Dans un entretien accordé au quotidien arabophone Echourouk, publié dans l'édition du 14 août 2022, le Directeur général de la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH), Ali Aoun, a dressé un tableau général de l'institution qu'il dirige depuis le 7 mars dernier. Il décrit une PCH «au bord de la faillite» avec des «magasins quasiment vides» où «60% des médicaments étaient en rupture», des impayés atteignant 220 milliards de dinars auprès des hôpitaux publics. L'ancien DG de Saïdal a également noté une défaillance dans la gestion en raison de «l'absence de responsabilité». Interrogé sur le manque de médicaments dans les structures de santé publique, Ali Aoun estime que «la problématique se pose en terme de prévision des besoins». «La plupart des hôpitaux et des établissements de santé ne mesurent pas avec précision leurs besoins. Par exemple, celui qui a besoin de 100 unités en commande 200. Ceci est une erreur et c'est ce qui a provoqué le problème des médicaments périmés dans certains hôpitaux», ajoute l'intervenant. «Je cite ici la péremption de 583 implants cochléaires dans un hôpital, alors que des médecins et professeurs se plaignent de leur rareté», affirme encore Ali Aoun. Sur la situation de la PCH au moment de la prise de ses fonctions, M. Aoun affirme avoir trouvé les «magasins quasiment vides» et une «rupture ou rareté de 60% des médicaments». «Actuellement, le manque est estimé à 8%, et d'ici la fin août ou fin septembre, nous allons en finir avec les ruptures, sauf pour des médicaments qui connaissent une demande mondiale comme les dérivés du sang comme les immunoglobulines». L'intervenant affirme que parmi les facteurs ayant favorisé le manque de médicaments, «la non mise en œuvre d'un Appel d'offres (AO), lancé depuis septembre 2021. Quand je suis arrivé, cet AO était encore au stade de l'étude des offres, ce qui a eu pour conséquence des magasins vides et des médicaments en rupture dans les hôpitaux». «Le plus étonnant, c'est que 80% des offres participant à l'AO ne correspondaient pas aux critères ni à la réglementation», précise M. Aoun. Le DG de la PCH affirme avoir lancé deux autres appels d'offres «dans un temps record». «Une opération qui durait jusqu'à un mois et demi, nous l'avons réalisée en une seule journée», affirme-t-il. Fardeau des créances impayées Interrogé également sur les impayés des hôpitaux et des établissements de sans publique, Ali Aoun affirme que la PCH «était au bord de la faillite», faisant état d'un montant des créances «avoisinant les 200 milliards de dinars, accumulés depuis 2017». «Compte tenu de la situation, j'ai sollicité l'intervention du gouvernement pour la régulariser, surtout que nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas assurer les commandes des hôpitaux et priver le malade de médicaments», a-t-il expliqué. Sur le coût des médicaments anticancéreux dans le budget de la PCH, Ali Aoun estime que leur montant consomme «les deux tiers des ressources» de la Pharmacie centrale des hôpitaux, et que «le reste est destiné aux médicaments des autres spécialités». «Nous avons organisé une réunion, pour évoquer les pénuries des médicaments et évaluer les besoins réels des structures hospitalières. Nous avons adopté une politique d'approvisionnement axée sur les Centres de lutte contre le cancer ainsi que les grands services hospitaliers. Il est impossible de satisfaire tout le monde en même temps. Ce n'est pas faute de moyens financiers, mais de disponibilités sur le marché mondial. Les laboratoires ne fournissent pas les commandes d'un seul coup. Nous avons mis l'accent sur les besoins urgents, en particulier les produits de chimiothérapie et de radiothérapie et les médicaments contre les vomissements», explique le DG de la PCH. Importation déguisée Interrogé sur l'apport de l'industrie pharmaceutique en Algérie dans la couverture des besoins en médicaments, Ali Aoun a relevé «son importance» pour «assurer la souveraineté sanitaire» du pays, affirmant que la PCH a lancé «pour la première fois» un appel d'offres «destiné aux industriels locaux». Le but de cet appel d'offres «est d'évaluer les capacités des industriels algériens du médicament» à assurer les besoins de la PCH, et «mesurer le poids de cette industrie» à fournir le marché national. «Lancé début juin 2021 et mis en œuvre début juillet, sur les 120 opérateurs nationaux, seuls 21 ont répondu à l'appel d'offres. Le chiffre d'affaires fixé avec ces (21 opérateurs) est de 37 milliards DA sur une prévision de 150 milliards DA, soit à peine 20%, ce qui est très peu. Et ce qui montre que les opérateurs qui n'ont pas répondu à l'appel d'offres font de l'importation déguisée. Car nous avons exigé des candidats à l'AO la fabrication à partir de matières premières», explique Ali Aoun à ce sujet. Sur le caractère «industriel» de la PCH qui n'a jamais été mis en œuvre, Ali Aoun a annoncé dans cet entretien, le lancement de «projets industriels». «Nous allons commencer par la fabrication de sérums et de fil chirurgical. L'étude est prête, le groupe de travail aussi, et nous somme à la recherche de sources de financements».