Le ministre de l'Education nationale préside la cérémonie de célébration de la Journée internationale des mathématiques    Djelfa : près de 6 quintaux de café subventionné saisis    Les tortures et les assassinats commis par la France coloniale dénoncés par ses propres enfants    Hadj 2025 : le choix du vol est définitif et aucune modification n'est possible une fois la réservation confirmée    22e AG de l'ACNOA: Berraf réélu par acclamation à la tête l'instance africaine    Les personnes à besoins spécifiques, un exemple de résilience face aux épreuves    Le groupe Sonelgaz honore ses travailleurs à besoins spécifiques    Education nationale: ouverture de 5 lycées régionaux spécialisés en mathématiques    Cyclisme: les prochains championnats arabes se dérouleront en Algérie    Grands projets: le PPP, catalyseur pour renforcer l'outil national de réalisation    Ramadhan: Aït Menguellet en concert à l'Opéra d'Alger    Ligue 1 Mobilis: la JSK co-dauphin, l'ESM n'est plus relégable    Ghaza: 63.000 t de produits alimentaires attendent la levée du blocus    Ramadhan: "Méga Iftar" à Alger pour consolider les liens de citoyenneté    Président du parti vainqueur des législatives au Danemark : « Le Groenland n'est pas à vendre »    «LG Evening Care» Le nouveau service après-vente en soirée    Les leaders pour creuser l'écart, chaudes empoignades dans la lutte pour le maintien    Walid Sadi : «Mon élection au Comité exécutif est un acquis pour toute l'Algérie»    Walid Sadi élu à la CAF    Introduction officielle de la BDL à la Bourse d'Alger    « Renforcer l'unité nationale pour faire face aux défis et aux campagnes haineuses contre l'Algérie »    La famine risque de s'étendre dans tout le pays    Journée nationale des personnes à besoins spécifiques : diverses activités et remise d'appareillages    Ooredoo organise un ''Iftar'' en l'honneur de la presse nationale et de ses partenaires    Ramadhan : Une bonne occasion pour renouer avec un mode de vie sain    Poutine : « La Russie doit chasser l'Ukraine de la région de Koursk dans les plus brefs délais »    Les Rohingyas confrontés à plusieurs crises cumulées    Epreuves restreignant la dynamique associative en Algérie    Il y a 11 ans, disparaissait l'icône, Na Cherifa    L'ambassade du Japon présente « I LOVE SUSHI »    Beihdja Rahal fête ses 30 ans de carrière Deux concerts exceptionnels à Alger et Constantine    Le rôle de l'Algérie dans la promotion de la paix et de la sécurité salué par une responsable parlementaire mexicaine    L'occupant sioniste multiplie ses agressions contre les mosquées en Cisjordanie pendant le mois sacré    Hidaoui souligne l'importance de moderniser les établissements de jeunes pour davantage d'attractivité    Renouvellement par moitié des membres du Conseil de la nation: la Cour constitutionnelle annonce les résultats définitifs ce jeudi    La Défense nationale plébiscite l'Algérie au rang des nations victorieuses        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le vert : couleur dominante du «hirak»
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 14 - 11 - 2019

Appréhender les sens donnés aux couleurs du « Hirak » est loin d'être exotique, neutre, arbitraire ou naturel. Les couleurs ont indéniablement une dimension sociétale et politique. Les couleurs dominantes au cours des manifestations du vendredi et du mardi traduisent le sens des transformations qui s'opèrent dans la société. Les couleurs sont toujours porteuses d'une histoire de la société, de ses mutations sociales, culturelles, politiques et idéologiques, marquant chacune de ses périodes. Michel Pastoureau (2017), historien des couleurs, est proche des travaux de Georges Duby et Jacques Le Goff pionniers dans le développement d'une histoire des mentalités en référence à l'importance accordée à la question de l'imaginaire (2019). Il montre que les couleurs privilégiées par les personnes dans un contexte social donné, « entraînent des goûts nouveaux, des regards symboliques et des sensibilités différentes. Ce n'est pas la nature qui fait les couleurs, ni même l'œil ou le cerveau, mais la société. Mes idées sur les couleurs ne sont pas celles des physiciens ou des chimistes » (Pastoureau, 2017).
Les couleurs portées par les personnes dans l'espace public relèvent bien d'une construction sociale et politique. Elles ont un sens pluriel et diversifié pour les gens. « C'est pourquoi, la symbolique des couleurs est très diversifiée : chaque couleur est ambivalente, elle a ses bons et ses mauvais aspects, qui prennent sens selon le contexte et les couleurs qui s'y opposent » (Pastoureau, 2019).
Quand la couleur verte s'impose dans l'espace public !
Nos observations au cours des 38 marches du vendredi à Oran, montrent que la couleur verte est dominante. Elle est liée en grande partie à la multiplicité des drapeaux portés collectivement ou individuellement par les manifestants. L'histoire de la couleur verte s'imbrique entre autre, avec la construction de la Nation algérienne. Le vert est objectivé de façon imposante dans l'espace public. Il indique au-delà de la diversité sociale, culturelle et politique des manifestants, le désir de partager les mêmes exigences politiques centrées sur la réappropriation collective et unie de la Nation. « Dans le choix des couleurs, le poids des mots est considérable » nous dit Pastoureau (2017). Il semble en effet difficile de dissocier le vert du mot Nation, étant le « Nous » englobant des identités plurielles, diversifiées, métissées et dynamiques qui sont celles des manifestants. La couleur verte exprime l'algérianité (Mebtoul, 2019). Il est possible d'observer au cours des marches pacifiques du vendredi, des détails qui ont du sens pour les manifestants. La mise en mouvement des collectifs représentés par les différents « carrés », forment un ensemble harmonieux et décidé. Originaires des différentes régions, d'âges et de sexe diversifiés, jeunes, adultes, chômeurs ou exerçant des métiers divers, ils sont bien dans la mixité plurielle, se mélangeant pour chanter et lever collectivement les drapeaux vers le ciel. C'est une façon de s'approprier activement l'espace public devenu temporairement leur territoire politique pendant ces deux journées de manifestation.
