Devant l'absence d'investissement générateur de richesses et créateur d'emplois, l'accroissement du chômage, et les différentes manœuvres pour le camoufler, c'est une question qui se pose. On ne se la pose jamais publiquement, pourtant c'est la question secrète qui taraude tous les citoyens devant le désengagement des entreprises, à trouver la ou les solutions. Une plus grande précarité à plus bas salaire Oui, il y a un fossé, en effet. Mais si plus de 80 % des contrats à l'embauche sont sous CDD pourquoi en inventer d'autres encore plus précaires : DAIP, DAIS.... ? En fait, parce que les contrats sous CDD, même d'un mois sont à terme fixe, l'employeur est obligé de garder le salarié jusqu'à ce terme sauf cas de force majeure ou de faute du salarié, mais alors il faut qu'il procède à la rupture du contrat de façon régulière et un recours reste possible de la part du salarié (qui peut demander d'être payé jusqu'au terme prévu). Donc, à tout moment, l'insécurité de l'emploi règne. La précarité est plus grande. Au lieu d'un contrat à durée fixe, c'est un contrat aléatoire. Au lieu d'un CDI, c'est un contrat dont la rupture est sans motif... Tandis qu'avec le CDD, s'il est de six mois, un contrat est de six mois, point c'est tout, au moins le salarié est sûr du « terme ». Le chômage est toujours synonyme de malheur, de honte, de marginalité ou de déchéance. Alors qu'il sévit depuis la révolution industrielle (et même avant), on refuse volontiers d'en parler : c'est bien pourquoi il reste un TABOU... Un de plus à briser ? "Mon boulot, c'est ma vie"... Qui ne connaît personne tenant ce genre de propos (...peut-être vous-même ?). Qui n'a pas côtoyé des individus qui ont parfois perdu leur vie à la gagner ? Certains, en dehors d'une vie professionnelle, s'ennuient et se sentent "inutiles". Si ce n'est parfois un excellent prétexte pour fuir des responsabilités familiales, un travail justifie et rythme l'existence de la majorité d'entre nous. Pourquoi ? Si on ne travaille pas, on n'a droit à rien (sinon se taire et chercher un emploi). Découvert ou grève, représentation sociale : sans justificatif de revenu salarié - comme si c'était encore fiable ! - ou de temps consacré à un travail, point de salut... Et il faut de bonnes excuses (maternité, maladie, invalidité, retraite) pour expliquer son "inactivité" sans être soupçonné de déviance. Vous êtes jeune et bien portant : vous devez bosser, sinon vous êtes suspect ! Comment, en plus, voulez-vous ne pas être persuadé que le travail est le symbole de la réussite quand, dès le plus jeune âge, on vous demande sans cesse quel métier vous voulez exercer plus tard (pompier ? maîtresse ? pilote ?) et qu'ensuite devant la télé, en regardant des séries essentiellement américaines, vous constatez que les héros triment 24h sur 24 et n'iraient même pas prendre un petit arrêt maladie après s'être fait tabasser ? Tel l'enfant qui ne supporte pas d'être différent des autres, l'adulte privé d'emploi a tendance à souffrir de sa non-conformité face au groupe. Cependant, s'il est normal que l'enfant se réfugie dans la masse, l'adulte, lui, est censé pouvoir vaincre ses peurs et apprécier l'anticonformisme, non? On dit que l'oisiveté est mère de tous les vices, mais le travail n'a pas que des vertus : Le suggère son étymologie, qui signifie torturer, tourmenter avec le tripalium, supplice infligé aux esclaves désobéissants (pendus tête en bas à un trépied, on les rouait de coups de bâton) ! Je trouve que les rapports sado-maso que nous entretenons avec le boulot sont ici bien évoqués... Dans la Rome Antique, le travail était déshonorant : les esclaves étaient là pour éviter cette humiliation à leurs propriétaires. Nous sommes donc des esclaves modernes. Sujet d'actualité récurrent, n'oublions pas que la dépression fait rage dans le monde du travail. S'épanouir au boulot n'est pas donné à tout le monde ! Ajouté au stress galopant et aux conflits professionnels, souvent un problème personnel sera la goutte qui va faire déborder le vase car le travail est l'ultime bastion de résistance : pour lui, on supporte jusqu'à saturation tellement on a peur de le perdre... Œuvrer chaque jour contre rémunération pour les intérêts d'un entrepreneur ou d'actionnaires qu'on ne connaît pas, à chacun de juger si c'est aussi valorisant qu'on le clame. Les mères au foyer qui élèvent leurs enfants ne perçoivent pas de salaire et sont plus utiles à l'humanité que des vendeurs de téléphones portables. Une activité non lucrative ou non reconnue peut s'avérer plus épanouissante et justifiée qu'un véritable emploi : question d'appréciation. Pourquoi travailler ? Et si chacun avait non pas plus d'argent mais plus de temps libre pour mieux prendre en charge sa propre vie ? Nous ferions moins de travail qui nous indiffère ou nous pèse et plus de travail qui nous mobilise, nous exprime, nous épanouit. Moins