La sourdine est lentement mise à propos du coup d'Etat au Gabon. Si on susurre encore que les élections présidentielles gabonaises ont été entachées d'irrégularités, l'événement ne bénéficie pas de l'attention particulière qui avait été accordée au Niger par les analyses prolixes occidentales. Un mutisme dédouanant pour ne pas pousser le bouchon plus loin et exiger des putschistes de remettre sur le trône le président mis en résidence surveillée. Protestation tiède aussi de l'Union africaine pour ne pas cautionner le coup d'Etat, en s'appuyant sur le vague formalisme constitutionnel. C'est que de prime abord, les nouveaux dirigeants gabonais ont tenu à aviser qu'ils ne toucheraient pas aux accords économiques et politiques pour lesquels la dynastie gabonaise s'était engagée au cours d'un demi-siècle de règne. Aussi, au vu du profil du nouvel homme fort de Libreville, on ne pouvait s'attendre à un quelconque chambardement des accommodements régissant une économie essentiellement entre les mains de sociétés étrangères. Il est révélateur que les chancelleries, contrairement à leurs habitudes en la circonstance, n'aient pas recommandé à leurs plus de 20.000 ressortissants de quitter le pays. L'air gabonais maîtrisé a de quoi rassurer. Brandir des sanctions punitives ou annoncer une intervention militaire nuirait à son assurance et à sa pérennité. CEDEAO ? Connais pas ! Le Gabon est versé dans une autre rigole. Il obéit à son propre sens de l'indépendance, mais on ne sait pas jusqu'à quand. Détenteur d'importants biens immobiliers aux Etats-Unis, au Maroc et ailleurs, le nouveau général-chef d'Etat n'a pas la latitude de troquer son uniforme avec celui d'un révolutionnaire apte à imposer un autre cap à son pays. Il serait naïf de croire que sa seule fiche de paie lui aurait permis de s'asseoir sur une conséquente fortune. Son parcours militaire et sa longue proximité avec les écoles où il a été formé donnent une idée claire sur l'esprit avec lequel il a été forgé. Une partie du peuple gabonais quant à elle applaudit tout en ne sachant pas si «un tiens vaut un deux tu l'auras». C'est probablement une règle africaine en attendant mieux.