De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad Le terrible but d'Antar Yahia contre l'Egypte, le 18 novembre dernier à El Merrikh Stadium (Soudan), qui a permis d'envoyer l'Algérie au Mondial sud-africain de 2010 et d'en écarter définitivement l'adversaire, a créé, parmi la jeunesse des localités de Kabylie le déclenchement d'une série d'émotions, de joie et de liesse populaires, et libéré de profondes et larges strates d'appartenance à un pays ou à une entité symbolique commune, hors pair dans l'histoire récente de la région. Se déconnectant pour un moment unique de leur amère vie, les jeunes se sont réapproprié tous les espaces publics pendant de longs jours emplis de scènes d'allégresse et de défoulement collectif extrême qui ont surpris tout le monde, notamment ceux qui sous-estiment les capacités de réaction de cette frange majoritaire marginalisée, et l'emprise du football sur les masses pauvres. C'est tout un peuple, en manque d'événements heureux et en attente de trêve des séries noires de son histoire millénaire et de son existence récente, qui a fêté la victoire de son équipe qualifiée au Mondial après une privation de 24 ans de cette compétition planétaire de premier ordre. Tous derrière l'Algérie ! clamait-on des jours durant, avant et après le dernier et ultime match d'appui de Khartoum face à l'Egypte. Partout, c'est la même ambiance dans les rues, les commerces populaires et les foyers de Kabylie sans qu'aucune «main étrangère» (une fois n'est pas coutume, dit-on) ne soit accusée, cette fois-ci, par le pouvoir de s'immiscer dans ces manifestations grandioses ayant eu lieu dans tous les villages déshérités de la région qui s'est spontanément reconnue dans la rage de vaincre et l'engagement exceptionnel sur le terrain des joueurs algériens. «One, two, three, viva l'Algérie !» a fusé des foules kabyles complètement en délire comme un seul homme au sifflet final de l'arbitre. Partout ici, la jeunesse s'est sentie bien représentée et s'était entièrement mise dans la peau des joueurs euphoriques. Les quelques emblèmes de la JSK, le club de football le plus aimé des Kabyles où qu'ils soient, sortis à l'occasion n'ont pu émerger du grand lot des drapeaux aux couleurs de l'Algérie. Circonstances exceptionnelles obligent, cela doit être la première fois qu'en Kabylie le jaune et vert de la JSK est battu avec un score sans appel par le vert, blanc et rouge de l'Algérie. Et avec la complicité des supporters locaux ! Reste à savoir si cette formidable mobilisation de la jeunesse ne mériterait pas une reconversion politique en projets de développement à la hauteur des attentes qu'exprime tous les jours cette frange par des émeutes et autres actions de protestation radicales ou si on continuera à tourner en rond et à exploiter temporairement, à des fins politiciennes, ces décharges extraordinaires d'énergie. Les joueurs de l'équipe algérienne sont pour la plupart des jeunes qui ont eu la chance d'évoluer dans des conditions meilleures et bénéficié d'une attention particulière de la part des responsables sportifs étrangers qui ont su mettre en valeur leur talent et leur ont, ainsi, permis de briller dans l'équipe du pays d'origine. C'est de ces moyens et cadres de travail que manquent les jeunes Algériens pour pouvoir percer et réussir comme leurs compatriotes expatriés. Car, quand la jeunesse s'y met, rien n'arrête la machine du développement. Mais, seulement quand on cherche à développer…. Retiendra-t-on la leçon de Khartoum pour sortir la jeunesse au moins du désespoir ?