Le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Belkacem Zeghmati, a présenté hier à Alger les principaux axes de la feuille de route de son département dans le cadre du plan de travail du gouvernement. Une démarche qui vise, principalement, à améliorer le rendement de la justice et à préserver l'indépendance du juge et sa probité. Ce que le pays a dû traverser comme pratiques illégales, dont les conséquences et les manifestations sont toujours d'actualité, confère à la justice administrative «une lourde responsabilité dans l'effort global de lutte contre la corruption», a indiqué le ministre, à travers notamment, a-t-il dit, des actions visant à «débusquer toutes les décisions administratives prises de manière illégale et les déclarer nulles, conformément à la loi, en toute neutralité, impartialité et indépendance». Dans ce même ordre d'idées, Zeghmati a accueilli favorablement la proposition des cadres du secteur visant «à consolider les prérogatives des commissaires d'Etat près les tribunaux administratifs» en matière de lutte contre la corruption. Un renforcement des prérogatives du commissaire d'Etat qui, concrètement, se traduit par l'attribution à ce dernier du «pouvoir de saisine du parquet quand il y a délit de corruption révélé lors des contentieux administratifs, tel que cela se fait ailleurs comme le démontre la législation comparée». Ce pouvoir, a expliqué M. Zeghmati, donne ainsi au commissaire d'Etat près le tribunal administratif la possibilité de «déclencher l'action publique à la lumière des délits observés lors des procédures de faillite et règlement judiciaire en matière commerciale». Le ministre de la Justice, garde des Sceaux a par ailleurs insisté sur le devoir des juges administratifs à respecter un ensemble de règles prévues par la Constitution. Il citera, à ce propos, l'article 161 de la Constitution qui permet au juge administratif d'examiner les recours contre les décisions administratives. Le ministre explique que la Constitution a établi un ensemble de règles que « le juge administratif est tenu de respecter, en lui imposant le devoir de protéger la société et les libertés et préserver les droits fondamentaux des personnes». Le ministre de la Justice a ajouté, dans le même contexte, que le juge administratif est tenu de se référer aux principes de la légitimité et de l'égalité, en ne se soumettant dans sa démarche qu'à la loi. En contrepartie, a-t-il précisé, la Constitution protège le juge contre toutes les formes de pression, d'ingérence et de manœuvres qui nuisent à l'accomplissement de sa mission ou à la probité de ses décisions. Et d'ajouter : «Si la Constitution a attribué au juge administratif des prérogatives importantes, notamment en matière d'examen des recours à l'encontre des actes des autorités administratives, et des garanties pour l'accomplissement de ses missions, elle protège également le justiciable contre tout abus ou toute déviation du juge, conformément à l'article 168 de cette même loi fondamentale». Dès lors que le litige administratif oppose une partie forte, l'administration, et une partie faible, le citoyen, «la justice administrative demeure l'ultime recours pour cette partie faible», d'autant que «la plupart des recours restent sans suite en raison de l'inaction de l'administration», a soutenu M. Zeghmati. Dans sa réunion avec les présidents et commissaires d'Etat près les tribunaux administratifs, M. Zeghmati a également mis l'accent sur les efforts de son département visant la nécessaire révision des mécanismes de recrutement et de formation des magistrats en ayant en ligne de mire à la fois le lourd passif hérité du passé mais aussi une vision prospective qui prend en compte les besoins renouvelés d'une justice de qualité à même de garantir les droits des justiciables et de mettre fin à toutes les formes d'abus. A ce propos, M. Zeghmati a déclaré : «Je suis conscient de l'importance du chantier qui nous attend en matière de formation continue des magistrats, eu égard des besoins actuels exprimés en la matière. La classification des juridictions et la révision de la cartographie judiciaire représentent par ailleurs une des principales préoccupations du secteur», eu égard à l'importance de cette question en matière de rationalisation des ressources humaines (magistrats, greffiers, corps communs) et des dépenses. «La révision du statut de la magistrature, de la loi régissant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et de la charte de déontologie est l'autre facette de notre vision pour le secteur», a par ailleurs indiqué le garde des Sceaux, en soulignant que la feuille de route du secteur prévoit dans ce volet «la création de mécanismes devant préserver l'indépendance et l'intégrité du magistrat tout en lui reconnaissant sa position sociale». «Même si l'indépendance de la justice préserve le magistrat de nombre d'entraves, il existe d'autres obstacles issus de l'arsenal législatif qui entravent la concrétisation d'une justice de qualité». A ce propos, il fera savoir que des groupes de travail mis en place le 10 mars dernier seront chargés de proposer des amendements du code de procédures civile et administrative. Des propositions, a-t-il dit, qui doivent s'inspirer principalement de la réalité algérienne sans exclure l'option de bénéficier des expériences des autres et de la législation comparée dans sa diversité.