Le corps humain, à l'extérieur comme à l'intérieur, offre plusieurs sites favorables à l'établissement et au développement de plusieurs types de microorganismes, comme les bactéries, les champignons, les parasites et enfin les virus. Si certains groupes de bactéries peuvent s'établir et coexister avec notre organisme, les microorganismes pathogènes ne peuvent pas cohabiter avec nous et représentent une menace constante pour notre santé, de par les maladies qu'ils causent. Mais en matière de défense contre les agents qui nous causent des maladies, notre organisme a plus d'une flèche à son arc, tant en défenses internes qu'en défenses externes. Dès la naissance, notre organisme entre en contact avec un environnement fait de matières utiles et de matières nocives. Il se met petit à petit à évoluer dans le nouvel univers pour tirer profit des éléments utiles et à se défendre contre les agressions de tout type en accomplissant ainsi son cycle de croissance. L'effet de certaines substances chimiques, de bactéries ou de champignons pathogènes, de virus ou de parasites peut constituer des agressions vis-à-vis desquelles notre organisme doit se défendre. La persistance de l'épidémie due au coronavirus (SARS-COV 2) responsable de la maladie virale dénommée Covid-19, nous interpelle sur les moyens de défense dont dispose l'organisme humain, en particulier en l'absence d'un vaccin ou d'un traitement spécifique. A la surface de notre corps, les tissus périphériques constituent une barrière physique infranchissable par les agresseurs potentiels, à moins d'une blessure. Même après une blessure, l'organisme réagit pour la refermer et bloquer naturellement l'entrée de corps étrangers, ceci grâce à la coagulation du sang au niveau de la blessure, assurée par les plaquettes sanguines. Diverses sécrétions comme la salive et les larmes (contenant du lysozyme, un puissant bactéricide, mais aussi des anticorps), le suc gastrique (contenant de l'acide chlorhydrique et des enzymes protéolytiques), le milieu intestinal (contenant une flore bactérienne extrêmement dense et diversifiée qui s'oppose à l'établissement de microorganismes indésirables), les muqueuses du nez et l'épithélium des poumons (qui produisent du mucus contenant des substances, comme les défensines, contre les agents pathogènes, mais aussi des cellules immunitaires qui produisent des anticorps) constituent une première ligne de défense vis-à-vis des agents pouvant nous causer des maladies. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, notre corps héberge à sa surface externe des populations entières de microorganismes avec lesquelles il entretient des relations de profit mutuel. Ces populations microbiennes trouvent de quoi se nourrir à la surface du corps humain et font barrière à de nombreux microbes pathogènes. Mais ce ne sont pas les seuls microorganismes avec lesquels nous vivons en coexistence bénéfique : nos intestins hébergent une flore bactérienne très riche qui assure pour nous la digestion des aliments non complètement dégradés au niveau de l'estomac. Dès l'entrée d'un corps étranger dans l'organisme, des cellules mobiles de différentes formes et de différentes tailles s'activent pour éliminer l'intrus. A l'intérieur de l'organisme, nous sommes dotés à la naissance d'un premier système de défense immunitaire assuré par un groupe de cellules sanguines prêtes à assurer leur rôle de défense. Elles s'attaquent à tout corps étranger qui entre dans l'organisme, sans distinction, l'interceptent, le neutralisent ou mieux encore le dégradent en petits fragments (des peptides) pour les présenter à d'autres cellules sanguines (les lymphocytes) plus spécialisées dans la neutralisation des agents pathogènes. La première catégorie de cellules immunitaires actives à la naissance (en l'occurrence les neutrophiles, les éosinophiles, les basophiles, les macrophages, les cellules dendritiques, les cellules tueuses naturelles NK et les lymphocytes B naïfs), constitue ce qui est communément appelée immunité naturelle ou immunité innée, car on naît avec. La caractéristique de ce mécanisme de défense est qu'il est généraliste : tout corps étranger qui envahit l'organisme est attaqué, englouti, digéré et éliminé. La reconnaissance qu'un corps est étranger se fait grâce à la structure chimique de ses constituants reconnus comme des motifs chimiques différents des