Peut-on se référer au chiffre officiel de 8,5 millions de citoyens, recensés dans les zones d'ombre, pour déduire que l'Algérie compte autant de pauvres, soit un taux de 20 % (un cinquième) de sa population ? Cela serait intelligible de tirer un lien entre ce chiffre et le nombre de pauvres en Algérie, qu'on n'a jamais pu définir avec précision hors cadre légal des nécessiteux bénéficiant de l'aide des pouvoirs publics, mais l'évaluation pourrait être incorrecte. D'ailleurs, officiellement, comme on peut le remarquer, on ne parle pas de nombre de pauvres mais de gens vivant dans quelque 15.000 «zones d'ombre», selon un langage récent, ou zones enclavées et déshéritées, selon une définition anciennement usitée, de ces lieux non touchés par le développement. Un développement en marche, avec 2.238 projets lancés au cours des cinq (5) derniers mois dans ces zones, dont «686 projets» réceptionnés dans ces coins, pas toujours aussi reculés qu'on le pense, puisque la capitale, à elle seule, compte «299 zones d'ombre», malgré le fait, a précisé par le ministre de l'Intérieur, M. Beldjoud, que les difficultés ne sont pas du même degré que celles des zones situées dans l'Algérie profonde, qui ne disposent parfois même pas de besoins élémentaires tels que le gaz, l'électricité et l'eau. C'est à ce niveau de la description des zones d'ombre qu'il faudrait braquer la lumière pour faire la différence entre la pauvreté dans son sens absolu et la pauvreté relative qui ne repose pas sur le critère monétaire ou le niveau de revenu défini par rapport au niveau de vie général de la population. Il s'agit d'une pauvreté dans le sens des conditions de vie basées sur des critères de privation d'un certain bien-être qui bénéficie à d'autres membres de la communauté, soit l'inégalité sociale. Car la pauvreté, c'est aussi l'exclusion de certaines conditions, qui étaient classées parmi les avantages sociaux, et qui sont devenues par la force du développement des pratiques courantes, voire élémentaires, comme l'accès au gaz de ville pour se chauffer en période de froid, à l'électricité, au réseau téléphonique, à la route et autres installations de voiries et réseaux divers. Donc, des gens relativement à l'aise sur le plan financier, des salariés ou des fellahs qui tirent leurs ressources financières de la vente des produits récoltés, peuvent figurer parmi les 20 %. Ces derniers se retrouveraient plus dans le classement des marginalisés ou laissés-pour-compte par les autorités plutôt que sur la liste des pauvres. Certes, il y en a assurément qui répondent aux critères de pauvreté parmi eux, revenus faibles ou inexistants, mais pas l'ensemble de cette population. Aussi, il faut admettre que d'une manière générale, l'Algérie n'a jamais pu établir avec précision le recensement de ses pauvres. De nombreuses difficultés empêchent l'accomplissement de ce travail, dont l'activité informelle, qui emploie des milliers de personnes, toutes qualifiées pour obtenir un certificat de non-activité et accéder aux bénéfices accordées aux pauvres, sous diverses formes de soutiens étatiques. En conclusion, posons la question inverse, est-ce qu'on pourrait affirmer qu'au bout de cette prise en charge par les autorités, de ces zones d'ombre, l'Algérie compterait «zéro» pauvre ? Bien évidemment non, il y aura moins d'inégalités sociales, moins de citoyens exclus des conditions de vie décentes, mais pour réduire la pauvreté, il faudrait produire de la richesse par le biais du développement de l'économie nationale et garantir une équité en matière de la distribution de cette richesse.