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La leçon d'humilité
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 29 - 03 - 2020

  A l'heure de l'épidémie du coronavirus chacun a sa propre lecture de ce qui se passe; certains diront que c'est la colère divine qui s'abat sur l'humanité, d'autres par contre diront que c'est la revanche de la nature contre l'ambition démesurée de l'homme et c'est tout un chacun selon sa propre croyance et sa conception de l'existence; mais sur ce qu'on peut être sûrement d'accord, c'est que nous sommes en train de vivre quelque chose d'unique dans l'histoire de l'humanité ; bien que des épidémies, des guerres, des catastrophes ont, par le passé, décimé des millions de personnes cela a été toujours circonscrit à des zones géographiques, à un pays ou un continent ; l'impact psychologique et médiatique était bien limité ; les communications et l'information étaient à des années lumières pour être comme aujourd'hui partagées quasi instantanément, aux quatre coins de la planète bien documentées par le son et l'image qui nous font vivre ou revivre les événements comme si on y était ; et ce qui est encore plus singulaire c'est le sentiment d'impuissance et de panique généralisées qui cernent le monde berné longtemps par ces convictions d'invincibilité face à un ennemi invisible, inodore, incolore, sournois, furtif, mystérieux qui nargue les humains avec toutes leurs puissances, leur vanité et leur arrogance, sans pouvoir rivaliser avec cette créature nanoscopique qui ne fait pas dans le détail entre l'opulence d'un riche et le dénuement d'un pauvre, entre l'insolence d'un puissant et l'impotence d'un faible.
A une différence près, tout de même, est que les peuples pauvres et opprimés, exsangues, spoliés, côtoient déjà la misère, la maladie, les épidémies et vivent la guerre, l'injustice, le déni de liberté et surtout les affres de l'indifférence, eux ils ont déjà gouté à l'amertume de leur corona sans que les plus forts, les plus riches, les plus puissants ne se rendent compte de leur supplice ; bien au contraire, ils sont souvent les artisans de leurs malheurs et de leurs calvaire, croyant dur comme fer qu'ils sont les seuls à mériter de savourer la vie qu'ils mènent tout en la contestant à autrui vouant à leur omnipotence une confiance sans limites pensant les mettre à l'abri de tout malheur.
Et voilà que nous nous sommes retrouvés cernés sans distinction par un être insignifiant venu de nulle part nous rappeler à l'ordre et nous faire descendre de notre piédestal ; nous faire flaire dans notre confinement un avant-gout de ce qu'endure depuis des années d'autres humains auxquels a été renié le droit élémentaire à la vie, à la dignité, à la liberté ; les peuples palestinien à Gaza, Ouighour en Chine, Rohingyas en Birmanie, les musulmans en Inde, les Yéménites, les réfugiés syriens livrés à eux-mêmes dans l'indifférence générale, la lâcheté et la complicité des grands de ce monde et leurs serviteurs qui ont cru, jusqu'au profond de leurs entrailles, que le salut ne peut venir que de ces puissants hélas révélés tout aussi impuissants que leur souffre-douleur; ces autres dictateurs de tout bord, usurpateurs des richesses et des libertés de leurs peuples qui pensaient s'en sortir de chaque mauvaise passe en prenant un envol pour rallier leurs protecteurs qui du jour au lendemain se retrouvèrent eux- mêmes aussi démunis et désarmés que leurs protégés.
Alors que c'est peut-être là, dans ce moment inattendu, imprévisible que l'humanité pourrait se remettre en cause et sortir de son égoïsme et de sa léthargie et que cela puisse aussi nous rappeler tous à notre devoir d'humains de faire triompher le droit à la dignité et tout simplement à la vie et de dénoncer toutes les injustices et de les combattre de toutes nos forces.