constituants chimiques de nos cellules. La phagocytose est le moyen par lequel les cellules de la première ligne de défense détruisent les corps étrangers, en les engloutissant dans leur cytoplasme pour les dégrader chimiquement au moyen d'enzymes et de substances oxydantes. Ainsi, les macrophages tiennent leur nom (gros mangeurs, en grec) de cette activité de phagocytose. Les cellules dendritiques, qui bougent comme des étoiles de mer, phagocytent également les corps étrangers tout comme les neutrophiles qui phagocytent aussi les corps étrangers et les détruisent dans leur cytoplasme grâce aux substances toxiques contenues dans leurs granules. Les éosinophiles et les basophiles s'attaquent aux agents pathogènes en libérant le contenu de leurs granules contenant des substances chimiques toxiques. Si le corps étranger (qui peut être un coronavirus, une bactérie, un parasite, un champignon ou leurs toxines) n'est pas éliminé par cette première ligne de défense, une deuxième ligne plus spécifique du type d'envahisseur se déclenche grâce à la coordination et à la collaboration de la première catégorie de cellules avec cette deuxième catégorie de cellules qui sont spécialisées dans l'attaque spécifique d'un agent infectieux particulier, celui qui circule dans l'organisme. Les cellules de cette deuxième ligne de défense n'ont aucune connaissance de l'envahisseur si elles ne sont pas instruites par les cellules de la première catégorie. Il y a là une entreprise de coopération entre les diverses catégories de cellules de l'immunité, toutes produites à partir des cellules souches au niveau de la moelle osseuse. Cette dernière génère à partir des cellules souches toutes les cellules précurseurs de tous les globules blancs dont un groupe (les myéloblastes) va se différencier dans la moelle osseuse en donnant les granulocytes (éosinophiles, basophiles, neutrophiles) et les monocytes ; ces derniers donneront les macrophages et les cellules dendritiques. Un autre groupe (les lymphoblastes) se développera dans le thymus pour former les lymphocytes (lymphocytes T, lymphocytes B et les cellules tueuses naturelles ou NK (Natural Killer). Qui fait quoi ? Alors que nos globules rouges approvisionnent les cellules de l'organisme en oxygène et le débarrassent du dioxyde de carbone, plusieurs types différents de globules blancs ont comme tâche de s'attaquer à tout corps indésirable, comme les virus, les bactéries, les champignons pathogènes et les parasites, pour protéger notre organisme, tout en le nettoyant des débris de tout genre y compris nos cellules mortes ou infectées. Toutes les cellules sanguines naissent dans la moelle osseuse, à partir de cellules souches, certaines atteignent leur maturité dans la moelle osseuse même, d'autres migrent vers d'autres tissus et organes (comme le thymus) où elles deviennent matures et développent des capacités défensives puissantes. Sur les résultats des analyses hématologiques apparaissent uniquement les catégories de cellules sanguines quantitativement mesurables. Lorsque notre organisme est infecté pour la première fois par un virus, une bactérie, un parasite ou leurs toxines, seules les cellules du groupe des myéloblastes (granulocytes et monocytes) agissent pour circonscrire l'infection, aidées en cela par le système du complément, sans production d'anticorps, car aucune des cellules de ce groupe n'a la capacité génétique de produire des anticorps, ni de mémoriser l'évènement. Si leurs interventions n'arrivent pas à endiguer l'infection par l'agent pathogène, ces cellules passent le relais, par une signalisation chimique très élaborée, aux cellules du deuxième groupe : les lymphocytes B et les lymphocytes T. Ces derniers sont activés par la présentation de l'antigène capté par les macrophages et les cellules dendritiques (soit au niveau du thymus pour les lymphocytes T) soit dans la moelle osseuse (pour les lymphocytes B). Après activation, prolifération et différenciation les lymphocytes T et B deviennent actifs contre l'agent infectieux. Il est à noter que toutes ces cellules ont le même matériel héréditaire, en l'occurrence le même nombre de chromosomes (46) et le même nombre de gènes (20.000 environ), mais fonctionnent différemment en remplissant des rôles différents tout en étant complémentaires : une autre prouesse de la différenciation cellulaire due à la régulation de