La duplicité est-elle une des nobles «valeurs occidentales ?» La destruction programmée de l'Ukraine, dont la couverture médiatique intense permet de suivre la descente inexorable dans l'enfer de la guerre totale moderne, est-elle le prix à payer par le peuple ukrainien martyr pour l'émergence d'un monde fondé sur la «légalité internationale?» L'appel à la résistance acharnée contre «l'agresseur» est-il motivé exclusivement par des considérations morales? La «défense de la liberté» pour laquelle est mobilisée l'opinion internationale est-elle en fait le premier pas vers l'effondrement du système institutionnel mondial? Le peuple ukrainien est-il la victime délibérément sacrifiée sur l'autel d'une vaste intrigue dont l'objectif n'a rien à voir avec les nobles principes évoqués par une des parties au conflit? Assiste-t-on à une déqualification délibérée des institutions internationales et de leurs attributions au profit d'une minorité de pays? Des questions légitimes que soulève la tragédie ukrainienne, qui sert de couverture à des desseins dont la réussite exige la destruction totale de ce pays, et alors que ce peuple est appelé «à faire preuve d'héroïsme», au nom de principes dont la violation fait partie du «nouvel ordre mondial,» que certains veulent imposer sur les cadavres, les réfugiés et les ruines de ce malheureux pays. En fait, la dimension de ce conflit va bien au delà de ses frontières et menace le fragile équilibre établi par le système d'institutions onusiennes créées après la Seconde Guerre mondiale. Etrange personnalisation du conflit De même, la suspecte personnalisation de ce conflit, d'une extrême complexité, le transforme bizarrement en un simple problème «médical,» posé par un «chef d'Etat,» et accroît, contrairement à l'effet recherché, les doutes quant aux «bonnes intentions» de ses adversaires. Car ce conflit, qui se déroule en direct, est, avec insistance, tel un slogan publicitaire commercial, présenté tant par les médias, que par le leadership des «démocraties avancées» comme d'abord et avant tout un conflit d'ordre moral portant sur des principes et des valeurs, et de caractère juridique, et d'où seraient absents tous calculs géostratégiques ou toutes velléités ou ambitions de maintenir, même par la violence militaire, un ordre hégémonique unipolaire universel. «La légalité internationale», enjeu ou «feuille de vigne?» Selon cette version de la crise répétée ad libitum, non seulement dans les médias de tout type et de toutes dimensions où régnerait la «liberté d'expression» la plus débridée, mais également par la classe politique et les dirigeants de tous les pays se réclamant des «valeurs occidentales», il s'agirait de «mettre au pas» et de «ramener sur le chemin de l'éthique humanitaire et la légalité internationale» un acteur qui aurait délibérément, unilatéralement, et sans provocations préméditées, violé toutes les dispositions les plus élémentaires de la moralité humaine et des lois qui régentent les rapports entre «Etats civilisés». Cependant, la démarche suivie par les «pays indignés», loin de prouver qu'ils combattent pour un monde fondé sur des règles au respect desquelles tous les Etats sont soumis, prouve, s'il le fallait encore, qu'ils rejettent toute la construction institutionnelle qu'ils ont bâtie, dans le cadre du Traité de San Francisco (26 juin 1945) dont l'objectif était de régler par la voie pacifique et le dialogue les conflits interétatiques. On ne peut pas à la fois se prévaloir de la légalité internationale et, simultanément, la fouler aux pieds de manière délibérée. Le jugement suit l'exécution de la sentence ! En effet, et en contradiction avec leur propre argumentation, les «membres de la communauté internationale» ont simplement décidé de frapper, et sans consulter au préalable aucune instance internationale, de sanctions, d'une ampleur unique dans l'histoire de l'humanité, le pays jugé unilatéralement «délinquant». Il est mis en état de siège total, quasiment coupé du reste du monde par une avalanche de mesures qui l'excluent non seulement de tout le système économique international, créé sous le slogan de la «mondialisation», mais également même des échanges culturels et sportifs supposés être à l'abri des aléas de la politique internationale, et représenter les derniers bastions de la «convivialité», quand tous les autres liens sont brisés. La musique est censée réunir les hommes, quels que soient leurs rapports, et le sport est proclamé être un facteur de rapprochement entre les adversaires les plus acharnés qui ne doit jamais être terni par des considérations autres que l'esprit de compétition physique. Ainsi, et alors qu'elles auraient dû être appelées à intervenir, en application des articles les fondant, les arènes internationales ont été mobilisées à posteriori, pour, non seulement donner à cette version unilatérale des évènements tragiques que connaît l'Europe, une «légitimité sans faille», mais également pour fournir une assise juridique internationale aux mesures de siège, équivalentes d'une déclaration de guerre, malgré les démentis fourbes des uns et des autres, prise contre l'Etat désigné «comme coupable». Cette manœuvre prouve exactement le contraire de ce que le «monde libre» veut prouver: un groupe d'Etats respectueux de la «légalité internationale» et tenant à ce que la volonté de la collectivité