La dictature est, diton, comme la journée : elle a un matin, un midi, un soir et une nuit. On ne peut s'empêcher de penser que la nôtre est au même stade, aujourd'hui, en Algérie. Tout bien considéré, les arguments fallacieux sur lesquels elle s'appuie pour dissiper le mouvement populaire font long feu. La rue étale à grands fracas les multiples faillites de la propagande officielle, et chaque jour qui passe enfonce davantage les décideurs dans la boue. L'échec du système a bon dos, qui résume tout et n'explique rien. Cela fait plusieurs semaines déjà que d'inlassables voix, celles de l'Algérie profonde, se sont élevées pour dénoncer l'arbitraire du cinquième mandat, puis juste après, la démission de Bouteflika, pour vilipender tantôt avec rage, tantôt avec humour, l'aréopage des rentiers-gérontocrates qui tendent à pérenniser la mainmise de la vieille garde du «Système» dans les rouages de l'Etat. Depuis, les manifestants n'ont jamais courbé l'échine, bien au contraire, ils ont réussi à triompher par leur comportement exemplaire et à courber celle de ceux d'en haut. Reste maintenant à connaître le feed-back des décideurs ! Iront-ils, par exemple, jusqu'à accepter le verdict de la rue ? Ou tenteront-ils encore, comme à l'accoutumée, des manœuvres vicieuses pour s'y soustraire ? En tout cas, quoi qu'ils fassent, ils ne peuvent obstruer le chemin de la légitimité populaire, ni endiguer le flot des contestataires qui surgissent même dans leur propre camp. Le besoin de changement dépasse tous les pronostics. Le simple survol des rues d'Alger pendant le déroulement des manifestations témoigne de la difficulté qu'il y a à tergiverser et à recourir à des procédés de manipulation malveillants pour contourner les revendications légitimes du peuple. Cela ne sera, d'ailleurs, ni dans l'intérêt de l'establishment, ni dans celui du peuple, encore moins du pays, à présent au milieu de foyers de tensions régionaux. L'institution militaire est, à l'heure actuelle, dans une position délicate, et surtout peu enviable, face aux remous incessants de ceux qui lui exigent des actes de bonne foi et des signes de soutien probants en faveur du peuple. A ce titre, reconduire les mêmes têtes équivaudrait à un blanc-seing de sa part pour les affidés du régime afin de prolonger le statu quo, l'impunité et la prédation des biens de la collectivité. Si jamais elle agit ainsi, elle s'attirera les foudres des masses et poussera la situation au pourrissement. En revanche, si elle opte pour le choix inverse, c'est-à-dire, si elle appelle à l'application stricte de l'article 7 de la Constitution, elle aura le mérite d'ouvrir de nouvelles perspectives au peuple et au mouvement du Hirak de prendre le relais, en se structurant pour l'avènement de la deuxième République. Quoique, risquant de plonger temporairement le pays dans «le vide constitutionnel», cette deuxième option serait un acte historique majeur pour l'avenir politique de notre jeune nation.