La présidente du Parti des travailleurs a été entendue jeudi dernier par le juge d'instruction du tribunal militaire de Blida qui l'a mise sous mandat de dépôt et placée en détention préventive à la prison civile de la même ville. Le juge a décidé de son incarcération pour «atteinte à l'autorité militaire et complot contre l'autorité de l'Etat». La mise en examen de la présidente du PT, sa mise sous mandat de dépôt et en détention préventive a été effectuée avec une rapidité qui égale exactement celle de l'affaire enrôlée par la même juridiction samedi 5 mai dernier à l'encontre de Saïd Bouteflika, frère du président de la République déchu et son conseiller durant ses quatre mandats présidentiels, ainsi que Mohamed Médiène dit Toufik et Bachir Tartag, tous deux ex-patrons du DRS. Comme les leurs, les chefs d'inculpation retenus jeudi dernier contre Louisa Hanoune sont identiques et très lourds. A la seule différence que la prévenue est placée depuis en détention préventive au niveau de la prison civile de Blida alors que les trois autres responsables le sont depuis le 5 mai à la prison militaire de la même ville. Tout autant que pour Saïd Bouteflika, Louisa Hanoune est en principe une justiciable qui comparaît devant un tribunal civil. Mais comme ils l'ont déjà fait pour le cas du frère du président, des juristes ont expliqué que Hanoune est accusée de fait de «haute trahison». Des faits dont seul un tribunal militaire a la compétence de juger. Louisa Hanoune approchée par Toufik ? Son incarcération dans la prison civile et non militaire de Blida est justifiée par des analystes par le simple fait que la prison militaire n'a pas «d'aile» d'incarcération pour les femmes. Le PT que Hanoune préside depuis l'année 1990, date de sa création, a jugé jeudi la décision de son arrestation comme étant une «dérive gravissime, un acte de criminalisation de l'action politique indépendante et l'expression d'une volonté de mise au pas des militants et activistes par le pouvoir de fait». Un peu avant, le parti avait avancé que «Louisa Hanoune est arrêtée pour ses positions politiques». S'en est suivie la déclaration à des médias de l'un de ses responsables, Youcef Taazibt, par laquelle il a estimé qu' «on ne reproche rien à Louisa Hanoune, elle est convoquée en tant que témoin dans l'affaire. C'est ce qui est porté dans la convocation du tribunal.» Comprendre par «l'affaire», l'enquête sur Saïd Bouteflika, Toufik et Tartag comme annoncé en primeur par la télévision publique. Selon un média électronique qui reprend une source anonyme du PT, «Louisa Hanoune était en contact avec Saïd Bouteflika dans le cadre du projet de la transition politique que le frère de l'ex-président voulait mettre en place». Une telle déclaration pourrait signifier que la présidente du PT aurait été approchée par le général Toufik pour les mêmes raisons pour lesquelles l'a été, il y a plus d'un mois, l'ancien président de la République. «Merci mon général !» Dans le communiqué qu'il a rendu public à cette période, Liamine Zeroual a reconnu qu'il s'était réuni chez lui avec le général Toufik qui lui avait proposé de «présider une instance de transition». L'on dit que pendant la réunion, le téléphone fixe de sa résidence a sonné, son fils a décroché. «C'est Saïd Bouteflika qui demande si ça marche», aurait dit le fils au père selon nos sources. «Ce qui a mis Zeroual dans une colère noire et a tout de suite quitté la réunion», avait-elle encore précisé. Si l'on a avancé dans ces mêmes colonnes que les rapports entre Zeroual et Toufik n'ont jamais été rompus, ceux entretenus entre Louisa Hanoune et le même général ont de tout temps était un secret de polichinelle. En décembre 2015, la présidente du PT avait réagi à une lettre rendue publique par le général Toufik dénonçant la mise aux arrêts du général Hassan par le tribunal militaire d'Oran. «Merci mon général, merci de confirmer votre attachement et votre fidélité au serment du 1er Novembre 1954, merci parce que votre mise au point signifie basta ! Votre message nous réconforte parce qu'il confirme qu'on lutte au sein même de l'armée. Votre message a été reçu 5/5 par nous, mais aussi par tous les Algériens. Puisse