Selon la Direction Générale des Impôts (DGI), plus de 10.000 entreprises en difficulté financière ont déposé, auprès des demandes de rééchelonnement d'une dette fiscale globale de près de 75 milliards de DA. Au terme de la période d'inscription, le nombre déposé au niveau des services de la DGI ayant atteint 10.196 demandes pour une dette fiscale à rééchelonner de 74,79 milliards de DA. Ce montant est composé de 40,27 milliards de DA de droits en principal, 12,26 milliards de DA de pénalités d'assiette et de 22,25 milliards de DA de pénalités de recouvrement, a détaillé la même source. Par ailleurs, 1.213 entreprises ont soldé la totalité de leurs dettes fiscales pour un montant global de plus d'un milliard de DA, a-t-on précisé. Le marché économique mondial est en permanente évolution. Le rééchelonnement des dettes des entreprises algériennes tant publiques que privées permet-il de s'adapter à ces nouvelles mutations objet de cette contribution? 1.-Le dispositif du rééchelonnement de la dette des entreprises Le rééchelonnement de la dette des entreprises privées, selon le Conseil du gouvernement, ne concerne que les entreprises viables. Les entreprises en difficultés financières voulant bénéficier de ce dispositif ont eu un délai allant du 1er mars au 30 avril 2012 pour déposer leurs dossiers de recours. Une période moratoire de 12 mois, mais qui pourrait atteindre 36 mois en fonction des capacités financières de chaque entreprise, leur sera accordée et durant laquelle les entreprises bénéficiaires ne seront pas tenues de payer leurs dettes fiscales. En outre, le rééchelonnement des dettes fiscales inclut l'annulation des pénalités infligées à ces entreprises. Ce rééchelonnement, selon plusieurs Conseils de gouvernement, sera traité au cas par cas avec l'octroi d'une période de différé de paiement d'une ou deux années, l'étalement du paiement de cette dette sur trois années et l'annulation des pénalités de recouvrement. Le rééchelonnement des dettes fiscales des entreprises algériennes en difficultés a été décidé lors de la dernière tripartite (gouvernement-UGTA-patronat) tenue fin septembre 2011. Plusieurs mesures destinées à réactiver le programme national de mise à niveau ont été prises concernant récemment par le gouvernement pour lever les contraintes entravant le démarrage effectif du programme national de mise à niveau des PME, doté de 386 milliards de dinars. Parmi les décisions prises, l'on note l'attribution de «responsabilités stratégiques» au comité national de mise à niveau pour lui permettre de jouer pleinement son rôle. Il a également été décidé de considérer l'Agence nationale de développement des PME (Andpme) comme étant le seul gestionnaire et organe d'exécution des activités du programme national de mise à niveau qui cible quelque 20 000 PME à l'horizon 2014. Les pouvoirs publics ont également décidé d'élargir les prérogatives de l'Andme afin de lui permettre de financer elle-même des activités contenues dans le programme, sans être obligée de recourir à l'administration centrale. Le gouvernement a également décidé d'harmoniser l'ensemble des textes régissant le programme de mise à niveau et d'encourager la création de nouvelles antennes régionales de l'Andpme pour toucher un maximum de PME activant dans les différentes régions du pays. Cependant je tiens à souligner qu'il faut s'attaquer à l'essentiel et non au secondaire, car des dispositions techniques, si louables soient-elles, sont inopérantes ou à faibles impacts sans avoir une vision stratégique d'ensemble. En dépit des efforts consentis et d'un discours officiel plutôt optimiste, le climat des affaires ne cesse de se dégrader en Algérie. Après avoir été accablée au sujet des contraintes auxquelles sont confrontés les investissements étrangers et la prolifération caractérisée des pratiques liées à la corruption, e l'Algérie a été classée à une place pas du tout reluisante dans le classement des pays en matière des facilités accordées aux entreprises locales par le rapport Doing Business 2011 le 5 novembre 2011 à la 136e place sur un classement totalisant 187 pays à travers le monde. Le classement tient compte des paramètres relatifs aux facilités dont jouissent les entreprises locales, principalement les PME/PMI, que ce soit pour l'accès au crédit ou au développement de leurs activités. Cela est confirmé par le Centre national du registre de commerce (CNRC) qui a fait état en 2011 d'une moyenne de 30 000 PME/PMI qui disparaissent chaque année. Les relations entre le marché bancaire et le monde de l'entreprise n'ont pas connu non plus le progrès escompté depuis des années. Les chefs d'entreprises relèvent constamment l'attitude d'austérité qu'adoptent généralement les banques, notamment celles du secteur public, vis-à-vis des demandes de crédits pour le financement de la PME/PMI qui ne dépasse pas la moyenne des 50%. Par ailleurs, existe une discrimination vis-à-vis du secteur privé. En effet je dois préciser toutefois que l'assainissement des entreprises publiques a coûté au Trésor public plus de 50 milliards de dollars entre 1991 et 2010, et cela a continué en 2011 pour plus d e16 milliards de dollars. Or, plus de 70% de ces entreprises publiques, selon des sources officielles, sont revenues à la case départ, montrant que ce n'est pas seulement une