Avant d'annoncer qu'il ne sera pas candidat à sa propre succession à la tête de l'organisation syndicale, Abdelmadjid Sidi Saïd a tenu à exhiber l'autorisation qui lui a permis de tenir, hier, légalement, son 13ème congrès au CIC de Club des pins d'Alger. Provocateur, le secrétaire général de l'UGTA sortant l'a été hier jusqu'au bout des doigts. En premier, parce qu'il a tenu à organiser le dernier congrès de sa vie de syndicaliste un vendredi, jour pendant lequel le «Hirak» entamait sa 18ème marche de protestation contre les «symboles du système». Il l'a fait aussi en défiant les nombreux militants de l'UGTA qui exigent depuis plusieurs mois son départ et qui le crient très souvent devant la Maison du peuple, siège de la Centrale syndicale. Il a tenu son congrès comme il l'a voulu, au CIC (Centre International des Conférences) Abdelatif Rahal, de Club des pins, et avec les étapes qu'il lui a tracées malgré la forte contestation qui voulait le faire «tomber» sans qu'il puisse annoncer lui-même son refus de ne pas être candidat à sa propre succession. Il l'a fait, par ailleurs, alors que le pays et l'ensemble de ses institutions sont balayés par une houle politique sans précédent. Le patron de la Centrale syndicale lancera hier avec un air quelque peu espiègle «c'est un grand jour pour les travailleurs et les syndicalistes, tous les travailleurs au plan national sont représentés dans ce congrès». En exhibant et en agitant un «papier» du haut de la tribune de laquelle il a prononcé son allocution d'ouverture, il lancera «malgré ce qui a été dit ici et là sur la légalité de notre congrès, voici l'autorisation qui nous permet de le tenir dans la légalité». Avant de la remettre au président du bureau du congrès «pour que tout le monde la lise», Sidi Saïd soulignera à l'assistance que «par respect aux lois de la République, nous avons demandé l'autorisation, et aussi pour faire taire ceux qui voulaient nous perturber». Le SG sortant n'a pris la parole qu'après qu'un huissier de justice ait validé l'identité et la présence des congressistes. «Sur les 600 membres invités, il y a 522 présents dont 3 par procuration et 21 représentants issus des fédérations, le quorum est donc atteint», constatera l'huissier. Trois huissiers de justice pour un congrès Le tribunal a jugé utile de désigner trois huissiers de justice pour suivre le déroulement de ce 13ème congrès de l'UGTA et attester de sa légalité. Les 30 fédérations affiliées à l'organisation ont été toutes représentées y compris par des membres qui contestent fortement Sidi Saïd mais qui nous ont précisé que «nous sommes là pour préserver l'organisation». C'est à un peu plus de 11h que Sidi Saïd a fait son entrée dans la salle pour s'installer directement à la tribune. Il sera fortement applaudi par l'assistance. Il annoncera et installera tout de suite le bureau du congrès dont la composante est issue des membres de la CEN (Commission Exécutive Nationale.) Les travaux seront ouverts par une lecture du Coran suivie de l'hymne national. Dans son allocution d'ouverture, le SG sortant rendra hommage «aux martyrs de la révolution et des périodes noires», retracera un bref historique de l'UGTA qui, pour lui «a eu à assumer des heures de bonheur et des heures douloureuses». Il qualifiera l'organisation syndicale de «forteresse d'efforts, de sacrifices et de dévouement». Il estime que «l'UGTA entame une nouvelle ère de justice, d'équité et de solidarité, elle se doit de le faire dans la sérénité et la stabilité pour le bien du pays». Il ne manquera pas de «saluer le mouvement citoyen ( ), imprégné de patriotisme et de civisme ( )». A sa demande, l'assistance se met debout pour applaudir fortement les marcheurs des vendredis. Il soulignera que «c'est un devoir pour nous d'initier un processus de changement pour l'organisation». A la fin de sa prise de parole, Sidi Saïd affirmera «je déclare solennellement que je ne suis pas candidat, je formule mes vœux de voir les nouvelles générations ( )». Les congressistes l'applaudiront fortement. De la salle, une voix s'élèvera avec un «trohou gaa». Sans plus. A sa sortie du CIC, il sera suivi par de nombreux journalistes à qui il dira simplement que «je souhaite tout le bien pour le pays ( ), notre devoir à tous est de protéger ce trésor que nous avons, que l'Algérie retrouve sa force ( )». Notons que le congrès s'est tenu hier sans les représentants des wilayas de Tizi Ouzou et de Béjaia en raison de leur exclusion par la CEN pour avoir exigé qu'il se tienne sans Sidi Saïd. Jeudi, la veille, le SG sortant a présidé les travaux de renouvellement des membres de la CEN à l'école syndicale d'El Achour. C'est plutôt de son installation qu'il s'est agi parce que de ses 161 membres, 131 ont été élus au niveau des Unions des 48 wilayas et les 30 autres par les fédérations. Exclusion deTakjout et retrait de l'UGTA de la CSI Dès son, installation, la CEN a décidé de radier des rangs de l'UGTA Amar Takjout, le secrétaire général de l'Union de wilaya d'Alger et membre du secrétariat national de l'organisation, pour avoir, notent ses collègues, diffamé et tenu publiquement des propos indécents à l'égard des membres de la direction syndicale et appelé les représentants de la wilaya d'Alger à boycotter le congrès». Un de ses collègues et ami nous disait hier que «Amar a étonné tout le monde par les propos qu'il a tenus publiquement la veille du congrès, alors qu'il a été membre à part entière de son initiation, de sa préparation et du choix de ses objectifs !!!» Président de la fédération des textiles pendant de longues années, Takjout a été élu SG de l'Union de la wilaya d'Alger qui compte 67 syndicalistes «la plus forte de tout le territoire national», disent ses collègues. L'on apprend que le jour de l'élection des membres de la nouvelle CEN, 57 sur les 67 membres lui ont retiré leur confiance. La CEN a en outre décidé le retrait de l'UGTA de la CSI (Confédération internationale des syndicats) parce que disent des secrétaires nationaux «Les responsables de la CIS notamment sa secrétaire générale Sharon Barrow, ont permis à Malaoui, d'insulter l'UGTA à Genève lors de la tenue, la semaine dernière, de la 108ème session de la conférence internationale du travail.» Nos interlocuteurs rappellent que Malaoui a été «l'un des membres fondateurs du Snapap, puis syndicaliste actif au niveau de la coalition des syndicats autonomes». Il a été élu il y a un peu plus d'an, vice-président Afrique de la CSI lors d'un congrès organisé à Marrakech. Hier matin, l'ambiance au CIC semblait bon enfant. Aucune prise de bec à l'entrée, aucun problème de badge ni de représentativité des syndicalistes à l'échelle nationale. En s'approchant cependant de la table où devaient s'inscrire les candidats au poste de secrétaire général de l'UGTA, l'on entend des voix vociférer contre ce qu'ils ont qualifié de «mainmise de la direction sortante sur l'organisation». Il est vrai qu'aucun critère n'a été fixé pour les candidatures mais, s'est exclamé un secrétaire national, «il y a quand même des syndicalistes qui devraient se retirer sans faire de bruit comme les retraités depuis de longues années, ceux qui ont eu des mandats successifs au sein de la CEN ou du SN, ou alors ceux qui sont vieux et fatigués». Les contestataires ont trainé le pas pour entrer dans la salle où se tenait le congrès. Ils se lèveront tous pour applaudir Sidi Saïd qui l'avait quitté pour ne revenir que dans l'après-midi pour céder la place à la nouvelle direction de l'UGTA.