Les algériens, en refusant la feuille de route proposée par le nouveau locataire du palais d'El Mouradia, ont déjoué un plan qui cache mal des desseins de régénération du système. Le huitième vendredi des marches populaires pour le départ du régime ont renvoyé les tenants du pouvoir actuel à la case départ. Les millions d'algériens qui sont sortis dans la rue pour dire «non» à Abdelkader Bensalah comme chef de l'Etat est une preuve que le mouvement ne va pas s'arrêter de sitôt. Bien au contraire, la détermination du peuple à aller jusqu'au bout de sa volonté de changement radical du système est inébranlable, malgré le nouveau traitement réservé par les forces de l'ordre aux manifestants à travers la tentation répressive aux conséquences inéluctables. Les algériens, en refusant la feuille de route proposée par le nouveau locataire du palais d'El Mouradia, ont déjoué un plan qui cache mal des desseins de régénération du système. Ni l'élection présidentielle fixée au 4 juillet, ni même la proposition de création d'une « institution nationale collégiale, souveraine dans ses décisions, à laquelle sera dévolue la mission de réunir les conditions nécessaires de préparation et d'organisation d'élections nationales honnêtes et transparentes», comme promis dans le discours du 9 avril à la nation, n'ont convaincu la rue. Cette dernière a déjà dit et elle le répète : il n'est pas question que la transition soit générée par des symboles de l'ère Bouteflika. Devant ce constat, le système en place, du moins ceux qui dirigent réellement, sont mis encore une fois devant leurs responsabilités. Le chef d'état-major de l'Armée nationale populaire (ANP), Ahmed Gaïd Salah, qui a brillé par son «soutien dans toutes les circonstances au peuple», est l'un d'eux. C'est pourquoi une large partie des slogans scandés par les manifestants ce vendredi 12 avril lui ont été destinés. «Gaïd-Salah es-tu avec le peuple ou avec la bande ?», «Gaïd-Salah, le peuple te demande d'enlever la bande, non pas de la protéger», «Faites attention au pouvoir Sissi» ou encore «ça suffit les coups d'Etat, nous refusons la façade civile avec un arrière-fond militaire», sont entre autres quelques slogans brandis un peu partout à travers les wilayas. Le général de corps d'armée a, en effet, été au centre des critiques, à cause de son dernier discours à Oran où il s'est clairement aligné sur la voie constitutionnelle, omettant de parler des articles 7 et 8 de la Constitution, et ce, au lendemain de l'investiture de Bensalah. Les algériens se sont sentis trahis. Ainsi, le verdict du 12 avril aura été sans conteste. La feuille de route du régime est tombée. L'élection présidentielle est désormais compromise. Surtout avec la sortie, hier, du Club des magistrats qui a annoncé son refus de superviser l'élection présidentielle du 4 juillet. Discrédité par la rue et maintenant par les magistrats à qui revient la mission de superviser la transparence d'une élection, Abdelkader Bensalah n'a pas d'autre choix que de se soumettre à la volonté du peuple. Sur le terrain, rien ne peut être fait sans heurts ni risques. A Béchar, la délégation ministérielle conduite hier par le nouveau ministre de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Environnement, Salah Eddine Dahmoune, a été chahutée. Les habitants ont exprimé leur rejet du gouvernement Bedoui et des symboles du système en place. «Dégage !», ont lancé les manifestants qui ont fermé la route menant vers l'aéroport. Que fera l'armée ? C'est dire la difficulté pour Bensalah et Bedoui de se maintenir à leurs postes et appliquer la feuille de route imposée aux Algériens par la force de l'article 102 de la Constitution : un président non élu démocratiquement et un Premier ministre rejeté. Un piège dont il est difficile de sortir. A moins que ces deux-là, en plus de Tayeb Belaiz, président du Conseil constitutionnel, ne jettent l'éponge, la situation risque de se compliquer vers un blocage à tous les niveaux. Le pouvoir, en voulant imposer sa propre solution aux Algériens, n'a fait qu'aggraver la crise qui couve en Algérie depuis le 22 février. Reste à savoir si, encore une fois, l'institution militaire saura rattraper le coup en changeant de camp et en s'alignant sur la volonté populaire ? Gaïd Salah, l'homme fort de l'armée, va-t-il pousser le chef de l'Etat à la démission pour ouvrir la voie à la solution politique tel que réclamé par la majorité du peuple et de la classe politique ? Les heures qui viennent nous en diront plus.