La couleur verte privilégiée par les manifestants dans l'espace public a une signification politique centrale, rappelant avec force et détermination aux différents pouvoirs, leur refus catégorique de la servitude et d'un statu quo pervers qui les considèrent comme des sujets et non des citoyens. Porter la couleur verte dominante dans le drapeau, est une façon de dire de façon explicite que « moi aussi, j'appartiens à la Nation algérienne ». Il s'agit de refuser la privatisation forcenée et brutale du politique qui a fonctionné pendant des décennies dans l'entre soi familial et régional.
La multiplicité des sens de la couleur verte
Il semble important d'observer finement la propagation active de la couleur verte dans l'espace public. Le drapeau est collé aux corps des manifestants. Les drapeaux représentent plus qu'un symbole, ils sont un actant agissant. A l'inverse, la couleur verte mise en branle par les pouvoirs publics, a un autre sens. Le drapeau est hissé de façon anonyme et bureaucratique, en haut de l'immeuble des institutions que personne ne regarde parce qu'il est trop loin d'eux, n'étant pas le leur. La couleur verte est ici en surplomb, dominatrice et arrogante qui aveugle et manipule, plus qu'elle ne rapproche et réconcilie les personnes entre elles. Ce qui n'est pas le cas de la couleur verte dans l'espace public. Elle se lit différemment. Elle produit une osmose collective et une reconnaissance sociale mutuelle entre les manifestants. Certains portent un maillot ou une casquette verte, s'enrobent le corps du drapeau dominé par le vert, portent un immense drapeau qu'ils lèvent fièrement vers le ciel. La couleur verte est indissociable de la production d'un imaginaire où l'espérance est prégnante, même si les incertitudes ne sont jamais occultées dans leur lutte politique avec les différents pouvoirs.
La couleur verte du « Hirak » est lumineuse, transparente, somptueuse, claire et nette que tout le monde peut observer de près, filmer et interpréter en toute liberté ; à contrario, le vert des dominants donne une toute autre image sociale produite par les manifestants qui évoquent la distanciation sociale (« eux » et « nous »), le mensonge, la fuite en avant, le secret, l'opacité, et l'encerclement des espaces de liberté. « Le vert peut ainsi avoir une histoire tourmentée, tantôt aimé et tantôt mal aimé » (Pasctoureau, 2017).
Dans les slogans des jeunes, les trois couleurs du drapeau national ont fait l'objet d'une interprétation subtile, originale et profondément politique. Elle semble traduire les multiples nuances concernant les sens à attribuer aux couleurs. Celles-ci recouvrent à la fois des aspects anthropologiques, sociaux et historiques qu'il est important de mettre en exergue pour comprendre de l'intérieur le mouvement social algérien. Les trois couleurs du drapeau national sont ici « parlantes ». Sur une pancarte portée par un jeune manifestant durant la marche du vendredi 22 mars 2019, l'interprétation des trois couleurs du drapeau national est la suivante : « Nous sommes blancs d'espoir, vert de dégout, rouges de colère » (Mebtoul, 2019). Trois significations sont ici produites par les jeunes. Il semble possible de les traduire par leur aversion à l'égard du pouvoir liée à l'humiliation et à la « hogra » (vert) subies pendant vingt ans ; une colère légitime face à l'encerclement des espaces de libertés et à la corruption massive (rouge) ; et enfin, l'espérance dans ce mouvement social, devant leur permettre de vivre dans la dignité (blanc).
Dans l'histoire des couleurs décrites par Pastoureau (2017), le vert a toujours été celui de la liberté à l'inverse du rouge représentant davantage l'interdit repris de façon concrète dans les feux de signalisation régulant la circulation routière. « Donner le feu vert », c'est permettre à la personne d'agir librement et sans entraves. La couleur verte est pourvue d'une double résonnance qui réapparait à deux niveaux : celui de la nature et de la liberté. Il n'est pas étonnant que le vert soit réapproprié par l'écologie politique. Elle privilégie le double « respect » vis-à-vis de la nature et des humains qui ont besoin d'être libérés du diktat des pouvoirs économiques et politiques. Ces derniers fonctionnent à la violence de l'argent (Mebtoul, 2018). Celle-ci donne la pleine mesure d'une surconsommation inconsidérée et arrogante à l'origine des inégalités et des injustices dans le monde. En partant des couleurs, il est possible d'accéder à des lectures pertinentes et plurielles sur les différents moments historiques vécus par la société algérienne.
Références bibliographiques
Fournier M., 2019, « les couleurs de la société », Revue Sciences Humaines, n° 317, 26-29.
Mebtoul M., 2019, Libertés, Dignité, Algérianité. Avant et pendant le « Hirak », Alger, Editions Koukou.
Mebtoul M., 2018, ALGERIE. La citoyenneté impossible ? Alger, Koukou.
Pastoureau M., 2017, Une couleur ne vient jamais seule, Paris, Le Seuil.
*Sociologue


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.