Quand on est enfant de héros, on s'incline à la mémoire de ceux qui ont refusé de se soumettre. Tout Ghazaouet était spirituellement connecté à la salle de conférences de l'hôtel Ziri. Hommes, femmes et enfants, en France, à Oran, ou à bord de leurs chalutiers, les Ghazaouatis ces gens sobres et réservés ont vécu une journée digne des glorieuses âmes laissées par les leurs pour qu'un vent de liberté ondule l'étendard de ceux qui rugissaient « Allahou Akbar » à l'assaut contre l'ennemi pour ne plus revenir. Jeudi dernier, 18 février 2010, l'événement était de taille à Ghazaouet. Les Cadets de la Révolution ont afflué de partout pour commémorer la journée de leurs aînés tombés aux champs d'honneurs. La journée du Chahid. Salah Hadj Driss, un Cadet et ancien de l'Algérian Air Forces, fils du Chahid Okacha, épaulé par Boudjenane Bouziane, Hassaïne Abdelwahab, Taleb Omar, Saïdi Mohamed, Guendouz Mohamed et Tlemçani Mohamed, eux aussi Cadets, ont été à la hauteur de la tâche qui leur a été dévolue. Près de cinq cents invités ont pris part à la rencontre. Après le rituel des versets coraniques, l'émouvante Kassaman a retenti comme venue des ténèbres dans la salle assombrie pour faire défiler les images et noms de héros et de batailles qui ont tiré de chaudes larmes des yeux de ceux qui ont servi avec abnégation l'Algérie nouvelle. Monsieur Hassaïne Abdelwahab, coordonateur des festivités, n'a pas manqué de rappeler feu Houari Boumediene qui, un jour lors d'un discours baissa la tête et essuya ses larmes ne pouvant continuer son discours quand il énuméra quelques uns de ses frères d'armes. Et parmi ces frères d'armes, l'ancien président avait cité Sayah Missoum, alias Hansali, juste avant d'éclater en sanglots. Et M. Hassaïne rappela qu'il a été décidé d'un commun accord avec les enfants de Ghazaouet que la rencontre soit baptisée du nom de ce valeureux Chahid. Enfant de révolutionnaires, Si Abdelwahab Hassaïne, au verbe fort, a su choisir les mots pour cette cérémonie solennelle où l'heure était au souvenir de ceux qui se sacrifièrent pour ce beau pays. Et il rappela que la zone 2 de la wilaya V était un maillon fort pendant les années difficiles de l'Algérie occupée. Larges connaissances et sincérité dans les propos de cet ancien enseignant à la retraite. Durant et en dehors de la commémoration, il passa en revue tout ce qui touchait à la Guerre de Libération. L'Emir Abdelkader, Les Chorfa Ouled Ali ses ancêtres, Bachir El Ibrahimi, Abdelhafid Boussouf, Larbi Ben M'hidi, Boumediene et tant d'autres. Un féru de l'ALN, l'Armée de Libération Nationale. Djeïch Ettahrir. Les cinq couplets de l'hymne national qui ont fait vibrer les cœurs et la salle ont accompagné également sur grand écran les noms de famille des Chahid de la zone 2 de la wilaya V : Hassaïne, Taleb, Salah, Bourak, Aggab, Bakhti, Laouedj, Chibane, Boudjenane, Bekkaï, Bennaï, Hamdoune, Mostghanemi, Guendouz, Orbane, Ammour, Belmokhtar, Tlemçani, Hammou, Hassani, Miraoui, Mokaddem, Mellouk, Saïdi… Et la liste est bien longue. Quand l'invité d'honneur, le général en retraite Bouchareb Abdeslam, ce beau parleur, ancien moudjahid et ancien commissaire politique, prit la parole, c'est toute la beauté de la langue arabe en prose et en vers qui aura charmé l'assistance. Il était là surtout pour avoir été… l'ancien commissaire politique de l'Ecole Nationale des Cadets de la Révolution de Koléa. Un ancien chef de certains invités. Véritable encyclopédie de l'histoire, il marqua le pas sur la moyenne de Chouhada tombés aux champs d'honneur durant la Glorieuse Révolution qui dura sept années, quatre mois et dix-neuf jours comme il aime à le rappeler. Il fallait compter les jours et les heures, car chaque jour c'étaient cinq cents cinquante sept Chouhada qui laissaient leurs vies pour cette patrie. Et c'est avec près de trois mille litres de sang qu'arrosaient chaque jour cette terre ces héros qui voulaient plus qu'une Algérie indépendante. Ils rêvaient de l'Algérie des Hommes. Quand le général aborda « Histoire d'un parjure » de Michel Habart, une œuvre magistrale qui avait été retirée des presses juste avant impression en France, l'assistance fut obnubilée. Le tenace général s'était un jour procuré une copie de l'œuvre, éditée depuis aux éditions de minuit en 1960, et l'avait étalée en épisodes sur les colonnes d'El Djeïch, la revue de l'Armée Nationale Populaire. Habart affirme sous sa plume que la France a ôté la vie à pas moins de huit millions d'Algériens en quarante-deux ans. Et le général ira plus loin que les balles assassines en recensant les victimes de famines, d'épidémie et de privations en tous genres. L'ancien commissaire politique fut ovationné avec chaleur et à plusieurs reprises. M. Midas Djillali, qui a à son actif dix-sept années au service des Cadets et qui dit-il ne les voient point en adultes, mais encore ses enfants, ses petits enfants, émut l'assistance et laissa certains en larmes avec sa courte allocution. Il n'aurait rien à dire après les propos de M. Hassaïne qui lui rappela qu'il avait appris aux Cadets à s'habiller, à se tenir à table, à aimer cette patrie, à lire, à rédiger une lettre, à tenir une fourchette et bien des choses qui firent des hommes qui devinrent pilotes, ingénieurs, généraux, chercheurs, médecins et j'en passe. L'heure devint plus grave quand vint la commémoration des copains partis à jamais. Belgherri Benali, Behammou Bouras, Aggab Djamel, Ammour Houari, Bekkaï Noureddine, Belghazi Ahmed, Belmokhtar Rachid, Benahmed Hacène, Seghir Mohamed, Alili, Abdelmalek Mossadek, Benhaïla Leuz, Benazza Kheiredine, Kadi Abderrahim, Hassaïne Mohamed, Lahcène Mohamed, Kaddouri Kaddour, Ladehem Lakhdar, Meraoui Abdelhamid, et enfin les Taleb Mohamed, Okacha et Zakarya et bien d'autres de la wilaya de Tlemcen furent cités dont certains en présence des leurs proches invités pour l'occasion. Les armes à la main comme leurs prédécesseurs ou simplement morts dans leurs lits, les absents de ce jeudi 18 février 2010 ont toujours porté l'Algérie dans leurs cœurs. Et pour clôturer les festivités, M. Hassaïne remit des cadeaux bien symboliques de la ville sur la Méditerrannée au Général Bouchareb, aux familles des amis qui ne sont plus de ce monde, à M. Midas Djillali, M. Mechmech un autre encadreur des Cadets. Le mot de la fin de M. Hassaïne fut avec l'assistance « One, two, three, viva l'Algérie ». Sans exception, les Cadets de Ghazaouet comme les invités ont présenté au timide, réservé et grand absent de la journée M. Gouri Abdelkader qui mit à la disposition des Cadets l'hôtel Ziri avec son personnel dévoué et surtout son apport gratuit en maints domaines. Bon sang de feu Si Baghdadi Bouri ne saurait mentir ; tel père tel fils.