Tout devait se décider hier mercredi quant à l'avenir de Said Bouhadja à l'Assemblée nationale, et autant pour sa présence au perchoir, un peu plus de 20 jours après que les députés de la majorité lui ont retiré leur confiance et voté une motion de défiance. Les choses semblent s'accélérer à l'APN dont les activités sont bloquées par une fronde des groupes de la majorité parlementaire qui ont demandé à Said Bouhadja de démissionner de son poste. Mardi, devant le refus du président de l'APN de céder à «une action illégale» selon ses déclarations, «à une bande», les députés de la majorité parlementaire (FLN, RND, MPA, TAJ) plus les Indépendants, ont posé une chaîne et «cadenassé» la porte principale d'accès au Parlement pour empêcher Bouhadja de rejoindre son bureau. Cette action s'est poursuivie hier mercredi à l'intérieur de l'Hémicycle pour empêcher le président de l'APN d'entrer et d'accéder à ses services, alors que le bureau de l'assemblée devait se réunir pour se prononcer notamment sur la vacance de la présidence de l'Assemblée et préparer l'après-Bouhajda. Selon Cheikh Berbera, président du groupe parlementaire du Mouvement Populaire Algérien (MPA), les protestataires «poursuivront» leur action pour exprimer «leur refus de travailler» avec M. Said Bouhadja. Quant à la réunion d'urgence du bureau de l'APN convoquée mardi par les présidents des groupes parlementaires et présidents de commission, il annoncera qu'elle devait se tenir hier mercredi à 14h00 sous la présidence du plus âgé des députés (Hadj El Ayeb). Touahria Meliani Abdelbaki, président de la commission de l'agriculture, de la pêche et de la protection de l'environnement à l'APN, affirme de son côté que lors de cette réunion le bureau de l'APN examinera certains points se rapportant au fonctionnement de l'Assemblée nationale, en tête desquels l'affaire de M. Bouhadja, et ce, a-t-il dit, «conformément aux dispositions du règlement intérieur de l'assemblée». Après avoir verrouillé l'accès de l'APN à son président, les protestataires se sont réunis hier mercredi en début d'après-midi pour entamer la dernière étape de la destitution du président de la seconde chambre du Parlement. Cette réunion devait en réalité, selon l'un des protestataires, «constater» la vacance de la présidence de l'APN. «Le bureau de l'Assemblée va se réunir et sera présidé par le plus âgé pour constater la vacance. Ensuite, il va programmer une plénière qui élira un nouveau président», explique la même source. Le règlement intérieur de l'APN prévoit trois options pour le remplacement du président : décès, démission ou vacance. Concrètement, selon le règlement intérieur, aucune de ces trois dispositions n'est valable pour remplacer Said Bouhadja à la présidence de l'APN, puisqu'il n'est pas démissionnaire, et que la vacance peut-être constatée à partir du moment où il est empêché physiquement de rejoindre son bureau. «Nous avons épluché le règlement intérieur et nous avons constaté qu'il confère au bureau beaucoup de prérogatives, dont la constatation de la vacance de la présidence de l'Assemblée en cas de démission, de décès, d'incapacité ou d'incompatibilité», a indiqué à la presse l'un des chefs de file de la fonde, le député FLN Abdelhamid Si Afif. Celui-ci ajoute que «l'incompatibilité est flagrante : les députés ne veulent plus travailler avec le président. Son parti lui a retiré la couverture politique. Personne ne peut contester cela.» Le début de la fin pour Bouhadja ? Après les nombreux appels à la démission, la motion de retrait de confiance, le gel des activités des commissions, le début, peut-être, de la fin de la présence de Bouhadja au perchoir avait commencé lundi dernier lorsque le Bureau politique du FLN a décidé, à l'issue d'une réunion présidée par son secrétaire général, Djamel Ould Abbès, de retirer la couverture politique à Said Bouhadja et de le traduire ensuite en conseil de discipline. Dans la foulée, les chefs de file des groupes parlementaires, les députés FLN, ont annoncé d'organiser mardi un sit-in devant l'entrée du Parlement et d'empêcher son président d'accéder à son bureau. Une manière comme une autre de provoquer une vacance de la présidence du Parlement. La décision est, bien sûr, motivée par le refus de Saïd Bouhadja de quitter la présidence de l'APN, un entêtement que dénonce le SG du FLN, Djamel Ould Abbès ; il s'agit pour lui d'une «insubordination» et d'une attitude «indigne d'un homme d'Etat». En refusant de déposer sa démission, Said Bouhadja, selon Ould Abbès, «défie l'Etat», et donc doit être traduit devant la commission de discipline du parti qui lui a retiré dans la foulée sa couverture politique. Hier mercredi, une réunion du bureau de l'APN était donc programmée pour constater, dans la foulée du blocage autant de l'accès au Parlement que de ses activités, la vacance de la présidence de l'APN, selon le scénario mis en place par les députés de la majorité parlementaire. Pour eux, il est «impossible de poursuivre le travail avec lui». Les présidents de ces groupes parlementaires avaient remis au président de l'APN une motion de «retrait de confiance» dans laquelle ils ont dénoncé des «dépassements et violations» enregistrés au sein de la chambre, en particulier «la marginalisation éhontée, l'ajournement prémédité de l'adoption du règlement intérieur de l'APN, la marginalisation des membres de la commission des affaires juridiques. Selon des sources au sein de la majorité parlementaire, «tout devrait être réglé d'ici à lundi prochain». Immoral, honteux, humiliant Le blocage de l'APN est allé, par ailleurs, jusqu'au report de l'examen du projet de loi de finances 2019, transmis lundi à la commission des finances. «Le transfert doit se faire après la réunion du bureau de l'Assemblée, et ce n'est pas le cas cette fois. La rencontre qu'avait tenu le président avec le bureau n'a pas atteint le quorum», a expliqué Toufik Torche, «le règlement intérieur et le blocage actuel ne permettent pas le traitement du PLF». Il a ajouté que la majorité des membres de la commission des finances boycottent les travaux parlementaires. «Les délais des travaux du PLF sont de 75 jours, dont 45 jours à l'APN et 20 jours au sénat. «Nous avons déjà épuisé 15 jours des délais», ajoute-t-il. Il a également rappelé que le président Bouteflika a les prérogatives de faire passer le PLF2019 par ordonnance si la situation de blocage actuelle se poursuit. Dans le camp de l'opposition parlementaire, on dénonce des «comportements immoraux» et «illégaux». Le président du MSP, Abderrazak Makri, estime que le blocage de l'APN par les députés de la majorité est «un comportement immoral et illégal», et «une honte pour les députés de la majorité, leurs partis et ceux qui sont derrière eux». «Ces actes ne condamnent pas seulement ceux-là (députés de la majorité) mais dégoûtent également les Algériens de l'action politique et augmentent leur mépris pour le Parlement et les députés», ajoute-t-il. «Ces comportements mettent l'Algérie tout entière dans une situation risible et d'humiliation devant l'opinion publique internationale et aux yeux des autres Etats». De son côté le président du RCD, Mohcine Belabbas, a dénoncé hier mercredi «un coup d'Etat» en préparation contre le président de l'Assemblée nationale. «Des députés s'apprêtent à commettre un coup d'Etat à l'Assemblée nationale sous couvert de l'annonce d'une vacance du poste de président», affirme-t-il.