Dans la ville, deux meddahs racontent en alternance la mémoire de Mostaganem. Meddah Medjahers et Meddah Errassoul, sentinelles de la mémoire, captivent l'auditoire en mêlant anthropologie et ethnographie, toponymie et magie. Comprenant dix-huit (18) chapitres titrés et numérotés, ‘'Les deux Meddahs'' commencent par un avertissement montrant pourquoi l'auteur a écrit ce livre, et se termine par un court épilogue. Sous-titré « les légendes de Mostaganem'', il ressemble dans sa structure à un recueil de nouvelles. Personnages centraux du récit, Meddah Medjahers et Meddah Errassoul sont deux conteurs qui racontent dans la ville des histoires à un auditoire qu'ils dominent. Chacun a son style, son répertoire, et ses fervents adeptes. Contrairement à l'autre, Meddah Errassoul est débonnaire et calme. Leur tâche commence en Ramadan, mois d'oisiveté, sous un soleil torride. Lors de chaque séance, ils demandent l'obole aux spectateurs. Leur dû. Que racontent-ils ? Chaque jour, un des deux conteurs raconte un des mystères qui constituent ensemble la mémoire de Mostaganem. Meddah Medjahers commence en racontant l'amitié éternelle de Sidi Abdellah et Sidi Said, puis l'histoire des gardiens de Mostaganem, ceux qui protègent la ville des calamités (Sidi Mejdoub, Sidi Maazouz, Sidi Abdelkader El Kharchouch, Sidi Said, Sidi Bendehiba, Sidi Lakhdar Ben Khelouf, Sidi Belkacem). Meddah Errassoul, quant à lui, commence par l'histoire de Sidi Belkacem, sans oublier la célèbre bataille de Mazagran. D'un ton mélancolique, Meddah Medjahers relate l'inondation de 1927qui a mutilé Souiqa la basse, féerique et lumineuse avant cet événement où Oued Ain Safra se métamorphosa, avalant tout sur son chemin. L'histoire d'Ez Bentote divertit l'auditoire, subjugué ensuite par l'histoire de Sidi Lakhdar Ben Khelouf, gardien du Dahra, poète surnommé « Le laudateur du Prophète », et dont le mausolée est réputé par la forme de son palmier séculaire. D'autres mystères sont au fur et à mesure dévoilés par les deux conteurs: mystère de Cheikh Benaissa et la voie des Aissaoua, mystère des célèbres portes de Mostaganem (Bab Maaskar, Bab El Bhar, Bab Medjahers, Bab El Arsa, et Bab El Djrad), et le mystère des architectures du parc d'Arsa donnant sur le port et la Méditerranée. La toponymie est omniprésente. Les deux conteurs révèlent les origines possibles du nom de Mostaganem (Mechtet Ghanem, Murustaga, Mosse Kranem, Mersat el Ghanaim, Mesk el Ghanaim), et d'autres lieux tels Tigditt, Mesra, Mazagran... En somme, les deux dévoilent les mystères des saints, des monuments, et des lieux. Ils glorifient l'homme, ‘'L'un dans l'épopée de la ville, l'autre dans celle de l'Islam.'' (p09). Un narrateur intervient de temps en temps pour commenter les actions des conteurs et de l'auditoire, et notamment pour décrire le décor qui est simple et réaliste. Fruit de plusieurs années de recherches et d'enquêtes, ce livre est nourri de mots et de locutions empruntés au parler local. Il ne s'agit ni d'un essai ni d'un roman, mais d'un patchwork fait de fragments réels, traversés de fiction. Autrement dit, c'est un récit où réalité et fiction coexistent. Semblable à une pièce de théâtre, d'une langue sobre et classique, il est inspiré par divers domaines dont l'anthropologie socio-culturelle, l'histoire, et l'ethnographie. En somme c'est un récit qui raconte la mémoire de Mostaganem qui est avant tout un phénomène d'oralité ; l'auteur a transcrit ce qui se lègue oralement de génération en génération, tout en apportant son empreinte personnelle. Né dans les années 1950 à Mostaganem, Mansour Benchehida est enseignant à la faculté des Lettres et des Arts de Mostaganem. Auteur de nombreux articles, il est coauteur de « Kaki, le dramaturge de l'essentiel » (éd. Alpha). M. Benchehida, « Les deux Meddahs, ou les légendes de Mostaganem », éd. Edilivre, Saint-Denis, 2013, 120 p.