Sans grande surprise, la réunion parlementaire d'hier a consacré Bensalah comme chef de l'Etat par intérim. La première étape de l'article 102 étant actée, la réaction de la rue ne s'est pas fait attendre puisque des manifestations populaires ont éclaté un peu partout en Algérie. La réponse du gouvernement n'a pas non plus tardé puisque les marches et les attroupements des étudiants ont été réprimés, dans la même journée, à Alger, par la police. C'est la première fois, depuis le 22 février, que les services de l'ordre usent de la violence pour disperser les manifestants, un signe qui présage d'un changement d'humeur des nouveaux décideurs qui ont pris le parti d'accompagner le changement à travers une lecture rigide de la Constitution. La désignation de Bensalah, qualifiée par Mokrane Aït Larbi de «contre-révolution» et rejetée par l'opposition, sonne comme un défi au hirak qui avait expressément exigé le départ des 4 B dont l'ex-président du Sénat. Ce dernier au même titre que le président de l'APN, le Premier ministre et le président du Conseil constitutionnel sont considérés par le peuple comme faisant partie de l'héritage de Bouteflika et leur maintien est perçu comme une volonté de perpétuer ce système. La lecture de Benflis rejoint ce raisonnement, lui qui estime que la non-prise en compte des articles 7 et 8 est le résultat d'un basculement vers la «pérennisation d'un résidu politique». Les décideurs, semble-t-il, auraient pu trouver une solution de compromis, insister sur l'article 102 en choisissant, cependant, un autre candidat en faisant démissionner Bensalah. Cette attitude jusqu'au-boutiste risque de rompre définitivement la confiance du peuple, lui qui voyait Gaïd Salah comme un allié dans sa guerre contre le pouvoir en place. Le départ de Bouteflika, l'arrestation de Haddad et les promesses d'enquêtes à venir sur les affaires de corruption qui ont éclaboussé les cercles proches de la famille présidentielle ont laissé entrevoir une nouvelle ère pour le pays, mais force est de constater que les attentes ont été réduites à néant par le peu d'empressement à commencer le ménage. Reste maintenant à analyser les différents scénarios qui peuvent découler de ce passage en force constitutionnel et elles sont nombreuses les supputations et autres extrapolations qui peuvent même compromettre le caractère pacifique des marches populaires. La première indication nous sera donnée ce vendredi 12 avril que ce soit du côté du hirak ou celui du régime.