internationale prévale contre un «état rebelle». Effondrement de l'Etat de droit au nom de la «démocratie» ! Il faut reconnaître que les moyens de coercition dont disposent les tenants de cette version sont si puissants qu'on ne pouvait que s'attendre à ce qu'elle soit corroborée par «la collectivité internationale». Le monde est ainsi unilatéralement divisé de manière tranchée entre deux groupes: un groupe qui tient à ce que la «légalité internationale», quel que soit le sens qu'on lui donne, soit respectée, et un groupe «paria», composé d'un pays et ses «satellites,» auxquels d'ailleurs sont refusées toutes justifications rationnelles, qu'elles se réfèrent à leurs intérêts géostratégiques ou à leur droit de se défendre contre de probables agressions en préparation, ou simplement à leurs divergences avec le premier groupe quant à la définition de la légalité internationale, à ses sources et à son application. Et, pourtant, à y voir de près, on constate que les pays du «monde libre» ont, en fait, manipulé à leur gré les mécanismes de règlement des conflits internationaux, en se donnant le droit de passer outre aux règles de droit international et de punir le «violateur de la légalité internationale.» La fin des institutions de Bretton Woods et du système mondial des monnaies de réserve? Pour rappel, outre que la démarche suivie constitue une manipulation sans vergogne des institutions internationales, les mesures de boycott prises contre «l'Etat cible d'une condamnation unilatérale,» violent carrément et directement les statuts, qui sont des traités internationaux ratifiés et déposés auprès de l'ONU, des deux institutions internationales, à savoir la Banque mondiale et le FMI, fonctionnant sous le chapeau de cette organisation, et chargées de veiller, chacune selon son domaine d'intervention, à la prospérité et à l'ordre monétaire de tous les Etats du monde. Pour ce qui est de la Banque mondiale, qui a suspendu ses opérations dans les «pays coupables» l'article IV, section 10 de son statut stipule clairement et sans ambiguïté que «Section 10: interdiction de toute activité politique la banque et ses dirigeants n'interviendront pas dans les affaires politiques d'un Etat membre quelconque, ni ne se laisseront influencer dans leurs décisions par l'orientation politique de l'Etat membre (ou les Etats membres) en cause. Leurs décisions seront fondées exclusivement sur des considérations économiques, et ces considérations seront impartialement pesées afin d'atteindre les objectifs énoncés à l'art. 1"(https://fedlex.data.admin.ch/filestore/fedlex.data.admin.ch/eli/cc/1992/2646_2646_2646/20120627/fr/pdf-a/fedlex-data-admin-ch-eli-cc-1992-2646_2646_2646-20120627-fr-pdf-a.pdf) Quant au statut du FMI, il stipule dans son article 8, section 2 a, que «aucun Etat membre n'impose, sans l'approbation du Fonds, de restrictions à la réalisation des paiements et transferts» afférents à des transactions internationales courantes.» (STATUTS, FMI, 2020 (imf.org) On n'a nul besoin d'accompagner ces rappels de commentaires quelconques, tellement ces deux dispositions extraites de traités internationaux, sont compréhensibles même pour le non spécialiste. A souligner, que, comme dispositions d'un traité international, elle s'imposent sans restrictions à tous les Etats signataires, quelle que soit leur puissance économique ou militaire, dispositions qu'ils sont tenus de respecter , en particulier lorsqu'ils sont engagés dans une crise prétendument causée par un Etat qui ignore les traités internationaux. La confiscation des réserves de change de l'Etat en cause est une atteinte directe au système monétaire international tel que négocié à travers le temps, et depuis l'effondrement de la liaison entre le dollar et l'or. Cette confiscation jette le doute sur le rôle de la monnaie confisquée dans les réserves détenues par les Banques centrales à travers le monde. Cette confiscation, en elle-même, est un acte de guerre et est en opposition avec les bases légales de ce système; elle risque d'aboutir à des désordres monétaires graves, car tout Etat peut être la victime de ce type de décisions unilatérales. De même, la toute dernière décision unilatérale de la Banque des Règlements Internationaux, dirigée par un Mexicain, et dont le siège est à Bale, en Suisse, de suspendre un état parti au conflit va l'encontre de son statut qui est de «contribuer aux activités des Banques centrales en les aidant dans la gestion de leurs réserves et en favorisant la coopération internationale dans ce domaine. La BRI propose également ses services financiers aux organisations financières internationales.» Cette suspension ajoute aux craintes quant au futur du système de réserves de changes internationales. «La séparation des pouvoirs,» un simple slogan? Quant aux mesures de gel et autres types de confiscation et de «nationalisation» des biens détenus dans le «monde libre» par les citoyens de cet Etat désigné unilatéralement comme paria, elles violent non seulement leurs engagements internationaux dans le cadre des multiples accords qui fondent la «mondialisation,» dont ils sont les défenseurs acharnés, et les principaux bénéficiaires, mais également les principes de base de l'Etat de droit dont se prévalent les gouvernements qui ont pris ces mesures sans référence aucune à une législation interne ou à une décision