Ce sentiment de fin du monde auquel se retrouve confrontée l'humanité laisse, loin derrière, toutes les autres préoccupations de domination, de pillage des richesses d'autrui, de ce perpétuel affût insatiable au bien matériel et qui soudain, nous apparûmes à leur juste valeur ; futiles, insignifiantes et nous montra à l'occasion la nature profonde de l'être humain qui dans ses moments de faiblesse se réfugie dans son égoïsme primaire et se recroqueville sur lui-même, faisant fi des grands principes que celles du monde dit développé et sa démocratie dont il nous refuse ses bienfaits chaque fois que cela menace ses intérêts voraces mais ne s'empêche pas un instant de nous marteler avec ; pour justifier son emprise sur «les petits».
Et dans toute cette agitation, il se trouve que certains découvrent l'apaisement et le soulagement dans leur croyance et c'est tant mieux pour eux s'ils y rencontrent leur sérénité mais sans trouver, par contre, de répit de la part de leurs détracteurs, même dans ces circonstances d'extrêmes turbulences ! et c'est là une occasion pour débusquer le jeu malsain et sournois exprimé dans des tribunes militantes par des voix transfuges, bien de chez nous, tirant profit de la préoccupation universelle et légitime de l'instant par cette épidémie aveugle ; longtemps aphones quand tout le monde hélait de toutes ses forces pour un monde meilleur, arborant un opportunisme sans limites pensant que c'est là une occasion inouïe de faire parler d'eux avec… le virus ; elles continuent hélas à vivoter pour honorer leur rétribution et pourquoi pas pour la circonstance quémander quelques titres «honorifiques» taillées sur mesure pour asservissement intellectuel sans limites ; dépossédées de l'honneur du guerrier qui voue le respect aux codes du combat et longtemps vacillant sur la corde raide pour dissimuler leur islamophobie par la manille à outrance de l'unique adjectif dont ils maitrisent les rouages ; «l'islamisme» et voilà que certains à l'occasion de l'appel lancé aux fidèles d'éviter les mosquées le masque tomba enfin et le mot «Islam» est solennellement exhibé cette fois-ci comme étant la véritable cible de toutes ces fourberies, longtemps voilées, usant d'une diatribe volontairement trompeuse on voudrait faire croire ou plutôt duper un lectorat naïf de contre-vérités qu'il est inutile dans ces circonstances de décortiquer tant l'affabulation est manifeste ; la planète entière est dans un état second ébranlée par son impuissance et la menace vitale qui la guette et c'est sans la moindre gêne que d'autres «plumes» coincées dans leur hallucinations morbides trouvent un plaisir pernicieux à fustiger ceux qu'elles n'arrivent pas à convaincre de leurs certitudes prises pour des vérités transcendantes et poussant la sottise au point de rendre quasi coupables les fidèles et «l'islamisme» (encore) de cette pandémie en tentant en la circonstance de remettre sur selle un débat rémunérateur ; une façon de tirer le tapis sous les pieds et d'occuper l'espace momentanément cédé par des chaines et plateaux ayant fait de ce thème une marque déposée occupées à l'heure par un sujet beaucoup plus et mieux accrochant et tant mieux car nous nous sommes délasser pour un temps de débats sans fin inquisiteurs sur l'Islam, le voile, le communautarisme, l'immigration dont sont victimes ceux qui refusent de croire à leurs vérités et se soumettre au diktat d'une idéologie et d'une civilisation qui se veulent autoritaires et dépositaires exclusifs et attitrées du bonheur de l'humanité.
Mais restons là et essayons de tronquer cette peur par un ressourcement salvateur que nous envieraient ceux qui se sont fait dépossédés par leur choix philosophique ou matérialiste qui s'avère aujourd'hui incapable de compatir avec leur crainte d'humains qu'ils sont finalement.
Nos concitoyens ont besoin d'empathie et d'espoir, de conseils, de soutien, de modestie mais aussi de clairvoyance et de rigueur, et même l'humanité entière a besoin d'une vision débarrassée du seul objectif de domination et d'hégémonie de la matière sur l'âme.


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