« L'Algérie doit devenir un chantier de culture, une école où chacun apprend et enseigne, un laboratoire où s'élaborent les valeurs culturelles correspondantes aux nécessités du développement, un séminaire où le peuple discute des questions du vrai et du beau, de l'efficace et de l'utile ». Malek BENNABI – livre : Le problème de la Culture La situation où nous sommes a été déjà décrite au cours de ces dernières années. C'est celle d'une dépendance de l'économie algérienne par rapport aux recettes de la fiscalité des hydrocarbures. Chaque année notre loi de finances est élaborée à partir d'un prix moyen du baril de pétrole que malheureusement nous nous ne maitrisons pas les paramètres et les variables qui influent et déterminent son prix. Devant cette réalité nous sommes contraints de recourir au développement par l'entrepreneuriat qui est la force motrice de la croissance, du développement durable et de l'innovation, ce constat est maintenant un fait observé par un nombre important de chercheurs en entrepreneuriat. Les entreprises, petites et moyennes, sont la source de la richesse, de l'emploi, de l'innovation, et les premiers partenaires pour le développement d'un pays. Le développement par l'entrepreneuriat focalisé sur les personnes et leur croissance, en utilisant les outils comme l'information, la sensibilisation, l'éducation, la formation, coaching et aide au démarrage assure un développement durable et un bénéfice à moyen terme. L'entrepreneuriat est devenu un phénomène nécessaire dans un monde en mutation profonde. Dans ce siècle, nous assistons à l'émergence d'une société plus entrepreneuriale. Le contexte actuel tend vers des configurations organisationnelles réduites et flexibles dues aux pressions des marchés qui sont de plus en plus fortes (concurrence plus acharnée, personnalisation de plus en plus marquée de l'offre, explosion du savoir scientifique et technologique, mondialisation....). C'est quoi la culture entrepreneuriale ? Pour comprendre la culture entrepreneuriale, il est nécessaire d'évoquer d'abord la culture en générale puis à clarifier « entrepreneuriat » auquel se réfère la culture entrepreneuriale. La culture La culture est considérée par l'Unesco(1982) « comme l'ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent un groupe social ». Par ailleurs, selon Hosfstede (1980), « la culture est une programmation mentale collective propre à un groupe d'individus. C'est un système fondamental de valeurs particulières à un groupe ou à une société particulière qui forme le développement de certains traits de personnalité et émotive des individus dans une société, pour s'engager dans des comportements qui ne seraient pas évidents dans d'autres sociétés ». De ces définitions, on peut déduire que la culture est un ensemble d'informations partagé et transmis entre des individus et des générations d'individus. C'est un ensemble de références qui portent des valeurs, des inspirations, des croyances, des modes de comportement et des relations interpersonnelles. La culture entrepreneuriale Pour Johannisson (1984), « la culture entrepreneuriale est une culture qui valorise les caractéristiques personnelles associée à l'individualisme, la marginalité, le besoin de réalisation personnelle, la prise de risque, la confiance en soi et les habilités sociales. Elle valorise également le succès personnel tout en pardonnant l'échec ; qui encourage également la diversité et la non uniformité. Le changement et non la stabilité ». Entrepreneuriat Par entrepreneuriat, il est entendu l'appropriation et la gestion des ressources humaines et matérielles dans le but de trouver, de proposer et d'implanter des solutions qui répondent aux besoins des groupes ou des individus. L'entrepreneuriat comporte une attitude qui pousse une ou des personnes pour réaliser un rêve, tout en tenant compte des risques de l'aventure. En ce sens, la culture entrepreneuriale peut être assimilée à un environnement propice à l'émergence de l'entreprenariat et des valeurs entrepreneuriales. Dans une culture entrepreneuriale on identifie les composantes suivantes : -La valorisation des activités d'affaires Une société qui valorise l'activité d'affaires, est une société qui accorde une place importante aux affaires, à l'argent, à la création d'entreprise une place importante dans la hiérarchie des valeurs de cette société. Dans cette société, les comportements d'affaires sont représentés comme des modèles sociaux acceptables et désirables. En ce qui concerne l'Algérie, les activités d'affaires se classent parmi les activités les moins valorisées par les algériens. L'homme d'affaires est considéré comme un profiteur, un exploitant, un escroc et il se sent toujours traquer et même des fois ces employés travaillent à sa perte. -La valorisation de l'initiative individuelle ou collective Dans une société, où les défis et les opportunités auxquelles on doit faire face sont source de crainte, et où les membres de cette société n'essaient pas de résoudre ces défis ou exploiter les opportunités, et laisseront la nature, la chance, le sort se charger et s'en occuper à leur place cette société inhibe toute initiative et plus particulièrement celle de la création d'entreprise. Par contre dans une société où on valorise l'initiative, ces mêmes situations sont des sources d'inspiration pour les membres de cette société, une inspiration qui pousse les individus à agir et à tenter de résoudre eux-mêmes les défis qui se posent. Ils exploitent les opportunités qui se présentent à eux. A mon avis, l'exemple qui illustre le contraire d'une valorisation de l'initiative individuelle ou collective nous provient des attaques menées par une très grande partie de la société algérienne contre le dispositif mise en place par l'Etat pour aider les jeunes à créer leurs micro-entreprises dans le cadre de l'ANSEJ (Agence nationale de soutien à l'emploi de jeunes). -La valorisation de la persévérance et la détermination Valoriser la persévérance et la détermination