l'expression des gènes ! En effet, dans la première ligne de défense interne contre les agents pathogènes, dans le groupe des granulocytes, les basophiles produisent de l'histamine qui provoque l'inflammation et stimulent le développement des lymphocytes T ; les éosinophiles s'attaquent aux cellules de parasites piégées par les anticorps produits par les lymphocytes B ; les neutrophiles s'attaquent aux agents pathogènes et les détruisent par phagocytose ; les monocytes se différencient : 1) - en macrophages qui engloutissent les agent infectieux, les digèrent et activent les lymphocytes T - 2) - et en cellules dendritiques qui engloutissent les agent infectieux, les digèrent et activent les lymphocytes T en leur présentant les débris de la digestion de l'agent infectieux ou antigènes. Enfin, les cellules naturelles tueuses (NK) agissent en détruisant les cellules infectées par des virus et les cellules tumorales. Les cellules NK sont capables de développer des lignées de cellules NK qui mémorisent longtemps l'agent pathogène qu'elles détruisent, grâce à leur activation par l'antigène spécifique de cet agent. Dans la deuxième ligne de défense interne, suite à l'activation par le contact avec l'antigène, les lymphocytes B se différencient en cellules productrices d'anticorps (les plasmocytes) et en cellules mémoire prêtes à réagir à la seconde infection par le même agent pathogène ; les lymphocytes T se différencient également : a) - en lymphocytes T cytotoxiques CD8 qui détruisent les cellules infectée par des virus ainsi que les bactéries par la sécrétion de granulysine, de perforine et de granzyme, toutes molécules destinées à détruire l'agent pathogène - b) - en lymphocytes T CD4 (Th, helper) qui stimulent l'activation des lymphocytes B - c) - en lymphocytes T mémoire qui enregistrent la structure de l'agent pathogène - d) - en lymphocytes T suppresseurs responsables des signaux d'arrêt de la réponse immunitaire, dont l'action doit cesser, une fois l'infection passée, sinon des effets négatifs peuvent apparaître si l'action des cellules de l'immunité se prolonge sans raison. Il s'agit d'un système autorégulé, en conditions physiologiques normales. De lymphocytes naïfs, ils deviennent des lymphocytes activés et des lymphocytes mémoire Alors que les macrophages sont actifs à la naissance, les lymphocytes se développent progressivement, au fur et à mesure que l'organisme entre en contact avec de nouveaux agents pathogènes, on dit qu'ils sont activés. La population de cellules B activées après l'invasion d'un agent pathogène comme le coronavirus, se spécialise dans la production d'anticorps contre ce virus uniquement. Une lignée de cette population de cellules activées mémorise l'évènement et reste prête à l'attaque en cas d'une nouvelle agression. C'est ce principe qui est exploité dans les vaccins. Mais cette mémoire a une durée limitée dans le temps et le besoin de restimuler l'organisme est nécessaire. En effet, avant leur premier contact avec l'agent pathogène (virus, bactéries ou parasites), les lymphocytes, nés dans la moelle osseuse, ne sont pas en mesure d'attaquer et de détruire les agents pathogènes par manque de spécialisation : on dit qu'ils sont «naïfs» ou immatures. Ce n'est qu'après leur activation, dans la moelle osseuse pour les lymphocytes B et dans le thymus pour les lymphocytes T qu'ils acquièrent (par une nouvelle programmation génétique et une différentiation cellulaire) leurs capacités défensives : production d'anticorps spécifiques de l'agent pathogène présent dans l'organisme (par les lymphocytes B activés) et destruction de cet agent par les lymphocytes T cytotoxiques. Cette activation débouche sur la production de clones de lymphocytes T et B qui savent quoi attaquer et se rappellent de cet agent pathogène en gardant en mémoire sa structure chimique c'est-à-dire sa structure antigénique particulière. Au prochain passage de cet agent pathogène, ces lymphocytes « éduqués » n'auront aucun mal à réagir très vite pour stimuler la multiplication du nombre de lymphocytes T et B pour neutraliser et détruire l'intrus. Cette activation est déclenchée par les cellules du système immunitaire inné : les macrophages et les cellules dendritiques, cellules constamment actives. Ces dernières interceptent les corps étrangers dès leur pénétration dans l'organisme, les engloutissent, les dégradent en