Spectacle grandeur nature au quotidien, à se balader en ville, les rues sont bondées de monde, envahies par des bouchons interminables, les commerces et autres salons de thé envahis par une foule bigarrée ; même les places et lieux publics sont occupés, la journée durant, par des cohortes de gens oisifs et écrasés par l'ennui ambiant. Tout le monde le sait, l'Algérien n'est pas connu pour être un bosseur au sens stakhanoviste du mot. Qui sont parmi nous qui dépensent de l'huile de coude avant d'acheter l'huile de table ? Sinon, parbleu, où, quand, comment « nicher » un Algérien, en chair et en os, qui bosse au sens stakhanoviste du terme ? Comment s'appelle-t-il ? A-t-il fait la révolution ? Sous quelle étoile est-il né ? A quelle école a-t-il été ? A-t-il voté un jour ? Mange-t-il de son pain blanc ? Quel vaccin lui a-t-on inoculé ? Comment expliquer que l'Algérie, plus de dix lustres après le départ du dernier roumi exploiteur, soit un pays où tout le monde se gave l'estomac, achète une bagnole, travaille moins de quatorze minutes par jour, selon des statistiques para-officielles, abhorre lire, y compris les bouquins parlant de ses dix incivilités chroniques, roupille plus du tiers du temps... universel de sa vie, sans que le pays ne coule sous le poids écrasant de ses 45 millions de bouches ouvertes... aux quatre chances ? « Les gens d'aujourd'hui travaillent juste en faisant bouger leur langue dans leur bouche », me disait un voisin nonagénaire aujourd'hui disparu. Le travailleur algérien est devenu un salarié miséreux, avec des mains faussement calleuses et des bras brisés. Et parce que le travail était, à l'origine des temps, un accident de la vie, avant de changer de statut particulier, pour devenir une maladie chronique, il est peut-être plus glorieux de mourir d'épuisement que d'ennui dans un pays où tout le monde a le sentiment tenace de jouer le beau rôle de combattant en carton-pâte, à courir, les jambes cisaillées, après un destin détourné Aussi vrai qu'il vous suffit de choisir un boulot que vous aimez, et vous n'aurez pas à travailler un seul jour de votre vie ! Quel pied !