En ce jour de Sidna Ramdhane, le jour s'est levé sur la perturbation de la distribution de la presse écrite. A Bouguirat, nombre de quotidiens, dont ‘'Réflexion'', ne sont pas parvenus, alors que d'autres titres n'étaient pas livrés à Mostaganem. A Mostaganem, où nos frères jeûneurs du bled ont prolongé davantage la grâce matinée, laissant le soin aux gens ‘'de dehors'' de se déverser à petits flots à travers les rues encore désertes que même les chats que j'avais l'habitude de croiser semblent avoir désertées. A 9 heures tapantes, la foule de grossistes et semi-grossistes, ainsi que tous les autres commerces, qui avaient élu domicile dans les parages de l'OPOW, gardaient toujours portes closes. Seuls un ou deux employés manutentionnaires somnolaient çà et là, assis à même le trottoir, attendaient que Siadna les commerçants jeûneurs se réveillent. La clientèle, non plus, ne s'y bousculait pas. Il n'y en avait pas un chat. Sous le pont Dallas, on commençait à peine à s'installer. Les assiettes, les bols et autres vaisselles, ont libéré les chaussées. Leur ayant substitué des jouets, des ustensiles de dessert, ou quelques ingrédients de cuisine, les adolescents qui les exposaient à la vente, n'étaient pas encore fixés sur le produit le plus sollicité. Les chauffeurs de taxi à destination de Tigditt, Kharrouba, ou Radar, ‘'chômaient'', car, à cette heure-ci, il n'y avait plus de passagers qui descendaient des quartiers périphériques, que de gens désirant faire l'itinéraire inverse. Il faut attendre la fin de la journée pour voir le flux se renverser, et comment on se dispute la place dans le taxi. Même lieu, même matinée. La guerre a failli éclater à propos d'une portion de trottoir. Heureusement que c'était le matin. L'après-midi, elle aurait été inéluctable. Deux agents de police tentent l'apaisement en menaçant tout le monde : ‘'Pas un seul d'entre vous n'y restera ici ! Ou vous vous entendez entre vous, ou vous allez tous libérer la place !'', avertit l'un des agents. L'un des ‘'belligérants'' explique : ‘'il a voulu prendre tout l'espace, et il pensait nous faire peur en prétendant qu'il allait chercher ses camarades du quartier ! Il est malade ! S'il s'agit de compter sur sa force, nous avons tous des couteaux et des épées !'' Un gars, naturellement bronzé, au teint du Haut-Arça, s'interpose pour suppléer aux policiers : ‘'Ici, c'est ma place. L'après-midi, j'y déposerai ma marchandise. D'ici-là, vous pouvez l'occuper, seulement, écartez-vous un peu et laissez-lui un espace pour qu'il dépose, lui aussi ses produits !'', dira-t-il à l'adresse du groupe de jeunes ‘'voisins'' du trottoir, auprès desquels l'autre ‘'belligérant'', éclipsé entre-temps, avait réclamé le bout du trottoir. La tendance versant à l'apaisement et à l'entente pour que tous aient une place, les 2 policiers s'éloignent, surveillant de loin le retour du jeune qui s'est éclipsé pour on ne sait quelle démarche à entreprendre. Partout en ville, dans les commerces ou dans les véhicules, et depuis le premier jour, l'ambiance sonore a brusquement viré au chant religieux et à la récitation des versets de Coran. Au square des retraités, hormis le nombre, relativement moindre, de ‘'locataires'' du lieu, le ‘'rituel'' demeure toujours de mise. Les vieux sont toujours aux aguets de la moindre ‘'nouvelle''. Du virement des pensions ou d'un quelconque éventuel rappel, en particulier. ‘'Eh ! Eh ! Tonton ! Ce bout de carton est à moi !'' C'est un énergumène d'un certain âge, guettant vraisemblablement l'ouverture de la poste, qui venait récupérer le bout du ‘'siège de fortune'' dont s'est emparé le vieux retraité pour agrandir le cercle des compagnons du verbiage incessant. ‘'Tiens ! Tiens ! Ton carton ! Excuse-moi mon frère !'', réplique le vieux n'ayant pas encore eu le temps de s'assoir.