A l'instar de tous les fans de l'équipe nationale de football qu'ils soient algériens ou autres, car l'heure est à « non à ceux qui touchent à notre dignité », Rap et N'kono, ce ne sont que des surnoms, sont déjà à Khartoum avec les six ou sept autres Zemmoréens. Le hasard veut que tous les deux habitent rue Docteur Saâdane et ils sont bien satisfaits des sacrifices de notre entraîneur national Saâdane. Impossible en ces journées patriotiques de se passer dans nos viles, villages et campagnes de l'immense emblème et Zemmora n'en fait pas exception. C'est ce qu'ont salué à Zemmora N'kono, Rap et leurs copains avant de s'envoler pour Khartoum. Le « plus grand emblème » parait une contagion et celui de Zemmora, le plus grand de la wilaya de Relizane, est si bien placé qu'il apparait de bien loin sur le vieux viaduc en pierre taillée et dont la hauteur avoisine les 60 mètres. Là où ne parviennent pas les caméras de télévision et les médias lourds, le cœur de l'Algérie bat aussi. Il bat autant que celui des gars algérois, constantinois et oranais. Il bat mieux que celui de beaucoup de paumés bien placés. Berraouès Amine, Beldjilali Kada, Afif Houari, Saber Djamel, Boutarfa Ahmed pour ne citer que ceux-là ont atterri à Khartoum qui n'était ni attrayante ni attirante et peut-être même repoussante pour ces jeunes villageois. Mâak ya l'Khadra se vit, se sent et se touche ici à Zemmora. Dignes dans leurs maux tels le chômage, la pauvreté, la malvie, l'oisiveté, nos jeunes ont toujours eu de grands yeux pour ce qui touche l'Algérie. Tout comme leurs aînés jeunes du temps de l'Emir Abdelkader et d'Amirouche en rappelant que ce dernier compte encore un ami toujours en vie en la personne de Belatreche Hadj Khaled. Ici, depuis des années, Benahmed Belkacem, alias Kaci, qui n'est pas riche du tout et ne se plaint point, a choisi de jouer la carte « Jeunes ». Ancien scout, ancien de l'Union Nationale de la Jeunesse Algérienne (UNJA), membre influent de l'équipe locale de football l'ASZemmora, , qui disons-le a été créée en 1933, bien avant le MCOran et autres prestigieux clubs, le jeune homme de 53 ans a choisi de se marier avec l'Algérie, qui lui prend tout son temps, que de contracter mariage avec une cousine, et perdre une bienaimée qui l'a tant bercé pour en faire un homme digne. Tout pour les « Jeunes ». Après les campagnes de don de sang, les tombolas, les reportages vidéos, les coupes de quartiers, les pique-niques, les bivouacs, la photographie, le voilà aujourd'hui avec « l'emblème du pont », âlam el guentra comme on l'appelle ici, et comme à chaque rencontre de notre équipe nationale de football, c'est sur grand écran tout près de sa petite boutique qu'il surveille en plus des actions des joueurs toute la joie qui se lit dans les yeux de ses concitoyens dont certains ne possèdent pas encore de télé chez eux. Jeunes et vieux se rassemblent pour vivre une ambiance de stade et certains, incroyable que cela puisse paraître, peuvent suivre la rencontre d'aujourd'hui entre l'Algérie et l'Egypte, dans leurs salons cossus, mais élevés à la même école que Kaci, préfèrent vivre cette ambiance de stade dans l'impasse ou Lazreg répare les vieux tacots et Abdelkader des mobiles défaillants. Kaci a toujours été fier de ce qu'il a accompli et accomplira. A l'écoute des grands et des petits, il a su gagner la confiance des uns et des autres avec son grand cœur qui ne bat que pour l'Algérie et les Jeunes de son village. Elevé dans la touiza, le volontariat et le bénévolat, le généreux jeune homme ne pourra mener une vie d'algérien « normal » qu'en épousant une férue de reboisement, dévouée à la bienfaisance et croyant en l'amour d'une Algérie forte et unie. C'est pour bientôt et je vous montrerai l'endroit de ma dulcinée. Et tout le village attend la fameuse khotba et les noces du jeune homme. Pour l'instant, tout le village n'a d'yeux que pour les programmes sportifs que passent les chaînes de télévision du monde qui, sait-on jamais, montreront nos ambassadeurs à Khartoum, N'kono, Rap et leurs compagnons. Ici à Zemmora, où l'on vit de peu, que l'équipe nationale remporte la victoire fera notre bonheur et nous ne mourrons pas à cause d'une défaite due à une haine injustifiée et un manque flagrant de l'esprit sportif chez ceux qui devaient nous remercier d'être tombés sur les champs d'honneur du Sinaï et du Canal de Suez.