratique, pour tenter, vaille que vaille, de s'en sortir. Les personnes orphelines d'appuis relationnels, sont contraintes de s'incruster dans un mode de vie peu serein, producteur de stress et d'angoisse. Leur vie quotidienne est dominée par les bricolages qui sont autant de revirements nécessaires et tortueux, les obligeant à opérer des plongées incertaines dans des espaces urbains profondément déstructurés, chaotiques, en l'absence d'une autorité politique reconnue et proche des gens, indiquant le double paradoxe de l'Etat : à la fois présent quand il s'agit de contrôler de façon répressive et autoritaire la société, et absent dans la régulation démocratique du tissu social.
Si la rente pétrolière permet au pouvoir de maintenir le statu quo - pour combien de temps ? - elle a pour effet dramatique de creuser les inégalités sociales, de fragiliser les rapports sociaux, de mettre en exergue un profond malaise social qui se donne à lire comme un état d'abandon de la société, au sens de l'absence de l'agir communicationnel dans la construction d'un véritable espace public, évoqué par le philosophe allemand Habermas. Malaise lié profondément au mode de fonctionnement du système sociopolitique, qui, au-delà des apparences, des artifices et des mises en scène pour ne pas perdre la face (Goffman, 1973), dévoile la prégnance de l'indécence, forme d'humiliation et de blessure profonde qui conduit à une régression de la personne, remplacé par un peuple « abstrait », effaçant dès lors toute possibilité de son émancipation et de sa liberté.
Références bibliographiques
De Certeau, 1990, L'invention du quotidien, 1.arts de faire, Paris, Gallimard.
Goffman E., 1973, La mise en scène de la vie quotidienne, Paris, Editions de Minuit.
Mbembe A., 2013, Sortir de la grande nuit, Essai sur l'Afrique décolonisée, Paris, La découverte.
Mebtoul M., 2018, ALGERIE : impossible citoyenneté ? Alger, Editions Koukou.


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