Les crimes de la colonisation française en Algérie ne sont pas encore reconnus officiellement, le devoir de mémoire étant toujours bloqué. Le petit pas de Macron, après ceux de ses prédécesseurs à l'Elysée, n'absout pas encore la France des crimes qu'elle a commis dans ses colonies, en Algérie particulièrement. La guerre d'indépendance nationale a montré ce visage hideux de la négation humaine, cette démence d'un empire colonial agonisant qui ne reculait plus devant les pires atrocités pour se maintenir en Algérie. Le geste courageux mais insuffisant de Macron ne doit pas rester isolé, mais doit au contraire donner plus de marge de manœuvre pour tous ceux qui luttent, ici comme de l'autre côté, pour qu'il y ait une implacable poursuite du devoir mémoriel, mais également pour détruire tous les tabous qui le bloquent toujours. Car en France il y a ce courant raciste, de droite et d'extrême droite, qui gêne encore et toujours le devoir de vérité, qui obstrue les voies d'une repentance qui ne doit pas être perçue comme une reddition, mais comme une délivrance de toutes les atrocités commises par le système colonial, et non pas seulement l'armée française en Algérie. Aujourd'hui comme demain, les bonnes consciences politiques en France doivent vraiment aller de l'avant, dénoncer les oublis et trahisons de l'histoire et rétablir les ponts entre les deux peuples. Une réconciliation entre les deux nations sur leur histoire commune, celle douloureuse de la guerre de libération, n'est pas de trop pour écrire l'histoire exacte de ce que la France coloniale a fait en Algérie, des massacres de populations entières, de la torture, de l'acculturation et l'asservissement de tout un peuple, au vol de ses richesses et jusqu'au déni de son histoire. Le devoir mémoriel comme le décrivent certains milieux politiques dans l'Hexagone, ce n'est pas seulement reconnaître que l'armée française sous la 4ème et la 5ème République avait tué, assassiné, massacré et violé en Algérie. Il s'agit surtout de parler d'un peuple spolié du jour au lendemain de son identité culturelle, de son histoire, devenu prisonnier sur ses propres terres, massacré ou déporté pour la moindre révolte, la moindre contestation d'un ordre établi qui est allé jusqu'à dénier aux Algériens qu'ils soient des êtres humains. Dans l'histoire de l'humanité, cela n'a d'égal que ce qu'il s'est passé en Amérique du Nord avec la répression des autochtones, parqués comme des bêtes dans des réserves. Car il y a, sur le plan législatif, des décrets infâmes qui ont rendu les Algériens comme des «sous-hommes», tel ce scandaleux décret Crémieux. Non, le devoir mémoriel doit aller en profondeur pour réconcilier d'abord les Français avec leur histoire, qu'ils doivent regarder avec courage, sans passion, et laisser les plaies se cicatriser définitivement. D'un côté comme de l'autre. Cela fera du bien à une histoire commune vue d'un seul côté, car il ne s'agit pas de reconnaître que Maurice Audin est mort sous la torture, mais de rappeler tous les militants et combattants algériens morts sous la torture. Ceux qui ont été guillotinés. S'il y a beaucoup de Ben M'hidi, lâchement assassinés dans leur cellule, il y a ces martyrs défenestrés, comme Ourida Medad, ou ces moudjahidine jetés des hélicoptères... Et, comme l'histoire laisse des traces, il faudrait qu'un jour, le plus vite serait le mieux, le devoir mémoriel puisse ouvrir la voie à une vraie reconnaissance de la tragédie humaine qui s'est déroulée durant 130 ans en Algérie. Après, cela appartient aux politiques français de tracer cette voie de la repentance.