petits fragments (dont certains sont des peptides, ou morceaux de protéines) et les ressortent à la surface de leur membrane cellulaire fixés sur un complexe protéique. Ce complexe protéique comportant les débris de l'agent pathogène associé à une protéine de transport et de reconnaissance entre cellules (le complexe majeur d'histocompatibilité), permet aux lymphocytes T et B d'être stimulés pour se différencier et atteindre la maturité dans leurs rôles de cellules de défense. Le schéma n'est pas tout à fait le même pour les deux types de lymphocytes. Contrairement aux lymphocytes T, les lymphocytes B sont aussi activés directement par l'agent pathogène en plus d'être activés par la présentation des débris de cet agent par les macrophages et les cellules dendritiques. A la surface externe de la membrane cellulaire, les lymphocytes ont des récepteurs (molécules protéiques) qui permettent la communication chimique entre cellules pour la collaboration et la costimulation à travers l'échange d'information au moyen d'une panoplie de molécules comme les interleukines, les chimiokines , les cytokines (interférons) et autres signaux chimiques. Les lymphocytes B activés secrètent leurs anticorps libres dans la circulation sanguine, ce qui leur permet d'atteindre l'agent causant l'infection partout dans l'organisme. Les lymphocytes T activés ne produisent pas d'anticorps mais, après leur activation, deviennent aptes à reconnaître l'agent infectieux et à le détruire: ils deviennent des lymphocytes T cytotoxiques. Suite à l'activation provoquée par la rencontre des lymphocytes (T et B) avec l'antigène (dérivant de l'agent agresseur), se développent aussi des lignées de cellules mémoire (T et B). Ces lymphocytes T et B mémoire activés servent à garder en souvenir la forme (chimique) de l'agent infectieux pour se multiplier et se différencier au contact suivant avec cet agent en lymphocytes T cytotoxiques et lymphocytes B producteurs d'anticorps, en générant de nouveau deux autres lignées de lymphocytes mémoire, et ainsi de suite. C'est quoi au juste l'activation des lymphocytes (B et T) naïfs. La présentation de l'antigène aux lymphocytes (B ou T) par les macrophages ou par les cellules dendritiques, c'est exactement comme faire la connaissance d'une personne que quelqu'un vous présente Un lymphocyte naïf est une cellule qui naît dans la moelle osseuse sans être préparée ni pour reconnaître ni pour s'attaquer aux agents infectieux, même s'ils passent à proximité. Tant qu'un agent infectieux quelconque (plus précisément ses antigènes) n'a pas été rencontré ou présenté par les cellules spécialisées dans la présentation des antigènes (les cellules dendritiques et les macrophages) aux lymphocytes naïfs (B et T), ces derniers restent dans l'ignorance de l'existence de ces antigènes et dans l'incapacité de les attaquer. Ce n'est qu'une fois que les lymphocytes naïfs (B et T) rencontrent l'antigène correspondant à l'agent infectieux qui a envahi l'organisme, que le processus d'activation s'enclenche. Suite à cela les lymphocytes naïfs (B et T) développent les capacités de reconnaissance de l'agent infectieux et des capacités d'attaque. La présentation de l'antigène se fait dans les organes lymphoïdes secondaires (les ganglions lymphatiques) les plus proches du site de l'infection. La présentation de l'antigène aux lymphocytes (B ou T) par les macrophages ou par les cellules dendritiques, c'est exactement comme faire la connaissance d'une personne que quelqu'un vous présente. Les antigènes et les anticorps fonctionnent comme des moules pour la confection de gâteaux. Avec un moule, on produit toujours le même gâteau. Pour faire un gâteau différent, il faut un nouveau moule Une fois produits par les plasmocytes (qui sont l'état final de la maturation des lymphocytes B), les anticorps accomplissent plusieurs actions. Outre le fait qu'ils aident les cellules phagocytaires (comme les macrophages) à mieux accomplir leur rôle, les anticorps neutralisent les corps étrangers qu'ils piègent en se liant à eux par affinité chimique, ainsi les cellules bactériennes sont immobilisées et plus facilement phagocytées. Enfin les anticorps activent le système du complément qui agit en détruisant la paroi externe des agents pathogènes. Pour simplifier à l'extrême, est antigène tout corps étranger (cellule bactérienne, particules virales ou