amène une contrepartie : la valorisation de l'essai, de l'expérimentation et en conséquence le support de l'échec ou de l'erreur. Le développement des projets d'entreprises nécessite une persévérance et une détermination, il faut accepter que cette pratique prenne souvent la forme d'un essai, d'une expérimentation et d'une réconciliation de l'échec ou de l'erreur car on sait pertinemment que tous les projets des entrepreneurs ne réussiront pas, que certains entrepreneurs échoueront. Malheureusement chez –nous en Algérie, les entrepreneurs qui ne réussissent pas, ils se retrouveront bannis, dénigrés, objet de moqueries, de rejet voire d'hostilité de la part des membres de la société. De telles attitudes éloigneront plusieurs entrepreneurs car il n'est pas facile de vivre avec l'impression d'avoir fait quelque chose que la société réprouve ou de ne pas avoir connu les succès auxquels la société s'attendait. -La valorisation d'un état d'équilibre entre la sécurité et le risque La création d'entreprises représente toujours un certain risque, car créer une entreprise ne se fait pas dans une situation de certitude mais une situation où les probabilités de succès sont raisonnablement appuyées sur les informations disponibles. Depuis l'indépendance du pays, notre société accorde une place importante à la notion de sécurité d'emploi. On observe que la préoccupation pour la sécurité s'accompagne aussi de tentatives pour évacuer totalement le risque. Un déséquilibre en faveur de la sécurité entrainera une passivité de plus en plus grande et une importance démesurée face aux acquis. Chose qui est constatée en Algérie où tout le monde veut être salarié et particulièrement dans le secteur public. Par contre, on enregistre un déficit de plus d'un million de petites et moyennes entreprises. -La valorisation de la notion du changement L'activité entrepreneuriale génère des projets dont l'effet est de changer, de modifier une situation, d'offrir à la collectivité, aux individus un produit, un service qui amèneront un changement dans les comportements. Ce qui signifie que l'activité entrepreneuriale crée une tension entre ce que l'on pourrait appeler la stabilité et le changement. L'Algérie est un pays assez conservateur. Dans ce type de pays, il règne dans leur champ d'activité qu'ailleurs, un climat de morosité de fatalisme, d'opposition et de suspicion. Cela génère une attitude générale défensive, se caractérisant par la recherche des failles, des défauts, des faiblesses, des points plutôt négatifs que positifs de la plupart des nouveautés et changements. Nous algériens, nous avons une grande résistance au changement. Maintenant il est clair, que la société qui désire plus d'entrepreneurs pour la création de richesse et la croissance à long terme, doit travailler à développer d'abord la culture entrepreneuriale dans son milieu. Pourquoi la culture algérienne manque d'orientation vers l'entrepreneuriat ? Les algériens, encore marqué par la culture coloniale qui a été forgée par un système éducatif français en Algérie de 1892 à 1948, et qui comprend deux sous systèmes ; le premier semblable à celui de la métropole qui regroupe principalement les Européens et quelques fils de notables indigènes algériens. Le second était constitué principalement par le niveau primaire « les écoles spéciales aux indigènes » (décret du 18 octobre 1892 création d'écoles spéciales aux indigène, modifié en 1907). La finalité de ce système était d'améliorer la qualification de la main d'œuvre indigène algérienne pour répondre aux besoins de la colonisation. Il ne s'agissait pas de former un futur citoyen capable un jour de créer sa propre entreprise. Malheureusement l'algérien était formé et programmé pour qu'il reste un petit ouvrier journalier. Cela me fait rappeler l'histoire raconté par mon oncle. « Quand il travaillait comme apprenti mécanicien chez un Européen propriétaire d'un atelier de mécanique dans les années quarante à Mostaganem. Ce dernier lui demandait toujours d'aller lui chercher une bière quand il voulait faire le calage dans un moteur pour que le petit Arabe ne puisse pas un jour réparer un moteur ». D'autre part, les algériens sont restés toujours marqués par la culture socialiste, du fait de l'application d'un système économique socialiste après l'indépendance où la notion de classe n'existait pas, et où on n'apprécie pas les gens qui gagnent beaucoup d'argent en entreprenant. Souvent pour eux, la notion de richesse est liée au phénomène de corruption, de blanchiment d'argent et d'argent facile. En conclusion, j'ai tenté dans cet exposé de défendre la cause entrepreneuriale et de montrer à quel point le développement du pays doit passer, du moins en partie, par le développement d'une culture entrepreneuriale pour en faire des milieux où les entrepreneurs peuvent donner libre cours à leur potentiel pour être garants de nos succès de demain. D'après Paul-Artur Fortin, Ph.D Considéré comme le père de l'entrepreneuriat au Québec, pour lui : « la culture entrepreneuriale, un antidote à la pauvreté ». Il faut éveiller en urgence le goût d'entreprendre chez nos jeunes, en donnant de l'importance à la sensibilisation à l'entrepreneuriat aux écoles, collèges, lycées, centres de formation professionnelle et universités par l'introduction des leçons et modules de culture entrepreneuriale ainsi que la réalisation de projets entrepreneuriaux comme travaux pratiques pour leur développer des qualités entrepreneuriales (la confiance en soi, la motivation, l'effort, le sens de responsabilité, l'initiative, l'esprit d'équipe, leadership......). A la fin il est important d'écrire les histoires des entreprises et entrepreneurs publics et privés pour les valoriser et les diffuser vers les jeunes pour les inciter à penser en termes de développement d'activités autonomes pour sortir de l'assistanat et la précarité. D'après Yasmina KHADRA : « Aucune nation ne peut survivre sans mythe, et aucune jeunesse ne peut s'épanouir sans idole ».