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M. KASSOUS CHAREF, PRESIDENT DE L'ASSOCIATION DES ENFANTS DE TIGDITT AU FORUM DE “REFLEXION” : 20 % des détenus sont issus de Tigditt... Pourquoi ?
Publié dans Réflexion le 20 - 06 - 2011

« S'il y avait une volonté politique d'accorder à ce quartier les mêmes avantages que ceux dont ont bénéficié les autres quartiers de la ville, Tigditt aurait certainement bénéficié des mêmes infrastructures, existantes ailleurs, pour soulager ses habitants des problèmes dont ils souffrent au quotidien ».
Présidée par M. Kassous Charef, l'Association des enfants de Tigditt est née en 1999, suite à la situation politique que connaissait le pays à cette époque. Elle fut créée dans le but de réhabiliter le quartier de Tigditt, compte tenu des problèmes d'ordre sécuritaire. « Après concertation avec les habitants de ce quartier l'idée de créer une association avait alors émergé et avait fini par prendre forme, dira son président ». Quant à l'appellation ‘'Enfants de Tigditt'' elle avait pour objectif de permettre à tous ceux qui sont nés à Tigditt, y avaient grandi ou y avaient des parents puissent se reconnaître. Ceci d'une part. D'autre part, durant l'époque coloniale, plus particulièrement les dernières années de la révolution algérienne ayant précédé l'indépendance, tous les habitants de Mostaganem, dans leur majeure partie, étaient à Tigditt. Ceci parce que le quartier de Tigditt était considéré comme une ville indigène, selon l'appellation que lui avait attribuée l'occupant. Tigditt est une vieille cité qui a toujours existé. A cette époque là si certains n'y étaient pas nés, leurs parents ou leurs grands parents l'étaient et y avaient leurs biens. Même si après l'indépendance du pays certains sont partis de Tigditt pour diverses raisons, ils peuvent se reconnaître à travers l'association. De ce fait, M. Kassous Charef a sollicité tous ceux qui sont nés à Tigditt ou avaient un lien quelconque avec cette cité, d'apporter leur contribution et aider les membres de ladite association à travailler sur les objectifs de réhabilitation de ce quartier, tel est le message lancé par ceux qui oeuvrent pour donner à la vieille cité un cachet particulier digne de son histoire.
Pourquoi insistons-nous sur la réhabilitation de ce quartier ?
Selon M. Kassous, depuis l'indépendance du pays plusieurs plans de développement ont été élaborés au profit d'autres quartiers de la ville, sauf Tigditt qui n'a jamais été retenue. Ce quartier est pour ainsi dire resté à la traîne en matière de développement. C'est pour cette raison donc que l'association a été créée, afin d'essayer de voir par quels moyens arriver à réhabiliter ce qui reste de cette vieille cité qui représente, en matière de superficie, à peu près le tiers de la commune de Mostaganem, avec une population également aussi importante. « En tant qu'association nous oeuvrons à attirer l'attention des autorités locales pour qu'elles puissent s'occuper de cette population ‘'d'en bas''. Pourquoi d'en bas ? Tout simplement parce que quand nous sommes à Tigditt et que nous désirons nous rendre en ville nous employons le mot monter. On dit : ‘'on monte en ville''. Pour retourner à Tigditt on dit : ‘'on descend'' ». M. Kassous a tenu à apporter cette précision pour montrer la position géographique du quartier par rapport au centre ville. Ceci pour montrer que le quartier de Tigditt est situé en aval par rapport au reste de la ville. Et d'ajouter : « parce que nous avons tendance à vivre en bas par rapport aux autres citoyens de la ville».
