Abdelkader Bensalah n'a probablement pas lancé son initiative de réunir une conférence nationale consultative sans en avoir référé à Gaïd Salah que la démission de Bouteflika a intronisé en tant que l'homme fort du pays. Le chef de l'état-major a dû lui donner son accord avec l'arrière-pensée que la tenue d'une telle conférence vaudrait confirmation auprès de l'opinion publique que le pouvoir de fait qu'il incarne n'a pas fermé la perspective à une solution de la crise autre que celle dans le cadre constitutionnel à laquelle il a semblé s'en tenir malgré son rejet par le mouvement citoyen et la classe politique dans son ensemble pratiquement. Ces deux acteurs de la crise auraient peut-être accepté de prendre part à une rencontre de la sorte à la condition d'avoir comme interlocuteur pour le compte du pouvoir le chef de l'armée et non un président de l'Etat par intérim dont ils ont dénoncé l'investiture et réclament son départ. Ni le mouvement citoyen ni l'essentiel de la classe politique ne sont contre le principe d'une concertation nationale en vue de la recherche d'une solution de sortie de crise. Ce qu'ils refusent d'admettre c'est qu'elle soit à l'initiative d'un personnage dont le maintien à la tête de la présidence de l'Etat dénote que le régime légué par Bouteflika survit et entend imposer une transition qui préserverait l'essentiel pour ses tenants. La conférence prévue pour demain si son cap est maintenu tournera sans conteste à la mascarade en entretenant la fiction d'un pouvoir de fait post-Bouteflika demandeur d'un dialogue avec le mouvement citoyen, la société civile et la classe politique alors qu'il reste sourd à leurs revendications dont celle qu'il renonce à la transition qu'il a enclenchée en s'abritant derrière l'impératif du respect de la Constitution dont il a subitement découvert les vertus. Pour Gaïd Salah, la conférence que présidera Bensalah servirait à entretenir l'illusion que l'armée tout en veillant que la crise ne dérape pas laisse le soin de sa résolution aux civils et politiques. Ce faux-semblant que le chef de l'état-major cherche à établir ne résiste pas à la réalité pour les Algériens qu'une sortie de crise ne peut se profiler qu'en vertu d'un consensus sur sa solution entre des représentants dûment mandatés par eux et le commandement de l'institution militaire. A tous ces Algériens, il est clair qu'une transition d'un régime vers un autre ne peut avoir lieu avec pour inspirateurs et pilotes les tenants du premier. Le maintien de Bensalah leur démontre que c'est pourtant cette aberrante perspective que privilégie le pouvoir de fait qui a succédé à Bouteflika. Ce même pouvoir ne fait que marteler la nécessité de mettre fin à la crise exceptionnelle dans laquelle est le pays, mais en manœuvrant en même temps pour qu'il n'en soit pas ainsi tant qu'il n'aura pas forcé le mouvement citoyen au reflux et la perte de sa puissance.