Scènes irréelles, hier mardi, au siège de l'Assemblée populaire nationale (APN), avec un attroupement de députés venus bloquer l'entrée au siège de l'Institution, à son président, M. Said Bouhadja. Les députés du FLN et du RND, notamment, ont mis à exécution leur décision d'empêcher le président de l'Assemblée nationale d'aller à son bureau, en se rassemblant devant la porte principale, aux environs de 8h. C'est la décision prise, lundi, à l'issue d'une réunion du Bureau Politique du FLN, au siège du parti, à Hydra, pour amener M. Bouhadja à partir. En fait, la crise institutionnelle qui secoue depuis plus de deux semaines, la seconde chambre du Parlement a enregistré, hier mardi, une autre étape dans le bras de fer engagé entre le président de l'APN et les groupes parlementaires de la majorité, emmenés par le FLN. Après plusieurs appels à la démission, lancés notamment par les SG du FLN et du RND, en soutien à une action, jugée illégale par les constitutionnalistes, des députés de la majorité parlementaire de destituer M. Said Bouhadja, la situation n'a pas évolué d'un iota''. De son côté, le président du Parlement a, plusieurs fois, affirmé qu'il ne cédera pas, et qu'il ne démissionnera pas, sauf intervention de la présidence, fort de la légitimité de sa nomination, et dénonçant l'illégalité de l'action des députés de la majorité parlementaire. Mais, lundi, le SG du FLN Djamel Ould-Abbès est passé à l'offensive, une nouvelle fois, et a décidé, à l'issue d'une réunion du Bureau Politique, de retirer la couverture politique à Said Bouhadja, et de le traduire, ensuite, en Conseil de discipline. La décision est, bien sûr, motivée par le refus de Saïd Bouhadja de quitter la présidence de l'APN, un entêtement que dénonce le SG du FLN, Djamel Ould-Abbès, pour qui, il s'agit d'une «insubordination» et une attitude «indigne d'un homme d'Etat». En refusant de déposer sa démission, Said Bouhadja, selon Ould-Abbès, «défie l'Etat», et donc doit être traduit devant la Commission de discipline du parti. Devant l'entrée principale de l'APN, les députés représentant les cinq groupes parlementaires (FLN, RND, MPA, TAJ et les Indépendants) ont indiqué qu'ils restent attachés à leur revendication réclamant la démission du président de l'Assemblée. Ils ont motivé cette position de défiance au président de l'APN, par le fait qu'il est «impossible de poursuivre le travail avec lui». Les présidents de ces groupes parlementaires avaient remis au président de l'APN une motion de «retrait de confiance», dans laquelle ils ont dénoncé des «dépassements et violations» enregistrés au sein de la chambre, en particulier «la marginalisation éhontée, l'ajournement prémédité de l'adoption du règlement intérieur de l'APN, la marginalisation des membres de la Commission des Affaires juridiques, mauvaise gestion, frais exagérés déboursés illicitement, la non répartition des missions à l'étranger, sur la base de la représentation proportionnelle et recrutement aléatoire et douteux». Des députés FLN ont indiqué, dans des déclarations de presse, espérer que Said Bouhadja ne vienne pas pour «éviter un désastre». Au sein des députés FLN, on estime que «c'est le refus du président de l'APN de démissionner qui les a poussés à recourir à ce genre de méthodes.» Mais, pour Bouhadja, «cette action ne me fait pas peur. Je vais venir à l'APN parce que je suis le président de cette institution», a-t-il dit, avant de préciser qu'il est «impossible pour moi de répondre à une action illégale, illégitime.» Quant aux reproches sur sa gestion administrative de l'APN dont il fait l'objet, il a souligné la semaine dernière que «ces reproches n'ont pas fait l'objet de questionnements lors des réunions du bureau de l'APN», et rappelé, lors d'une réunion avec les responsables de l'administration de l'Assemblée, les instructions qu'il leur a données pour «une bonne application des lois régissant l'action de l'APN». Bouhadja sera-t-il là le 1er Novembre ? Par ailleurs, le blocage de l'APN et la demande de démission du FLN contre le président de la seconde chambre du Parlement va poser un grand souci aux organisateurs des festivités du 1er Novembre, la question qui se pose étant de savoir si M. Said Bouhadja assistera ou non à ces festivités. Au FLN, on est catégorique: il n'assistera pas à ces festivités, et il «va partir avant le 1er novembre». Pour autant, le président de l'APN affirme qu'il sera en principe aux côtés du président de la République M. Abdelaziz Bouteflika pour aller déposer une gerbe de fleurs au Carré des Martyrs du cimetière d'El Alia. Le président de l'APN, tout comme celui du Conseil de la Nation, assiste généralement à la cérémonie officielle organisée a,u Palais du Peuple, à laquelle prendront part le Premier ministre Ahmed Ouyahia et le patron du FLN, deux personnalités qui ont demandé publiquement le départ du président de l'APN. Sur le plan protocolaire, sa présence est importante. Bouhadja, de son côté, affirme qu'il sera présent à la célébration du 1er novembre «en tant que grand moudjahid et président de l'APN. C'est le président qui m'invite et non les députés et moi, je soutiens le président de la République», a t-il affirmé dans une déclaration, appelant les chefs des partis de la majorité parlementaire à appeler leurs députés pour «revenir à la raison.» «Après, je pourrais dialoguer», lance- t-il. Pour autant, ce n'est pas l'avis du SG du FLN, qui veut absolument pousser le président de l'APN à partir, allant jusqu'à accuser Bouhadja d'avoir fait une grave erreur en sortant dans les rues d'Alger, estimant qu'un président du Parlement doit «respecter son institution et ne pas aller prendre un café dans la rue». Par ailleurs, et sur le plan légal, le règlement de l'APN ne prévoit pas ce genre de situation pour destituer le président de l'institution, qui est élu pour un mandat de cinq ans. Le règlement ne prévoit, également, pas son remplacement que dans trois cas: un décès, une démission ou l'incompatibilité, et ne porte aucun article stipulant que des membres de l'Assemblée nationale demandent la démission de son président. La demande de démission de M. Bouhadja est donc, du point de vue du règlement de l'APN, illégale.