question d'argent et que le blocage est d'ordre systémique. Les obstacles à l'épanouissement de l'entreprise, qu'elle soit publique ou privée, locale ou internationale, sont l'instabilité juridique, le manque de cohérence et de visibilité dans la politique socioéconomique dans un contexte de plus en plus mondialisé, de surcroît turbulent et en perpétuel changement. Sur le terrain l'on constate un système bureaucratique sclérosant, un système financier inadapté qui favorise beaucoup plus l'importation, le foncier et la faiblesse de l'adaptation du système socio-éducatif aux besoins des entreprises. Or, il existe une loi économique universelle : le taux d'emploi est fonction du taux de croissance et des structures des taux de productivité des entreprises créatrices de richesses, lié à la valorisation de la connaissance (le savoir) et donc à une politique salariale qui encourage la création de la valeur. En Algérie, la dominance est l'emploi-rente grâce aux hydrocarbures et à des distributions de traitements sans contreparties productives donnant des taux de création d'emplois biaisés. Pour être efficace, ce rééchelonnement doit tenir compte de l'ensemble de ces contraintes, sinon c'est de l'argent distribué sans effets notables sur l'économie algérienne, qui entre beaucoup plus dans le cadre du partage de la rente des hydrocarbures.
2.-Une dépense publique croissante issu de la rente La dépense publique a été d'environ 200 milliards de dollars au cours de la période 2004-2009 et il est prévu 286 milliards de dollars entre 2010 et 2013, dont 130 de reste-à-réaliser pour des projets non terminés programmés entre 2004 et 2009, soit plus de 40% de réévaluation. Sur l'ensemble de ce montant, 70% vont aux infrastructures qui ne sont qu'un moyen de développement non aux entreprises et au savoir, fondement du développement du XXIe siècle. Avec 486 milliards de dollars, le taux de croissance global de l'économie algérienne aurait dû être de 12 à 15% en termes réels. Selon un rapport de Bruxelles pour la région Mena, l'Algérie dépense deux fois plus pour avoir deux fois moins de résultats par rapport à des pays similaires, envoyant à la mauvaise gestion, pour ne pas dire la corruption, qui prend des proportions dangereuses pour la sécurité nationale. Pour preuve, le taux de croissance global entre 2004 et 2011 et pour les prévisions 2012-2013 sera entre 3 et 4 %. Invoquer 6% hors hydrocarbures n'est pas exact puisque sur ces 6%, plus de 80%, ce sont les filières du Btph qui sont tirées par la dépense publique via par les hydrocarbures, alors que moins de 20% pour la contribution au produit intérieur brut iront aux entreprises pouvant faire face à la concurrence internationale. L'Algérie exporte 98% d'hydrocarbures à l'état brut et semi brut et importe 70 à 75% des besoins des ménages (voir la facture alimentaire qui approche les 9-10 milliards de dollars en 2011, en dépit du programme national de développement agricole (Pnda), qui a englouti des centaines de milliards de centimes et des entreprises dont le taux d'intégration public-privé ne dépasse pas 10-15%. Tout est irrigué par les hydrocarbures ce que l'on appelle le syndrome hollandais. Or, tenant compte des extrapolations d'exportation, de la forte consommation intérieure, favorisée par des bas prix, des coûts croissants, de la concurrence des énergies substituables, l'Algérie sera importatrice de pétrole dans 15 ans et de gaz conventionnel dans 25 ans lorsque la population algérienne approchera 40-50 millions sans hydrocarbures. Et malgré ces dépenses inégalées depuis l'indépendance politique, l'économie algérienne est fortement dominée par le secteur tertiaire, selon les résultats préliminaires du recensement économique effectué par l'Office national des statistiques (ONS) durant le premier trimestre 2012. Le nombre d'entités économiques opérant dans le secteur tertiaire est de 853 770 entités, soit 89% de l'ensemble des entités économiques, ce qui dénote clairement le caractère tertiaire de l'économie nationale. Selon les chiffres de l'ONS, la répartition des entités économiques par grand secteur d'activité montre clairement la prédominance du secteur commercial avec un total de 528 328 entités, soit 55,1% de l'ensemble des entités. Plus de 84% de l'activité se concentre sur le commerce de détail. Le reste se répartit entre le commerce de gros et le commerce d'automobiles et de motocycles. En seconde position vient le secteur des services avec 325 442 entités. La panoplie des activités relevant des services est très large. Par ailleurs, environ 26% des entités du secteur exercent leur activité dans le transport avec ses différents modes et l'entreposage, 18,7 % sont dans l'activité de restauration, 15,2 % dans les autres services personnels, 10,2% dans les télécommunications (y compris les taxiphones), 5,4 % dans les activités juridiques et comptables, 5,3% dans les activités pour la santé humaine (médecins privés, chirurgiens privés, dentistes). Le nombre d'entités industrielles recensées est de seulement 97 202. D'après ces chiffres, 23,4% des entités industrielles interviennent dans les industries agroalimentaires (travail du grain, lait et produits laitiers, boissons, etc.), 22,7% dans la fabrication de produits métalliques, 10,5 % dans l'habillement, 2,1% dans le travail de bois et