La prise d'otages sur le site gazier de Tiguentourine en Algérie peut être interprétée de plusieurs façons, peut-être toutes recevables par ailleurs. D'un côté, le communiqué est clair : il s'agit d'une " réaction à la croisade menée par les forces françaises au Mali " contre les groupes islamistes et l'" agression " contre eux au Mali doit cesser. La prise d'otages apparaitrait donc au premier abord comme une marque de solidarité entre la brigade Al-Mulathamin de Mokthar Belmokhtar et les groupes islamistes du nord Mali –et cela même si Belmokhtar a rompu avec AQMI fin 2012. Plus largement, l'on peut penser que les preneurs d'otages ont voulu frapper l'Occident, ses ressortissants et ses intérêts puisque le site gazier était exploité, entre autres, par le Britannique BP et le Norvégien Statoil et que de nombreux ressortissants européens et nord-américains étaient présents: la prise d'otages pourrait tenir lieu d'avertissement "si vous poursuivez l'intervention au Mali et le déploiement de la force internationale, nous nous en prendrons à vos ressortissants et à vos importants intérêts énergétiques ". Mais d'un autre côté, l'intervention française pourrait servir de prétexte à une action visant plus particulièrement l'Algérie, sa plus importante source de revenus et sa décision de coopérer avec les Français en autorisant " le survol sans limites de son territoire ". Cette idée est renforcée par la demande de libération d'une centaine de terroristes emprisonnés en Algérie. L'action musclée des forces de défense algériennes a non seulement mis un terme à la prise d'otages mais également à la politique de négociation encouragée par l'Algérie depuis plusieurs mois déjà avec l'un des groupes islamistes présents au nord Mali, Ansar Eddine; elle a également imposé aux Occidentaux sa vision de la lutte antiterroriste en privilégiant la manière forte, quitte à sacrifier la vie des otages. Il est possible de voir dans le délai de réaction des gouvernements européens face à l'assaut algérien, et le caractère ténu voire approbateur des commentaires de certains dirigeants, une volonté de ménager l'allié de poids que représente l'Algérie dans la résolution des crises maliennes. En effet, tant au moment de l'intervention qu'au-delà dans le temps de l'après-intervention, elle a un rôle important à jouer dans la sous-région : le survol de son territoire peut faciliter les opérations, pour les avions français notamment ; sa capacité à tenir ses frontières permettra d'empêcher la fuite des islamistes sur son territoire, et l'extension du confit au Niger et à la Libye voisins; sa longue expérience en matière de lutte contre le terrorisme peut certes mener à des issues meurtrières comme celle de Tiguentourine, mais également lui préparer un rôle régional en la matière pour l'après-intervention.