La situation politique demeure bloquée et aucune sortie de crise n'est visible à l'horizon, près de six mois après le début du Hirak et les manifestations populaires du vendredi pour un changement radical du système. Pour le moment, il y a comme un dialogue de sourds entre le pouvoir, à travers le panel de dialogue et de médiation dirigé par Karim Younès, et l'opposition, représentée par les partis et la société civile. Les appels du chef d'état-major de l'ANP, Gaïd Salah, à une solution au blocage politique par l'organisation dans les plus brefs délais d'une élection présidentielle, une sorte de résolution de la crise par la voie constitutionnelle, ne semble pas avoir trouvé d'échos favorables au sein de l'opinion publique, comme parmi les cercles de l'opposition. Dénoncée vendredi dernier par les centaines de milliers de manifestants à travers le pays, la solution politique qui viendrait de l'organisation de l'élection présidentielle est bel et bien défendue par le panel de Karim Younès qui en fait sa priorité. C'est en tout cas ce qu'il a plaidé samedi à l'occasion d'une rencontre-bilan avec les membres du conseil consultatif de son instance, réunis à Alger. Appelant pour un dialogue « sérieux et responsable », le président du panel a appelé à poursuivre le processus de dialogue avec tous les acteurs pour « parvenir à un consensus national à même de sortir le pays de la crise politique qu'il traverse, et ce, par l'organisation d'une élection présidentielle régulière et transparente dans les plus brefs délais ». Il a expliqué dans un communiqué, que l'instance de dialogue et de médiation a soumis à tous ses interlocuteurs (acteurs politiques, personnalités, société civile, représentants des organisations syndicales et professionnelles et nombre de citoyens) « d'importantes propositions pour dépasser cette situation difficile, notamment la nécessaire préparation du projet d'amendement de la loi organique relative aux élections et du projet de loi pour la création d'une autorité nationale indépendante chargée de l'organisation d'une élection transparente et régulière ». « L'instance a également insisté sur la nécessaire application des articles 7 et 8 de la Constitution, qui disposent que le peuple est la source du pouvoir, ainsi que sur la satisfaction des revendications du Hirak, notamment la démission du gouvernement actuel », a expliqué M. Karim Younès qui ne revient pas sur les autres mesures d'apaisement réclamées par le panel, notamment la libération des détenus du Hirak et l'allègement des barrages autour de la capitale. « Lors de ses déplacements à travers les différentes régions du pays, l'instance a écouté toutes les franges de la société sans exclusive ni marginalisation aucune en vue de dégager une vision claire sur l'ensemble des préoccupations et des défis qui se posent à l'Algérie », a assuré M. Younès. De leur côté, certains membres du conseil consultatif de l'instance soulignent que les résultats obtenus à ce jour « ont permis de rassembler les différentes composantes de la société pour parvenir à un consensus national susceptible de mettre fin à la crise politique que traverse le pays ». Ils ont expliqué que le panel a rencontré plus de 300 organisations associatives et plus de 3.000 participants des différentes régions du pays. L'organisation de l'élection présidentielle ne peut se faire sans mener une lutte contre la corruption, le népotisme et la fraude, en particulier pour une élection régulière et transparente, estiment-ils. Pour cela, les membres du conseil consultatif du panel ont évoqué « la nécessaire préparation des projets d'amendement de la loi organique relative au régime électoral et de création d'une Autorité nationale indépendante chargée de l'organisation des élections ». Pourtant, ce ne sont pas là les préoccupations des partis d'opposition et des organisations de la société civile, ainsi que les millions de manifestants qui réclament chaque vendredi depuis le 22 février dernier un changement radical du mode de gouvernance et le départ de tous ceux qui sont impliqués dans la crise multidimensionnelle actuelle. Opposition : les actes de harcèlement se multiplient Pour autant, les déclarations du panel et celles des responsables gouvernementaux sur la nécessité d'un climat apaisé pour mener un dialogue de sortie de crise sérieux sont battues en brèche par de multiples vexations et autres harcèlements du pouvoir. Après les arrestations de militants et manifestants ayant porté le drapeau amazigh, ce sont maintenant les rencontres de l'opposition et de la société civile qui sont interdites par les autorités. Samedi, c'est le « Pacte politique des forces de l'alternative démocratique », qui a dénoncé l'interdiction de la tenue de sa Convention, prévue le jour même, ainsi que l'université d'été du mouvement RAJ. Lors d'une conférence de presse, ses animateurs ont affirmé qu'à travers ces interdictions, notifiées respectivement les 27 et 26 août aux organisateurs, « les tenants du pouvoir de fait confirment leur parti pris en faveur de la restauration du l'ancien régime ». Ils ont annoncé qu'ils sont décidés à tenir leur Convention le 9 septembre prochain. Le Pacte de l'alternative démocratique compte des partis tels que le MDS, le FFS, le RCD, l'UCP, le PST, le PT, et des associations et collectifs à l'instar de la Ligue algérienne des droits de l'homme représentée par son président Me Noureddine Benissad et le Collectif de soutien et de vigilance au mouvement (CSVM) du 22 février. Pour Fethi Gherras, coordinateur du MDS, ces deux interdictions « ajoutées à la propagande distillée par certains médias et à l'instrumentalisation de la justice, mettent en relief un véritable coup de force que le pouvoir revendique malgré son illégitimité ». Abdelaziz Rahabi, ex-ministre de la Communication et diplomate, a dénoncé quant à lui la décision des autorités d'interdire la convention des Forces du pacte de l'Alternative démocratique, qualifiant cette décision de « harcèlement ». Prévue mercredi 28 août, à Alger, la réunion n'avait pas été autorisée par la wilaya. « Le harcèlement que subissent les partis de l'Alternative démocratique qui n'ont pas obtenu l'autorisation pour tenir leur convention constitue une violation inacceptable d'un droit constitutionnel de partis et d'associations agréés par la loi », écrit l'ancien ministre de la Communication sur sa page Facebook. Il ajoute que « ce comportement ne facilite pas nos efforts communs pour aboutir à une vision consensuelle entre toutes les dynamiques politiques et de la société civile pour aboutir à une sortie de l'impasse dans laquelle se trouve le pays. » Il a rappelé que le dialogue « exige un minimum de confiance entre les autorités et les acteurs politiques afin d'éviter des cas qui ne servent pas la normalisation de la situation et la stabilité de l'Algérie ». Quant à l'ancien président du MSP Abdelmadjid Menasra, favorable à une élection présidentielle mais avec des préalables, il estime dans des déclarations à la presse que « le peuple algérien, dans ses divers segments et tendances, sorti depuis le 22 février, a exprimé des revendications politiques dont le rejet d'organiser des élections présidentielles sous un cinquième mandat et toutes les solutions artificielles prolongeant le quatrième mandat. Il a insisté sur le changement qui interviendra par le biais d'élections présidentielles libres dans lesquelles sera respecté son choix souverain. » « Par conséquent, si les conditions que j'ai mentionnées sont réunies et la liberté de choix lui est garantie, il participera en masse aux élections qui doivent avoir lieu dans les plus brefs délais », ajoute t-il, avant de préciser que « le peuple est mécontent de toute tentative qui ne respecte pas sa volonté, d'où la revendication répétée de l'application des articles 7 et 8 de la Constitution ».