votre message être le grain de sable qui va enrayer l'engrenage mortel.» En employant «par nous», le lien entre les deux personnes ne souffre d'aucune équivoque. Louisa Hanoune a été, en outre, probablement la première responsable partisane à «prédire» les bouleversements que connaît la scène politico-militaire nationale depuis le 22 février dernier. «La prédiction» de la présidente du PT «Le totalitarisme oligarchique s'est manifesté, encore une fois, par cette atteinte au droit des élues qui consacre un coup d'Etat permanent( ) pour imposer un système dictatorial et une criminalisation de la pratique politique indépendante et du patriotisme», avait-elle déclaré dans une conférence de presse qu'elle avait animée en 2015 -année du limogeage de Toufik par le président Bouteflika- tout de suite après que des députés de l'opposition aient été interdits de tenir un point de presse dans l'enceinte de l'APN dès qu'ils aient quitté l'hémicycle pour désapprouver l'adoption de la loi de finances. Les prémices d'une situation prérévolutionnaire, Hanoune les avait ainsi déjà décelées à travers «cette loi de finances antisociale et antinationale». Elle affirmera alors que «la politique de terre brûlée et de fuite en avant adoptée par les responsables enclenchera un processus qui rappelle celui qui a préludé la chute de Moubarak en Egypte». Louisa Hanoune avait vu juste en avançant que «la majorité des Algériens n'est pas défaite, mais c'est l'oligarchie qui est dans le creux de la vague». Ce que la présumée accusée n'a pas imaginé, c'est son arrestation jeudi et sa mise en détention préventive pour des chefs d'inculpation dont les peines varient entre plusieurs années d'emprisonnement et la peine de mort. Le communiqué que le secrétariat permanent du PT a rendu public mardi dernier le démontre en s'en prenant clairement au chef d'état-major de l'armée, Gaïd Salah. On y lit : «considérer que ce soulèvement révolutionnaire serait le produit de manigances et/ou de complots constituerait une insulte intolérable à l'égard des dizaines de millions de citoyens qui manifestent depuis le 22 février pour imposer le respect du droit du peuple d'exercer sa souveraineté confisquée depuis 1962( ).» L'armée continue sa purge Le parti de Hanoune a souligné que «le 22 février passé, c'est une révolution authentique mobilisant l'écrasante majorité du peuple qui a éclaté mettant au centre la question du système et du régime». Le PT estime dans ce communiqué en substance que «sans interférer dans les affaires de la justice civile et militaire concernant les arrestations et procès en cours, qu'il s'agisse de délits ou crimes économiques ou encore des dernières arrestations qui ont une connotation politique notamment en rapport avec le départ du système et le processus révolutionnaire, soulèvent moult interrogations considérant la situation révolutionnaire et la nature de la qualité des institutions qui les ordonnent». Il conclut en notant que «la majorité du peuple exige le départ de tout le système d'abord, ensuite dans le cadre d'une justice indépendante, juger tous les responsables et hommes d'affaires concernés pour précisément éviter les règlements de comptes, la sélectivité des décisions en période révolutionnaire et alors que le démantèlement du système n'est pas parachevé». L'on dit que la mise en détention préventive de Hamid Melzi, l'ex-patron des résidences d'Etat Sahel, permet au pouvoir militaire de mettre la main sur de lourds dossiers de transactions «matérielles (corruption) et de conspiration» impliquant près d'une centaine de personnes du monde politique, partisan, civil, militaire, des affaires, médiatique. «Ce qui a été découvert est terrifiant», nous disaient des responsables jeudi dernier. Les récents changements à la présidence de la République ont, disent-ils, «une relation de cause à effet avec l'usurpation de fonction du président de la République et aussi avec tout ce qui se passait dans des résidences d'Etat et autres à Ben Aknoun ou Cheraga». Résidences qui, continue-t-on de dire, «ont été truffées d'écoutes sans compter les données collectées auprès de l'informaticien de la présidence de la République, un homme de main de Saïd».