leurs éléments constitutifs) à notre organisme reconnu par nos cellules de l'immunité comme tel, alors que l'anticorps est la substance protéique produite, uniquement par nos lymphocytes B pour réagir avec l'antigène, le neutraliser et l'éliminer de notre organisme. Dans la réalité, c'est plus complexe, car l'antigène peut être une partie typique du corps étranger. La nature chimique de cette partie de l'antigène peut être protéique, lipidique, saccharidique ou un fragment nucléique (ADN ou ARN), etc. Notre corps produira une réponse immunitaire aussi bien contre une protéine que contre un polysaccharide ou un fragment nucléique propres au corps étranger intrus, comme un virus. Par conséquent, pour un même virus, plusieurs anticorps différents peuvent être produits chacun dirigé vers un constituant viral particulier. Il est à préciser de nouveau que l'anticorps produit par les lymphocytes B suite à l'agression par un virus X est spécifique de ce virus et ne servira que pour défendre notre organisme contre ce virus-là. Si un nouveau virus envahit notre organisme, les lymphocytes B immatures vont devoir développer, après activation, un nouveau clone de lymphocytes B qui savent produire des anticorps spécifiques pour la défense immunitaire contre ce nouveau virus. Si l'organisme a développé une immunité pour un virus, cela ne le protège pas contre l'agression par un virus différent, ou un virus mutant, que l'organisme n'a jamais connu. Les antigènes et les anticorps fonctionnent comme des moules pour la confection des gâteaux. Avec un moule on produit toujours le même gâteau. Pour faire un gâteau différent, il faut changer de moule. Le premier moule n'est pas perdu, mémoire oblige, il servira toujours pour faire le même gâteau. Le moule représente ici l'antigène (c'est-à-dire en fin de compte l'agent pathogène, comme le coronavirus) et le gâteau l'anticorps. C'est contre un antigène spécifique que les lymphocytes B produisent un anticorps spécifique. Dans notre cycle de croissance, nous recevons différents antigènes provenant de différents agents pathogènes et nos cellules immunitaires sont génétiquement compétentes pour faire face à chaque type d'intrus grâce à la flexibilité au cours de l'assemblage des différentes parties de l'anticorps, une prouesse moléculaire sans égal ! L'anticorps produit après une agression par un coronavirus est une combinaison spécifique des différents segments de l'anticorps au cours de l'assemblage. Avec plus d'une centaine de gènes dédiés à la synthèse des anticorps, nos lymphocytes B sont capables, grâce à la flexibilité dans l'assemblage (ou réarrangements) des différentes parties de l'anticorps de produire un grand nombre d'anticorps différents chacun correspondant à un antigène (donc un agent pathogène) différent. Pour faire face aux innombrables organismes pathogènes qui peuplent le milieu dans lequel nous évoluons nos lymphocytes B activés sont capables de produire autant d'anticorps différents qu'il y a d'agents pathogènes et mémoriser leurs motifs antigéniques (ou déterminants antigéniques), aidés en cela par le reste des composants du système immunitaire (cellules et molécules). Notre organisme produit grâce aux seuls lymphocytes arrivés à maturité cinq variétés différentes d'anticorps qui ont des structures moléculaires protéiques proches sans être identiques et des fonctions différentes. Mais cinq variétés différentes d'anticorps ne feront pas l'affaire devant les milliers d'agents pathogènes auxquels notre organisme est confronté ! Pour simplifier à l'extrême, nous dirons que les cinq types différents d'anticorps sont constitués chacun d'une partie constante et d'une partie variable. Pour chaque type d'anticorps, la partie constante constitue la base structurelle alors que la partie variable est destinée à piéger l'antigène. La partie variable découle du réarrangement au cours de fabrication (ou synthèse protéique) de l'anticorps. Comme cette fabrication est induite par la présence de l'antigène que les macrophages ou bien les cellules dendritiques présentent aux lymphocytes B (pour leur activation), la partie variable est produite sur mesure pour réagir avec l'antigène en question ! C'est là l'image de la dynamique cellulaire dans toute sa splendeur ! Pour contrer chaque antigène différent (microbe), la cellule produit un anticorps sur mesure pour le neutraliser. Une