C'est un décor digne d'un film de Melville. Un atelier insalubre, au bout d'une rue délavée, à deux pas du quartier d'affaires de la Part Dieu, dans le 3e arrondissement de Lyon, dans lequel une imprimerie fabriquait sans prétention cartes de visite et prospectus. Mais ce n'est pas du cinéma. Dans ce lieu anonyme, la police judiciaire de Lyon a découvert le dernier chaînon d'un réseau complet de contrefaçon de monnaie, démantelé d'un coup, jeudi 22 octobre, par l'arrestation simultanée d'une quinzaine de personnes. Ce réseau venait de mettre au point la fabrication de faux billets de 1 000 dinars algériens (10 euros) sur une machine offset. L'affaire peut paraître démodée. Elle est retentissante. Le réseau lyonnais disposait de rouleaux entiers de papier fiduciaire, avec la trame et le filigrane sécurisés, qui étaient destinés à la fabrication officielle de la monnaie algérienne. Chaque rouleau pèse 400 kilos. Ce qui représente 9 kilomètres de papier pour une quantité industrielle de billets. Le réseau lyonnais disposait d'au moins trois rouleaux, selon les investigations de la direction interrégionale de police judiciaire de Lyon (DIPJ), menées avec l'office central de répression du faux monnayage (OCRFM). Les perquisitions ont permis de découvrir un sac de billets fraîchement fabriqués, ainsi que des plaques en quadrichromie, prêtes à l'emploi. Les faux-monnayeurs présumés, mis en examen et écroués dimanche dans le cadre d'une instruction ouverte par la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Lyon, étaient au seuil d'une production active, après un long processus de mise au point, ponctué de réunions dans un fast-food. Selon la PJ, les rôles étaient répartis. Deux frères pour l'impression, un père et son fils pour le massicotage, un informaticien pour ajouter des numéros de série sur les billets : tous recrutés par d'anciens truands à l'âge respectable, suspectés d'avoir fourni la matière première en lien avec le milieu marseillais. L'un affiche un passé chargé de proxénète et de braqueur. Un autre cachait quelques armes et une Ferrari dans le garage de sa mère, près de Saint Etienne. Un troisième recelait meubles et objets d'art à ses heures perdues. Un quatrième s'était illustré dans la contrefaçon de chèques avant de se lancer dans les faux dinars. Une galerie de voyous à l'ancienne qui aurait pu inspirer Melville.