Situation actuelle du quartier de Tigditt :
Il serait peut-être bon de rappeler le rôle joué par cette ancienne ville qui, durant la période coloniale, a largement participé avec ses enfants à la révolution armée. Hormis ses fils qui ont servi la révolution au même titre que tous les citoyens, Tigditt était le refuge de la révolution. Tgditt a créé la révolution et donné ses hommes. C'est à Tigditt même qu'en 1962 fut érigée une place appelée ‘'place des martyrs'' qui a été abandonnée par on ne sait quels motifs. C'est encore à Tigditt que les rues ne portent aucun nom de martyr. Les rues portent encore des numéros : une numérotation décidée par l'occupant. Près de 5O ans après l'indépendance du pays, ces numéros sont toujours là pour nous rappeler la présence du colonisateur. Pas une rue, pas la moindre impasse ne porte le nom d'un martyr. Pourtant Dieu Sait s'il y en a eu. Les habitants de ce quartier se considèrent comme étant de simples matricules à savoir le n° de la rue suivi de celui de l'habitation (exemple : Rue 13 n° 176 et ainsi de suite). A cet effet, les membres de l'association, au nom de tous les habitants de la cité Tigditt, sollicitent l'intervention des autorités locales pour que soient retirés ces numéros et remplacés par des noms de chahids, comme c'est le cas dans n'importe quelle ville algérienne. Sur le plan économique à Tigditt il n'y a presque rien, à part un ancien abattoir datant de l'époque coloniale ainsi que deux cimetières. Il y avait aussi une ancienne décharge publique. Ce qui supposerait qu'en terme économique la population de Tigditt ne dépense rien. Il n'y a aucune entrée sur le plan économique, selon M. Kassous. Ceci dit, tous les achats ou presque se font dans les autres quartiers de la ville. Les habitants de Tigditt dépensent leur argent hors de leur quartier, tient à préciser le président de l'association. A Tigditt on dit : « je monte en ville faire mes courses ». « En dehors des épiceries et quelques commerces, il n'y a pas d'infrastructures importantes en matière d'économie susceptibles de générer des entrées d'argent ou créer des emplois », argue M. Kassous. Et d'ajouter : « si les autorités locales avaient la volonté politique de développer ce quartier, et lui éviter tous les problèmes, elles auraient pu penser à l'élaboration d'un plan de structures économiques visant la création d'emplois et favoriser les échanges. Ces structures étant inexistantes, tels les banques, les agences postales, les assurances, les cabinets médicaux et d'avocats, les habitants sont contraints de se rendre en ville et dans les autres quartiers là où celles-ci existent ». Il est signaler que la seule agence CNEP de Tigditt est celle qui travaille le mieux. Le seul bureau de poste existant au niveau du quartier dit des 800 logements (cité de l'ALN) n'arrive pas à répondre aux besoins de la population de Tigditt. De ce fait, les habitants de ce quartier se voient obligés de parcourir 2,5 km, le plus souvent à pied, pour se rendre à la poste de la ville ; ce qui n'est guère sans peine, surtout en ce qui concerne les retraités et les personnes âgées ou malades, notamment ceux habitant les rues 55 et 56 qui se trouvent aux limites extrêmes de la frontière avec l'avenue Raynal. En plus, ils se tapent une côte de près de 20 degrés sur environ 2 km. « Un autre facteur, non des moindres, préoccupe les habitants de la vieille ville, c'est celui de la sécurité. Car dans tout Tigditt il n'y a pas d'autorité », dira t-il en substance. De Souika Tahtania (à l'entrée de Sidi Yakoub) jusqu'au village Bénaïrat, en passant par Diar El Hana et en allant jusqu'à Sidi Mejdoub il n'existe qu'une seule sûreté de Daïra (un ancien commissariat datant de l'époque coloniale) située en face de l'ancien cinéma ‘'Ciné Lux''. « Aucune infrastructure représentant l'Etat sur tout le territoire du quartier, hormis les établissements scolaires. Depuis les carrières, Si El Hadj Aïssa, village Kherabcha, Diar el Mahiba, El Maksar jusqu'aux bâtiments dits ‘'bazar doukara'', il n'y a aucune structure étatique. Dans l'ensemble de ces lieux délimitant le territoire quartier de Tigditt on ne rencontre pas un seul agent de l'ordre public. S'il y avait une volonté politique d'accorder à ce quartier les mêmes avantages que ceux dont ont bénéficié les autres quartiers de la ville, Tigdit aurait certainement