Les expatriés boudent l'Algérie. Les groupes étrangers ont de plus en plus de mal à trouver des candidats pour occuper des postes dans leurs filiales algériennes. Nous avons du mal à convaincre des expatriés de venir travailler chez nous. Tous évoquent la situation politique difficile et les tensions sociales qui secouent le pays depuis des mois », explique le directeur général d'une entreprise qui a requis l'anonymat. Récemment, un groupe français a peiné pour convaincre l'un de ses cadres de venir diriger une filiale qu'il vient de créer en Algérie. Les expatriés appréhendent l'évolution de la situation politique et sociale en Algérie dans un contexte régional marqué par le vent des révoltes populaires qui souffle sur le monde arabe depuis fin 2010. Ces révoltes ont abouti aux départs des présidents tunisien et égyptien alors que la Libye est plongée dans la guerre civile. « Aucun expatrié ne souhaite se retrouver dans un pays qui risque de connaître à tout moment des troubles et des émeutes populaires », explique le même directeur. Depuis plusieurs mois, l'Algérie donne en effet l'image d'un pays qui risque de basculer dans les émeutes à tout moment. Les experts et les spécialistes, algériens et étrangers, multiplient les mises en garde contre une dégradation de la situation en Algérie, si le pouvoir n'entame pas rapidement des réformes politiques et économiques afin de calmer le front social en ébullition. « Je devais recevoir ces derniers jours cinq expatriés de nationalités différentes, mais aucun n'est venu. Ils ont tous annulé et reporté leur voyage », affirme le PDG d'un groupe privé. L'Algérie n'a jamais été en fait la destination privilégiée des expatriés, contrairement au Maroc, à la Tunisie ou à l'Egypte, pays où il fait bon vivre pour les étrangers. « Notre pays n'est pas bon à vivre, le système éducatif est mauvais et les problèmes de sécurité se posent toujours», explique un chef d'entreprise franco-algérien. « Les expatriés acceptent des missions à l'étranger pour généralement trois raisons : lorsque le pays en question est stratégique pour sa société, donc pour sa carrière professionnelle ; lorsqu'il fait bon vivre dans ce pays et lorsqu'il peut bien y gagner sa vie », explique-t-il. Mais l'Algérie ne remplit pas toutes ces conditions. «Le nombre de groupes étrangers qui considèrent l'Algérie comme un pays stratégique pour leur développement est très faible. La qualité de la vie chez nous est très mauvaise et nous sommes confrontés aux problèmes de sécurité », ajoute-t-il. A l'insécurité liée au terrorisme, s'ajoute le fait que l'Algérie est devenue un pays instable aux yeux des étrangers en raison notamment de la multiplication des émeutes sociales ces derniers mois et des changements fréquents de lois sur l'investissement et le contrôle de change. « Même les expatriés d'origine algérienne boudent l'Algérie. Ceux qui sont venus ont eu de mauvaises expériences. Ils ont été mal accueillis », affirme le chef d'entreprise franco-algérien. Les entreprises publiques notamment refusent souvent de travailler avec des expatriés d'origine algérienne, en exigeant des coopérants français, allemands ou d'autres nationalités. «Les cadres étrangers d'origine algérienne sont généralement méprisés par les cadres locaux », déplore notre interlocuteur. Les difficultés des entreprises basées en Algérie à recruter des expatriés profitent en partie aux cadres locaux. De nombreux groupes étrangers ont entrepris avec succès des politiques d'algérianisation de leur encadrement. Certaines filiales de sociétés étrangères sont dirigées à 100% par des Algériens. Ces derniers bénéficient de formations à l'étranger. Toutefois, le manque d'attractivité de l'économie nationale pour les expatriés prive le pays de compétences étrangères capables d'effectuer de véritables transferts de savoir-faire. D'autant que les cadres algériens cherchent dans leur majorité à quitter le pays pour s'installer à l'étranger. L'Algérie se retrouve ainsi doublement pénalisée.