Le mois de Ramadan, c'est aussi le mois de la bonne bouffe. On jeune pour le Créateur, pour soi-même et aussi pour son prochain du moment que la sagesse veut que cet acte soit un rappel de la souffrance de ceux qui ne trouvent rien à se mettre sous la dent. La ménagère musulmane et maghrébine en particulier se prépare à accueillir ce mois sacré selon un rituel bien particulier à chaque région. Ainsi, en Algérie, la datte et le lait sont presque une obligation pour rompre le jeûne. Une tradition du prophète, que la prière et le salut soient sur lui. A l'ouest du pays, les femmes au foyer, même les plus cloitrées, n'échappent pas à la règle d'aller faire certaines emplettes elles-mêmes. Et plusieurs d'entre elles n'y vont pas de main morte et vont s'approvisionner en épices à Maghnia dans la willaya de Tlemcen. Elles viennent de loin. D'Alger, de Mostaganem, de Chlef, de Saïda, de Sidi Belabbès, de Laghouat et même d'Annaba et de Constantine. Et quelles épices ! Pas n'importe lesquelles. Selon la tradition de la région où l'on appelle ras el hanout, comme à travers tout le Maghreb, le mélange de ces ingrédients venus de loin. Déjà, il est répertorié sous cette dénomination dans plusieurs encyclopédies étrangères. Ras el Hanout est un mélange de près d'une vingtaine d'épices. Et plus encore chez certaines familles ou marchands. A Maghnia, le plus connu parmi ces virtuoses de la senteur orientale, pour ne pas dire épicier, est Assas Mohamed. Il tient boutique au pavillon 108 au marché couvert de la ville. Il est dans le métier depuis sa plus tendre enfance. A 41 ans, il dit qu'il apprend toujours dans le métier de son père feu Benachour. La clientèle ne manque pas. Pour venir à bout de ceux-là venus de loin, il est secondé par Bendahou Mohamed qui a 26 ans est considéré comme le meilleur décorateur de ces montagnes d'épices moulues aux mille couleurs. Il faut admirer ses chefs-d'œuvre avant de proposer ses choix sinon, il se fâche. Il est l'inventeur de la progression du cône d'épices en courbes colorées de safran, cannelle, poivre noir et d'autres plus odorantes les unes que les autres. Que ce soit le classique ras el hanout ou celui préparé pour les grillades, le poulet rôti, les poissons ou autres mets, M. Assas vous le livre en l'état ou moulu. Il en a même un autre qu'il tient secret pour l'assaisonnement de votre vinaigrette. Pour ce terrible enfant de Maghnia que personne n'a détrôné, ras el hanout doit contenir « du cœur » que met le marchand avant de proposer ses mélanges. Ensuite y vient la subtilité de la quantité de chaque condiment. Lui seul le sait. Ainsi votre ras el hanout pour qu'il soit conforme aux normes, il devra être composé d'au moins de poivre noir, cumin, carvi, clous de girofle, gingembre, curcuma, nigelle, noix de muscade, graines de coriandre, cubèbe, piment rouge doux, racines de câprier, etc. A la différence de celles des autres contrées, les épices de Maghnia sont odorantes comme cueillies ou ramassées la veille. On les sent de loin. Cette symphonie de goûts et de senteurs n'est qu'exhaustive. Avec Mohamed Assas, il pourrait y avoir des surprises. Chez lui, même les recettes de cuisine traditionnelle n'ont pas de secret. Il vous conseille et vous guide, lui qui ne prépare qu'avec du safran naturel, cette denrée rare et qu'il vous propose en même temps que d'autres épices qui vous sont inconnues.