bénéficié des mêmes infrastructures, existantes ailleurs, pour soulager ses habitants des problèmes dont ils souffrent au quotidien », selon M. Kassous. Tout comme le petit bureau de poste des 800 logements, la seule annexe de l'APC se trouve en amont, c'est-à-dire à l'extrême sud-est de Tgidtt. Le président de l'association dit avoir adressé, à ce sujet, plusieurs correspondances, aux autorités locales qui sont restées sans suite à ce jour. Il se demande d'ailleurs pourquoi ces correspondances sont-elles restées sous silence, alors qu'elles sont censées faire état d'une situation qui se répercute négativement sur la vie quotidienne des habitants de ce vieux quartier qui est dans l'attente d'un projet de réhabilitation au même titre que les autres quartiers de la ville. « Aucun responsable n'a daigné donner suite à nos correspondances à travers lesquelles nous n'avions cessé d'interpeller les autorités locales pour un minimum de considération », a tenu à signaler M. Kassous. Il dira, par ailleurs, «à Tigditt, la population est lasse à force de vivre sur le même rythme monotone mais surtout stressant. Imaginez un retraité octogénaire se rendant au bureau de poste de la cité de l'ALN pour percevoir sa pension, et qu'après une marche de 2 km, on lui rétorque qu'il n'y a pas d'argent. Et c'est la même rengaine… » Le bureau de poste, ainsi que les caisses de la sonelgaz, de l'ADE et l'annexe de l'APC relevant tous de Tigditt reçoivent également les populations de Haï Es-Sallam et de la cité ‘' vue sur mer''. Imaginons un instant les habitants venir de ces différents lieux distants les uns des autres d'environ 2 km pour y régler leurs différentes factures d'eau, d'électricité et autres. C'est un vrai calvaire auquel s'exposent ces habitants. Il est à préciser qu'au niveau de certains endroits il n'existe aucun moyen de transport de quelque nature que ce soit par rapport aux autres quartiers de la ville. Tels sont les problèmes auxquels s'attelle les membres de l'association des enfants de Tigditt, entre autres. « Malgré la bonne volonté des membres du bureau de l'association et leur dévouement, il est des problèmes qui sont difficiles à gérer parce qu'ils dépassent largement le cadre de notre mission », affirme M. Kassous. La population de Tigditt attend beaucoup de l'association, notamment les jeunes désoeuvrés. « L'on sait, par ailleurs, que M. le Président de la République avait alloué une enveloppe conséquente pour le développement de Mostaganem. Nous continuons à dire que Mostaganem, en termes de développement, est passée à côté. Telle est la situation que nous revendiquons depuis », signale M. Kassous. Il ajoute, par ailleurs : « qu'a-t-on construit à Mostaganem ? Des bibliothèques, un centre culturel à la cité vue sur mer qui n'ont toujours pas été inaugurés. Pourquoi a-t-on investi dans de telles structures ? Est-ce pour dire que de telles structures existent ? Pourquoi demeurent-elles fermées ? A Diar El Hana et Diar El Mahiba les bâtiments n'on t pas été rasés après que leurs occupants aient été relogés. Ces bâtiments, menaçant ruine, sont toujours là offrant un décor désolant et un refuge pour toutes sortes de délinquants qui les squattent. Tous les fléaux y sont réunis : prostitution, drogue et autres. Si les responsables locaux avaient des prétentions touristiques, ils auraient dû penser à Diar El-Hana qui se trouve au nord de la ville, en bord de mer et sur la RN 11, faisant partie du littoral touristique mostaganémois. Les estivants venant des wilayas de l'ouest, se rendant aux plages situées à l'est de Mostaganem, en allant jusqu'à Sidi Lakhdar, passent par Diar El-Hana qui est resté tel quel… Sur le plan de l'environnement, nous continuons, en tant qu'association, à revendiquer un programme écologique, prenant en considération le fait qu'à Tigditt il y a environ 0,9 % de plantation d'arbres. Un espace vert presque inexistant, à l'exception de la rue Meskine Fellouh où des arbres ont été plantés durant l'époque coloniale. Hormis cette rue, il n'existe aucun espace vert. Une vue satellitaire en notre possession montre qu'il n'existe aucun espace vert dans tout Tigditt. Pourquoi ne veut-on pas planter à Tigditt » ?, s'interroge M. Kassous. Les promoteurs immobiliers n'ont accordé aucune importance aux espaces verts. « Nous pensons, en tant que mouvement associatif, que