Convoquée comme témoin par le tribunal militaire de Blida, Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs, a été placée en détention après plus de cinq heures d'audition par le juge chargé du dossier de Saïd Bouteflika et des deux généraux Toufik et Tartag. Le PT appelle à «l'annulation de toutes les charges retenues» contre elle et qualifie cette mesure d'«acte antidémocratique dirigé contre la révolution du 22 février» L'information est tombée hier comme un couperet. La secrétaire générale du PT, Louisa Hanoune, a été placée, hier, sous mandat de dépôt par le juge du tribunal militaire de Blida chargé du dossier de Saïd Bouteflika, frère-conseiller du président déchu, du général Mohamed Mediène dit Toufik, ancien patron de l'ex-Département de renseignement et de sécurité (DRS) et du général Bachir Tartag, ex-coordinateur des services secrets, placés en détention, dimanche dernier pour «complot contre l'autorité de l'Etat et l'autorité militaire». La veille, elle avait reçu une convocation du magistrat militaire pour être entendue en tant que témoin dans cette affaire. L'audition a duré plus de cinq heures avant que la décision de son incarcération soit rendue publique. Fuites Mais, dès la matinée, des signes précurseurs laissaient planer le doute sur le sort de la secrétaire générale du PT. D'abord cette information fuitée de sa convocation par le tribunal militaire publiée en boucle par une chaîne de télévision privée avant même que la mise en cause n'arrive à Blida. Quelques heures après, c'est la télévision publique qui est chargée de diffuser des images prises de l'intérieur du tribunal militaire, montrant l'arrivée de Louisa Hanoune sous plusieurs angles. Avant même que l'audition se termine, une chaîne privée a annoncé la mise sous mandat de dépôt, suscitant un vent de panique dans les rangs du Parti des travailleurs. En tout cas, la mise en détention de Louisa Hanoune est un acte gravissime qui nous achemine vers la dictature. Comment le chef d'un parti politique peut-il être convoqué en tant que témoin par un tribunal (fut-il militaire) donc sans être assisté par son avocat ? Comment peut-il se retrouver en prison aussi facilement ? Louisa Hanoune se savait ciblée depuis un certain temps, notamment à travers les violentes attaques sur les réseaux sociaux, les filatures, les compagnes haineuses menées par certaines chaînes publiques, mais elle a refusé de faire état de ses craintes aussi bien aux médias qu'à ses proches collaborateurs. Cible Mardi dernier, des officiers de la Direction de la sécurité intérieure (DSI) dépendant du ministère de la Défense, l'avaient dirigé vers leurs bureaux pour être entendue durant près de cinq heures, mais elle n'a pas voulu polémiquer sur ce sujet, pensant que le dossier était clos. Même en recevant la convocation du juge du tribunal militaire mercredi, elle a refusé de rendre publique l'information, surtout qu'elle était sensée être entendue en tant que «témoin à la demande de la défense», tel que précisé sur le document qui lui a été délivré. Pourtant, tous les avocats constitués dans ce dossier avec lesquels nous nous sommes entretenus ont déclaré n'avoir «pas introduit» cette demande. En tout cas, la mise sous mandat de dépôt de Louisa Hanoune, ne fera qu'exacerber la contestation et la crainte pour les jours à venir. Dérive Si Louisa Hanoune a été embarquée dans cette affaire de «complot contre l'Etat et l'armée», il faudra s'attendre à est-ce que tous les chefs de partis et toutes les personnalités (elles sont nombreuses) qui étaient reçus par Said Bouteflika, à la présidence de la République, durant l'automne dernier à la recherche d'une solution à la crise que vit le pays connaissent le même sort. Pour le parti des travailleurs, qui s'exprimait hier à travers un communiqué du secrétariat permanent du bureau politique, on reproche à Louisa Hanoune sa position «contre toutes les manœuvres visant à contourner la révolution populaire exigeant le départ du système». Pour le bureau permanent, la détention de Louisa Hanoune est «une dérive gravissime, un acte de criminalisation de l'action politique indépendante et l'expression d'une volonté de mise au pas des militants et activistes par le pouvoir de fait». Il s'agit là d'une mesure, ajoute le même document, «contre le peuple algérien et sa mobilisation révolutionnaire entamée depuis le 22 février 2019». De ce fait, le bureau permanent appelle à «l'abandon de toutes les charges retenues contre elle et à sa libération inconditionnelle» et exhorte «tous les Algériens et ceux qui partagent ou nos positions de s'opposer à cet acte antidémocratique dirigé contre la révolution du 22 février. Avec cette arrestation, c'est une nouvelle étape qui s'ouvre».