communication sophistiquée entre les différentes cellules, par messages chimiques, assure la coopération entre les différents types de cellules immunitaires, la stimulation et la coordination des différentes étapes de l'élimination de l'intrus et aussi pour se rappeler de lui pour une éventuelle nouvelle agression. Il faut ajouter, économie des ressources oblige, que la réponse immunitaire doit cesser quand l'intrus a été éliminé. Pour cela des signaux chimiques adéquats sont échangés entre les protagonistes des défenses immunitaires pour arrêter le combat et ranger les armes ! Le foie participe aussi à la défense de l'organisme, il ne produit pas de cellules immunitaires mais des substances chimiques toxiques pour les agents pathogènes Le foie participe aussi à la défense de l'organisme en produisant un ensemble de protéines, appelées complément, car elles complètent les autres défenses immunitaires qui sont l'œuvre de cellules immunitaires produites par la moelle osseuse. Les protéines du complément sont inactives au départ, mais au contact des agents pathogènes, elles commencent leur travail d'attaque. Ces actions de destruction sont assurées par des molécules du complément (telles que le C1q, MBL, fla ficoline et la properdine) qui reconnaissent (affinité chimique oblige) des motifs dans la structure chimique des agents pathogènes ou même des cellules mortes de l'organisme et s'affairent à les éliminer. Ce mécanisme de défense est présent à la naissance de l'être humain, ses éléments ne proviennent pas seulement du foie, mais aussi du rein et d'autres tissus et cellules immunitaires comme les macrophages. Le système immunitaire assure la défense de notre organisme par un ensemble d'organes (moelle osseuse, thymus, rate, foie), de cellules immunitaires qui passent d'un site à un autre en se mouvant aussi bien dans la circulation sanguine que dans les vaisseaux lymphatiques et de complexes moléculaires hautement spécialisés dans l'organisation de l'attaque coordonnée contre les corps étrangers. Reconnaître et être reconnu grâce à une étiquette ou à un code-barres moléculaire Mais comment notre organisme fait-il alors la différence entre ses propres cellules et les cellules bactériennes ou les particules virales ? Pour assurer leur rôle de protection de l'ensemble des cellules de l'organisme (cellules des muscles, des poumons, de la peau, du système digestif , etc.) les cellules du système immunitaire doivent pouvoir les distinguer des agents pathogènes. Les cellules de l'immunité innée disposent de récepteurs de reconnaissance des agents pathogènes (PRR, Pattern recognition receptors), qui réagissent par affinité chimique avec des motifs particuliers qui caractérisent la structure chimique des agents pathogènes appelés motifs moléculaires associés aux pathogènes (PAMP, Pathogen-associated molecular pattern). Grace à cette interaction, les pathogènes sont différenciés des cellules de l'organisme et sur cette base ils sont détruits. Les cellules d'un même organisme portent toutes une espèce d'étiquette moléculaire à leur surface externe qui permet aux cellules immunitaires de les reconnaître et de ne pas les détruire. La logique est aussi moléculaire. C'est une espèce de code-barres moléculaire, ou signature moléculaire, constitués de protéines et de glycoprotéines ancrées à la surface externe des cellules mais qui traversent la membrane cellulaire jusqu'au cytoplasme où elles réagissent en temps opportun avec d'autres molécules. Lors de la maturation des lymphocytes dans la moelle osseuse et dans le thymus, les cellules de lymphocytes B ou T nouvellement différenciées sont sélectionnées pour leur capacité à s'attaquer aux agents porteurs des antigènes qui ont causé leur activation et non aux cellules de l'organisme qu'elles doivent défendre. Dans le cas contraire, elles sont invitées à disparaître. Les molécules de reconnaissance et de compatibilité entre cellules d'un même organisme sont appelées dans le jargon spécialisé : complexe majeur d'histocompatibilité ou complexe de compatibilité entre cellules. Cet aspect prend toute son importance durant les greffes d'organes ou de transfusion sanguine : si les cellules du donneur sont incompatibles, l'organisme les rejette, c'est-à-dire que les cellules du système immunitaire receveur les attaquent. Mieux encore, notre système immunitaire attaque aussi