ce ne sont pas les moyens financiers qui manquent. Ceci dit, nous sommes disposés, en tant qu'enfants de ce quartier, de nous asseoir avec les autorités afin de leur faire part de nos propositions concernant le développement de notre cité. Il nous semble qu'il y a un manque de volonté politique pour prendre en charge ce quartier. On cite souvent Tigditt comme étant une cité de la culture (tous genres confondus) et de la modernité (Tigditt El Hadhara, Tigditt El Thaqafa, Tigditt El Ariqa), quand il s'agit de faire l'éloge de Mostaganem, alors que ladite cité ne dispose même pas d'une école de musique ni de théâtre, pour ne citer que ces deux institutions. Cette cité a besoin d'être développée au même titre que les autres cités », ne cesse de revendiquer M. Kassous. La seule piscine qui existe à Mostaganem se trouve à l'autre bout de la ville. « Nous manquons d'autres infrastructures aussi importantes les unes que les autres pour une meilleure prise en charge de nos jeunes », dira t-il. « L'association des enfants de Tigditt a élaboré un projet avec une association espagnole. Ce projet s'appelle projet de participation sociale. Notre but, à travers celui-ci, est d'apprendre comment font les Européens pour engager une participation des jeunes en particulier et des habitants d'un quartier. Grâce aux
divers échanges avec les membres de l'association espagnole, nous sommes parvenus à créer au sein de notre association des ateliers de sensibilisation contre la harga et la consommation de drogue, de théâtre, d'insertion par l'emploi ; également des ateliers pour la femme au foyer ou seule, de travaux manuels pour les enfants ainsi qu'un autre atelier destiné à l'apprentissage des langues étrangères. Cet atelier a pu être créé grâce à un projet financé par l'Agence de coopération internationale de l'Ambassade d'Espagne. Nous travaillons en étroite collaboration avec l'association espagnole ‘'JARIT'' pour développer les activités citées plus haut ». Le président tient à préciser que le local abritant le siège de l'association est en location. Chaque année l'association débourse 120.000 DA de loyer. Des promesses auraient été faites par la direction de la jeunesse et des sports pour permettre à l'association d'activer au sein du centre culturel de la cité des 800 logements. Mais à ce jour rien n'a été fait. M. Kassous tient à préciser que le contrat de location expire à la fin du mois de juillet prochain et que l'association ne dispose pas de moyens financiers pour le renouveler. Telle est la situation actuelle de l'association. L'association des enfants de Tigditt a aussi élaboré un programme de sensibilisation des jeunes en faisant appel à la participation des imams des mosquées du quartier. Il s'agit là d'un autre moyen de faire passer le message à travers la sensibilisation de la population. L'association a, entre autres, initié un autre programme visant la création d'espaces verts et ce, avec la collaboration de la direction de l'environnement. « Nous lui avons communiqué notre projet qui concerne la réhabilitation de la place des martyrs, qui a été abandonnée pour des raisons inconnues, le square situé face à la nouvelle polyclinique de Tigditt, ex ‘'Dar El Askri'', au niveau des 220 logements et la cité ‘'vue sur mer''. Nous envisageons également la plantation d'arbres, dans le but de créer un cadre de vie agréable dont ont énormément besoin les populations de ces quartiers », dira M. Kassous. La récupération des trottoirs squattés par les commerçants s'impose. « Un autre problème sensible mérite d'être soulevé. C'est celui de la délinquance. Il est à signaler que parmi la population incarcérée à Sidi Othmane il y a environ 20 % de détenus issus de Tigditt. Pourquoi?, s'interroge M. Kassous. Ceci est un indice qu'il faut prendre en considération. Nous lançon s un appel aux autorités locales pour qu'elles écoutent nos doléances », ajoute t-il. « Le changement auquel nous aspirons ne peut avoir lieu s'il n'y a pas d'échange entre les partenaires de part et d'autre. Nous tenons à faire remarquer que lors des manifestations de janvier dernier il ne s'est rien passé à Tigditt. ? Pourquoi ? Parce que nous faisons un travail remarquable d'approche et de sensibilisation. A Tigditt, les gens sont aussi civilisés qu'ailleurs », signale t-il.


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