Un accord conclu peut-il être conditionné par un autre accord, qui reste à conclure, avant de se concrétiser ? Ce n'est ni une question doctrinale ni juridique, mais purement diplomatique, qui est posée à la suite de la signature, dimanche dernier, d'un protocole d'accord, entre l'Union européenne (UE) et la Tunisie, autour d'un « partenariat stratégique complet » portant sur la lutte contre l'immigration irrégulière, les énergies renouvelables et le développement économique. Après le passage à Tunis, le 11 juin dernier, de la présidente de la Commission européenne, la cheffe du gouvernement italien et le Premier ministre néerlandais, pour discuter d'«un accord de coopération dans les domaines de l'économie, de l'énergie et de la migration», on a cru que cet accord recherché par l'UE était impossible à obtenir, à cause de la vague d'opposition qu'il a rencontré en Tunisie, de la part du président Kaïs Saïed, qui a clairement objecté que la Tunisie ne fera pas le gendarme pour l'Europe sur les questions migratoires, ainsi que la société civile, dont le Forum tunisien des droits économiques et sociaux, qui suit les questions migratoires, et qui a qualifié cet accord de «chantage» et de «marchandage» pour «donner de l'argent» à la Tunisie en échange d'une surveillance renforcée de ses frontières. Lors de cette visite du trio européen, l'UE a mis sur la table 1,5 milliard d'euros dans le cadre « un renforcement du partenariat » avec la Tunisie à travers un programme incluant une possible aide financière de long terme de 900 millions d'euros et une aide additionnelle de 150 millions à injecter « immédiatement » dans le budget. Le 16 juillet, on annonce que l'Union européenne a signé un « renforcement du partenariat » avec la Tunisie comprenant une aide financière à long terme pouvant atteindre 900 millions d'euros, et une aide immédiate supplémentaire de 150 millions d'euros. Soit un accord dans les mêmes termes avancés lors de la visite de juin. Et encore, rien n'est garanti à ce stade si on se réfère aux déclarations de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui a affirmé dans ce sillage, dimanche 16 juillet, que Bruxelles « est prête à fournir cette assistance dès que les conditions seront remplies ». De quelles conditions parle-t-elle ? L'UE ne peut pas aller à contresens du Fonds monétaire international (FMI) qui, lui, n'a pas encore trouvé terrain d'entente avec les autorités tunisiennes. On peut comprendre que cette offre n'est pas de refus, vu les dures conditions socioéconomiques par lesquelles passe la Tunisie, mais on ne peut pas comprendre que cet accord soit conditionné par la signature d'un autre accord entre la Tunisie et le FMI pour un nouveau crédit du Fonds. Tant qu'on y est, on se demande pourquoi l'UE n'a-t-elle pas attendu que « les conditions soient remplies » pour procéder à la signature de cet accord ? Et, quand on sait qu'un accord entre la Tunisie et le Fonds monétaire international (FMI) pour un nouveau crédit du Fonds est loin d'être conclu, à cause de deux conditions (encore des conditions !) rejetées par le président tunisien, à savoir la levée des subventions sur les produits de base et la restructuration d'entreprises étatiques en difficulté, on est entrainé à parler d'un « accord en suspens » entre l'UE et la Tunisie. A moins que l'UE dispose d'une autre idée derrière la tête.