Une blessure profonde, une douleur alors qu'un homme pleure, les mots perdent leur poids devant l'ampleur de cette douleur « Vous ne pouvez pas savoir ce que c'est que de voir sa femme mourir et être impuissant, ne rien pouvoir faire pour la sauver ! Je sais que parler de cela aujourd'hui ne la fera pas revenir, c'est effroyable, mais je veux dénoncer ce qui c'est passé pour que cela ne se produise plus » raconte Samir. On peut voir dans ses yeux noirs l'ampleur de la peine qu'il ressent. De temps à autres, il croise nerveusement ses longs bras et frotte ses yeux pour retenir les sanglots qui lui brûlent la gorge, son beau-frère qui l'a accompagné le tape affectueusement sur t'épaule afin d'apaiser son agitation et sa peine. « Le médecin de garde de l'hôpital Dr Benzerdjeb a refuse de prendre en charge ma femme, prétextant que le service de la maternité était complet. C'était faux ! Une femme qui a accouché le même jour est prête à témoigner et à dire que le bloc était vide. Mon dieu ! J'ai supplié le médecin de garde, le surveillant médical ainsi que l'infirmière stagiaire pour qu'ils assistent ma femme car elle souffrait terriblement. Je leur ai même proposé de ramener des matelas pour que ma femme soit assistée à même le sol, dans le couloir pour son accouchement. Ce n'était pas possible de la transporter car elle arrivait à terme de sa grossesse. En vain, ils m'ont demandé de la transférer vers une clinique privée et dans ma voiture qui plus est ! Ils ont même refusé de la transporter l'ambulance » Il devient de plus en plus difficile pour cet homme de se confier a nous, ses paroles très amères sont entrecoupées de sanglots et de longs moments de silence. Samir pleure. « Nadia était le pilier de ma vie. Elle était tout pour moi, aujourd'hui j'ai tout perdu, c'est comme si tout le monde autour de moi s'écroulait. Même si on en reconstruit un autre, il ne remplacera jamais le premier. J'ai perdu la semaine dernière un frère, certes c'était pénible, mais la mort de Nadia est comme me cause de terribles souffrances, une blessure qui ne pourra jamais cicatriser , j'en garderai les séquelles pour le restant de mes jours» lâche-t-il. A 40ans Samir père de quatre enfants, devient veuf après plus de 15 ans de vie commune avec sa femme. Notre interlocuteur raconte que lorsqu'on lui a annoncé la mort de sa femme, il n'a rien suspecté, il a cru que le décès était dû à son pénible accouchement. « Ce sont les révélations contradictoires des médecins qui n'ont mis la puce à l'oreille. L'un des médecins m'a dit que si ma femme avait été admise au CHUO elle aurait pu être sauvée. Une infirmière m'a révélé que ma femme était morte, rapidement. Pourtant l'une des sages femmes qui l'a accouchée m'a clairement affirmé qu'elle a parlé à Nadia, et qu'elle était dans un état stable après son accouchement. Ma femme a accouché à 5h30 et elle est morte à 8h ce n'est pas normal ! ». Depuis le 25 décembre dernier, Samir attend le rapport du médecin qui a assuré le service le jour ou sa femme est tragiquement décédée, ce rapport devrait mettre en évidence les réelles causes de sa mort. Le professeur, chef du service de la maternité de l'hôpital le lui a promis. « Je suis revenu plusieurs fois et je n'ai rien reçu, ils m'ont fait courir depuis une semaine et j'ai l'impression qu'ils veulent étouffer l'affaire. » Samir est convaincu que sa femme est morte à cause d'une négligence médicale et il est prêt à aller au bout pour faire la lumière sur cette affaire. « Entre 5h30 et 8h, il s'est écoulé beaucoup de temps, j'ai appris que le service maternité n'ouvre ses portes qu'à partir de 9h, je crois que ma femme a eu une hémorragie et qu'il n'y avait personne pour lui venir en aide». Samir vient de déposer plainte contre le service de la maternité du CHU d'Oran pour « non assistance à personne en danger ». Il compte même ester en justice le service de la maternité de l'hôpital en question, il déclare à notre journal qu'il pouvait emmener sa femme dans une clinique privée ou même à l'étranger « J'ai les moyens et l'entreprise dans laquelle j'exerce en tant que cadre pouvait la prendre en charge. Je l'aurais emmenée au bout du monde si elle l'avait accepté. Mais Nadia a refusé, elle a dit que le service de la maternité du CHUO où elle avait l'habitude d'accoucher était le meilleur parmi les hôpitaux de l'ouest de l'Algérie. Nous avons fait confiance à nos médecins et nous avons eu tort » lance-t-il en avouant encore qu'il se sent coupable car il aurait dû ne pas écouter sa bien aimée. « Aujourd'hui j'ai perdu confiance, il n'ya plus de conscience professionnelle chez les médecins » .Ces mots hostiles résonnent encore dans les oreilles du jeune veuf qui n'est pas prêt d'oublier cette nuit cauchemardesque. Apres avoir déposé une plainte auprès des services la sûreté de wilaya d'Oran, une enquête a été ouverte sur ordre du procureur qui a pris l'affaire en mains. Avant-hier, le chef de service de la maternité a été convoqué par la police cependant il ne s'est pas présenté. Samir a déjà fait appel à un avocat. Il a été entendu par la police ainsi que trois autres époux qui ont déposé plainte contre les services de la maternité le même soir et pour les mêmes causes. « La femme de l'un de ces citoyens a accouché dans le couloir du service parce qu'on a refusé de la prendre en charge » insiste Samir. « Cette dernière m'a affirmé que le bloc des urgences était vide et non pas submergé comme le prétendait le médecin de garde, j'irai jusqu'au bout de cette affaire, je veux connaître la vérité et que les responsables de la mort de ma femme soient sanctionnés.