nos propres cellules quand elles ne sont plus reconnaissables à la suite d'une atteinte, c'est ce qui se passe dans le cas des cellules mortes, des cellules tumorales et dans les cas des maladies auto-immunes dans lesquelles les cellules d'un tissu particulier (comme le pancréas, p.ex.) ne sont plus reconnues et finissent par être attaquées par les cellules du système immunitaire. Mais alors si notre système de défense est si élaboré, pourquoi peine-t-il à éliminer rapidement le coronavirus ? D'abord, il serait judicieux de relativiser et de rapporter le nombre de personnes atteintes par le virus par rapport à la population totale et surtout le nombre de personnes qui guérissent par rapport aux personnes atteintes. Quel que soit le pays et quel que soit son mode de production des chiffres, ces deux rapports montrent que les personnes infectées représentent une très faible partie de la population totale et que parmi cette population infectée, une partie se remet de son infection et guérit. S'il est sûr qu'une partie de la population atteinte se défend parfaitement contre le coronavirus grâce aux défenses immunitaires, il est par contre difficile d'en estimer le nombre. Il n'y a pas lieu de douter de notre système immunitaire. Mais cela ne résout pas la question : pourquoi, chez certaines personnes atteintes, le système immunitaire peine-t-il à éliminer rapidement le coronavirus ? Une première réponse très générale, car valable pour tout agent viral : l'état physiologique de l'organisme est capital dans la résistance contre l'infection virale. Le système immunitaire fonctionne grâce à l'expression de gènes, au fonctionnement d'organes et de cellules leucocytaires et à l'activité d'un ensemble particulier de molécules impliquées dans des processus métaboliques précis. Toute atteinte, qu'elle soit génétique ou pathologique peut affaiblir les défenses de l'organisme. Toutefois, le coronavirus semble présenter des caractéristiques différentes de celles des virus connus, sans qu'elles soient de l'ordre de celles du virus du Sida, d'Ebola ou autres virus extrêmement dangereux. Le coronavirus SARS-COV 2, responsable de l'actuelle épidémie semble doté de capacités de nuisances dont certaines sont communes aux autres coronavirus (SARS-COV et MERS-COV) et d'autres typiques de ce nouvel agent infectieux. Certains virus disposent de capacités de contourner, de neutraliser, de perturber ou même d'inhiber les capacités défensives de l'organisme. Tous ces aspects méritent d'être approfondis, si les connaissances actuelles du coronavirus le permettent. Le présent texte ne peut en aucun décrire toute la réalité du système immunitaire et reste un rapide survol d'un univers extrêmement diversité, mais passionnant. En conclusion, notre organisme se défend contre le coronavirus comme il se défend contre tout agent pathogène. Ceci de façon instantanée, non spécifique et pas toujours suffisante (grâce à des leucocytes phagocytaires du type macrophages, cellules naturelles tueuses, cellules dendritiques et lymphocytes B naïfs et grâce aussi aux molécules du complément qui détruisent le pathogène). Mais aussi de manière très spécifique, durable et efficace, grâce aux lymphocytes B activés qui produisent l'anticorps correspondant à la nature chimique du virus et grâce aux lymphocytes T cytotoxiques activés qui dégradent l'intrus et l'éliminent. Les deux types de défense sont liés et l'un stimule l'autre à travers de multiples signaux chimiques. La défense rapide entre en action dès les premières heures de l'infection, la deuxième (déclenchée par la première), n'entre en action que plusieurs jours après l'infection. Il va sans dire que ces considérations concernent la personne en parfaite santé. Fortifier et préserver notre système de défense immunitaire est un long apprentissage et le besoin de s'informer est toujours là. L'hygiène du corps, l'hygiène alimentaire, l'hygiène du groupe (famille, amis, travail), l'hygiène de l'environnement ont pour but de garder une hygiène globale qui nous évite les infections de tout type : viral, bactérien, parasitaire ou chimique. *Professeur en microbiologie, Laboratoire de mycologie, biotechnologie et activités des microorganismes, Département de Microbiologie, FSNV/UFMC, Constantine Références : - Janeway, Murphy, Travers et Walport, 2009. 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