de travail anonyme qu'on exécute automatiquement pour gagner un salaire et plus de travail dans lequel on donne le meilleur de soi pour obtenir un résultat auquel on tient. Il ne s'agit pas de supprimer le premier au profit du second, mais seulement de le réduire à une fraction de notre temps. Il ne s'agit pas de "déshonorer" le travail, mais de distinguer le travail obligatoire auquel nous condamne la lutte pour la vie, et le travail volontaire, qui consiste à œuvrer à ce qui plaît. Economiquement, cela serait possible, mais la question est de savoir comment le possible peut devenir réalité. C'est la transition, non pas le but en lui-même, qui pose problème. Il faudrait introduire l'égalisation des revenus ; la garantie à tout citoyen d'un minimum vital indépendamment de tout emploi ; la refonte complète du système éducatif, dans le sens non pas de diplômés-chômeurs mais d'individus autonomes capables d'un large éventail d'activités, et le développement d'un secteur d'autoproduction dans des ateliers communaux, des coopératives de quartier, des réseaux d'entraide... Toutes ces questions, cependant, ne vont pas encore au cœur du problème : Pourquoi travailler ? Travailler, est-ce un besoin ? Ou un moyen seulement de gagner sa vie ? Ou une manière de s'insérer dans la société, d'échapper l'isolement et au sentiment d'inutilité ? Mais supposons que nous puissions vivre sans travailler : que choisirions-nous - de travailler tout de même, ou de gérer tout autrement nos occupations et notre temps ? Travail-sacrifice ; travail-drogue ; travail-justification ; travail-souffrance ; travail-ennui. Depuis des millénaires, il est écrit que "tu gagneras ton pain à la sueur de ton front". Serait-il impie de remettre en question cette nécessité ? Le travail est malade du faux capitalisme- enrichissement Une grande majorité de jeunes abordent la vie active en aspirant à un travail "intéressant" dans lequel ils puissent investir le plus clair de leur énergie. L'argent n'est pas l'essentiel. Mais progressivement, à force d'être déçue, cette aspiration s'éteint. Le travail tend à devenir un gagne-pain. L'idée même que le travail pourrait être gratifiante s'estompe. Ils commencent à penser que devoir travailler empêche de vivre. Ils se demandent s'il ne serait pas possible de réconcilier le travail et la vie. L'automatisation et la technologie n'en pourraient-elles être les moyens ? Au-delà de la société du chômage, ne permettent-elles pas d'imaginer une société différente où, le travail étant mieux partagé, tous auraient plus de temps libre ? Nous sommes les témoins d'un double phénomène, à première vue contradictoire : d'une part une inquiétude généralisée, chez les jeunes, de ne pas trouver d'emploi et de devenir chômeurs, et, d'autre part, dans la même classe d'âge, une désaffection croissante envers le travail et les valeurs qu'il est censé véhiculer. Voilà un système ébranlé par la crise qu'il connait, qui se révèle incapable d'alléger la charge, parfois insupportable, de ceux qui ont du travail, pour en donner un peu à ceux qui en manquent. Voilà une industrie qui, sous prétexte de transformer la nature, est en train de la détruire. Voilà même des syndicats, qui se sont donné pour tâche d'abolir la servitude du salariat, et qui se trouvent amenés à réclamer des emplois dont l'utilité sociale est pour le moins contestable. Le partage du travail est devenu un problème si obsédant qu'il empêche de s'attaquer à celui du partage du capital. En somme, le travail est malade. Il traverse une crise dont les aspects sont multiples : économique (le chômage), écologique (la destruction des ressources naturelles) et culturelle (la perte de sens). On ne trouvera plus le "plein emploi" par la fuite en avant dans le productivisme mais par la redéfinition du travail, incluant d'autres critères que ceux qu'utilise le système capitaliste. L'emploi n'est plus l'objectif final des entreprises L'emploi n'est plus l'objectif final des entreprises comme cela se fait sentir. Le mécanisme qui voulait que la croissance d'aujourd'hui donne les emplois de demain ne fonctionne plus. Les gouvernements ont renoncé au plein emploi, qui servait d'objectif principal. La recherche maximale de profits à court terme, pour flatter les marchés financiers, est aussi devenue une fin en soi. Le contrat social qui prévalait entre entreprises et leurs employés est rompu, comme le trahit la rémunération scandaleuse des grands dirigeants, alors qu'on impose modération aux salariés ou recrutement par le CDD. Il est grand temps d'admettre que, s'il ne peut plus y avoir d'emploi pour chaque être humain, le travail ne doit plus être considéré comme la valeur suprême de nos sociétés, et l'unique source de revenu possible. A moins de rayer plus 200 millions de chômeurs de la planète, il devient vital d'élaborer un compromis offrant une place à chacun. fin