la fabrication d'articles en bois et en liège, 1,3% dans le textile et 1,6% dans la réparation et l'installation de machines et d'équipement. Quant aux entités relevant du secteur de la construction, elles sont de l'ordre de 8 746, soit moins de 1% (0,9%) de l'ensemble des entités économiques recensées. Autres caractéristiques du tissu économique national : il est fortement dominé par le secteur privé qui compte 920 307 entités, soit près de 96% du total. La part du secteur public se situe à 2,4%, quant aux entreprises mixtes et étrangères, elles représentent 1,7% du total. Il est également fortement dominé par les personnes physiques (90,6%) contre 9,4% pour les personnes morales. Ce résultat est révélateur d'une économie basée essentiellement sur des micro-entités. Ce sont là des données officielles qui, pour la première fois, démontrent l'urgence d'une réorientation de la politique de développement fiable supposant la révision de la gouvernance et d'avoir une meilleure gestion de la dépense publique. 3.- Dépasser le syndrome hollandais Le fait marquant de l'économie algérienne en 2012 est le syndrome hollondais, 98% d'exportation d'hydrocarbures et important 70/75% des besoins des entreprises publiques et privées toujours grâce à la rente des hydrocarbures avec ce couple extension de la logique rentière et de la sphère informelle décourageant tout producteur de richesses. Local ou étranger qui se trouve confrontée à une concurrence déloyale, la facilité étant l'importation. La majorité des entreprises se caractérise par la faiblesse, voire l'inexistence de management stratégique, et l'impossibilité de la majorité des entreprises algériennes à faire face à la concurrence internationale. Le gouvernement algérien ayant demandé, pour le dégrèvement tarifaire à l'Union européenne, à laquelle il est lié par un accord de libre-échange depuis le 1er septembre 2005. (la réponse de l'UE n'ayant pas encore été donnée). Ces trois années de sursis suffiront-elles à mettre à niveau un tissu économique totalement délabré, sachant par ailleurs que l'Algérie est en éternelle transition vers l'économie de marché depuis qu'il est observateur sa demande à l'OMC en juin 1987 ? Face à une aisance financière de conjoncture, pas nécessairement due au travail et à l'intelligence, nous constatons et c'est l'avis de la majorité des rapports internationaux, une relative stabilisation macro-économique, due à la rente des hydrocarbures. La raison de ce délabrement du tissu productif est la timidité, voire le mise en veilleuse des réformes micro-économiques et institutionnelles, condition sine qua non des segments hors hydrocarbures soumis à une détérioration de l'environnement des affaires. A terme, cela ne peut que conduire à une impasse économique et sociale, voire politique. Les réserves de change d'environ 188 milliards de dollars en janvier 2012 et qui seront clôturées selon le FMI à 205 milliards de dollars fin 2012, dont 90% placées à l'étranger en bons de trésor américains et en obligations européennes sont essentiellement le produit des recettes des hydrocarbures, donc une richesse virtuelle, et la problématique est de la transformer en richesse réelle. Il est clair que la croissance algérienne est volatile et tirée par la dépense publique via les hydrocarbures ; le taux de chômage est dominé par les emplois rentes ; le taux d'inflation est comprimé par les subventions mal ciblées et mal gérées et que la cotation du dinar sans les hydrocarbures s'établirait entre 300 et 400 dinars pour 1 euro. C'est alors que se pose cette équation : le gonflement de la facture des importations malgré la règle des 49/51% inopérante pour certains segments non stratégiques, du passage du Remdoc au Crédoc a été clôturé fin 2011 à plus 46 milliards de dollars, auquel il faut ajouter 11 à 12 milliards de dollars de services, soit une sortie de devises de 57 à 58 milliards de dollars. Paradoxalement, l'Algérie exportatrice d'hydrocarbures est importatrice de gasoil et d'essence super sans plomb pour plusieurs centaines de millions de dollars. Ainsi, l'économie est sous perfusion de la rente des hydrocarbures, ce qui implique des liens dialectiques entre la logique rentière et l'extension et la sphère informelle dominante contrôlant 40% de la masse monétaire en circulation et plus de 65% des segments des produits de première nécessité. D'une manière générale, on peut établir une règle durant ces quatre dernières décennies. Plus les cours des hydrocarbures sont élevés, plus les réformes structurelles sont freinées, et vice versa. Alors que la logique économique verrait l'inverse, l'aisance financière permettant d'atténuer les coûts des ajustements sociaux douloureux de ces réformes. C'est que les réformes structurelles déplacent des segments de pouvoir, les gagnants d'aujourd'hui ne sont pas forcément ceux de demain, d'où des résistances des rentiers et l'importance d'analyser la stratégie des acteurs internes et externes favorables et défavorables aux réformes afin d'anticiper les blocages passant par le dialogue économique et social, loin de tout autoritarisme. Force est de reconnaître que les lois et la création d'institutions bureaucratiques, solution de facilité, sans s'attaquer au fonctionnement réel de la société sont souvent contredites par les pratiques sociales.