des autorités judiciaires nationales chargées de prononcer des sanctions contre les « délinquants,» et «autres criminels». On pensait que le droit à la propriété privée était sacré et que la limitation ou la confiscation des biens privés devait répondre à des procédures transparentes appliquées de manière non discriminatoire à tous les détenteurs de ces droits, qu'ils soient citoyens ou non. On pensait également que le sacro-saint principe de la présomption d'innocence était le critère inviolable de l'indépendance de la justice dont se prévalent ces Etats, tout comme le droit à un jugement équitable des «présumés coupables» devant une cour de justice où leurs droit à la défense sont garantis! On sait maintenant que les fameuses «valeurs occidentales» n'empêchent pas les Etats qui s'en prévalent et s'en vantent, de prendre des mesures arbitraires de punition collective, ce qui les fait ressembler fortement à n'importe quelle dictature ou «république bananière» dont ils se gaussent à longueur de temps. On n'a pas entendu un seul des ténors de ces valeurs, tels BHL, Kouchner et alia, pleurant à chaudes larmes sur le malheureux sort des peuples «soumis à des dictatures arbitraires,» ne serait-ce que se demander à haute voix si leurs gouvernements n'ont pas été trop loin dans ces sanctions, et n'ont pas pris des décisions qui vont à l'encontre des principes sanctifiant les «droits universels de l'homme,» dont ils prétendent prouver l'absolu pouvoir et qu'ils se targuent de défendre «becs et ongles,» quel que soient les sacrifices à consentir... sur le dos du peuple ukrainien ! Il sera difficile, après ce précédent qu'ils ont créé, de jouer aux «donneurs de leçons» et de monter du doigt les Etats «dictatoriaux,» où règne l'arbitraire d'un seul homme ou d'un seul groupe politique. La démocratie «libérale» a pris un grand coup, tout comme d'ailleurs la fameuse liberté d'expression, dont on sait que le monopole appartient à une minorité dominant l'économie de ces pays. En conclusion 1. Dans la campagne de propagande hystérique à laquelle le monde est actuellement soumis, la froide analyse dérive de plus en plus vers les plus vulgaires et les plus outrancières des insultes et vers les plus absurdes des raisonnements que rejettent tant la logique que le bon sens. La crise actuelle y est présentée comme un conflit entre un groupe d'Etats, exclusivement mus par des «principes,» et tenant à l'existence d'un ordre international fondé sur le respect des lois et des traités, d'un côté, et, de l'autre, un pays «malveillant,» opposé à ces principes et censé être en violation «délibérée et non provoquée» des lois et traités les reflétant. 2. Faut-il rappeler, en passant, que certains de ces Etats «indignés» sont multirécidivistes dans les agressions contre des Etats indépendants, très souvent même sur la base de fausses preuves et de mensonges patents, ont causé, et causent encore, la mort de millions de victimes civiles innocentes et le déplacement de dizaines de millions de réfugiés, sur les cinq continents? 3. Or, on constate que ces pays «à principes» et légalistes» ont pris des décisions unilatérales contre cet Etat, décisions qui violent non seulement leur propre législation interne, mais même les traités dont ils ont été les promoteurs et les auteurs, et parmi lesquels se trouvent les statuts de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, comme de la Banque des Règlements Internationaux. 4. Si dans un système supposé être fondé sur la «séparation des pouvoirs,» la prise de décisions violant tant les lois nationales que les lois internationales est le privilège d'une minorité , qu'est-ce qui différencie une «démocratie avancée» d'une «dictature individuelle? Les déclarations d'adhésion à des valeurs nobles, que l'on ne respecte pas, ne sont pas suffisantes pour distinguer ces deux systèmes politiques l'un de l'autre. Qui est le dictateur et qui est le démocrate? Difficile à différencier l'un de l'autre! 5. Ils ont mis devant le fait accompli les institutions internationales chargées de régler ce type de conflit, en prenant contre «l'Etat coupable» des mesures d'isolement quasi total prises unilatéralement. 6. Mettre un pays en situation de siège total, pour le forcer à choisir entre lever les bras en signe de reddition, ou subir les affres de l'isolement total, est un acte de guerre; prétendre le contraire est simplement de la duplicité et un exemple manifeste de double langage. 7. Si ce n'est pas le cas, pourquoi ne pas légaliser et étendre le BDS contre la colonie de peuplement d'Israël, puisque le boycott total d'un pays ne serait pas un acte de belligérance, mais au contraire un moyen pacifique de ramener à la raison ceux qui violent les lois internationales, ce que cette colonie, fondée sur le rejet de toutes le «valeurs occidentales «pratique à toute heure du jour et de la nuit et depuis plus de soixante dix ans contre le peuple palestinien, toutes confessions confondues, et dont le seul crime est qu'il est «non européen?» 8. L'immense et globale campagne d'indignation animée à l'échelle mondiale contre ce pays n'a-t-elle pas pour unique objectif de cacher le ressort réel derrière cette crise, qui est le maintien d'une domination unilatérale sur les affaires de ce monde en violation de la «légalité internationale» derrière laquelle cette «OPA» sur ce monde se cache?