Au cours du 1er semestre 1962, l'Armée de Libération Nationale –ALN- exécuta 444 opérations contre les troupes coloniales chargées de contenir nos valeureux Moudjahidine qui tentaient coûte que coûte de franchir les barrages Challe et Morice qui commencèrent à poser problème dès 1957. Des lignes quasi infranchissables vus les moyens déployés en vue de contrecarrer toute incursion qui permettrait de donner un coup de main aux katibas de l'intérieur. Sur ces 444 attaques qui se déroulèrent pendant que les représentants du Gouvernement français et du Gouvernement provisoire de la République algérienne –GPRA- négociaient pour mettre fin à la présence de la France en Algérie, l'Etat-major français releva l'intensité des feux de l'artillerie et les moyens de plus en plus conséquents. Les négociations avaient commencé le lendemain du 8 janvier 1961 après le référendum sur l'autodétermination de l'Algérie qui eut lieu en France et en Algérie. La France avait repris le contact avec le FLN, un espoir qui ne diminua pas la volonté de l'ALN de s'imposer sur le terrain. Pendant que les politiques traitaient de paix, l'ALN se devait de mettre la pression sur les troupes françaises. Tous les moyens étaient déployés et l'action armée ne connaissait pas de répit. Les bombardements des postes avancés comme le gros des troupes en profondeur s'effectuaient dans la surprise la plus totale. Conscients que la seule manière de franchir les barrages frontaliers, électrifiés et truffés de toutes sortes de mines dont des bondissantes et des éclairantes ainsi que des fils barbelés, était l'attaque, les stratèges de l'ALN montèrent des batteries d'artillerie de différents calibres sous l'égide de chefs lettrés et disciplinés comme l'exige la fonction et surtout l'arme qui demande des connaissances non négligeable en mathématiques dont les probabilités et la trigonométrie. Et l'on s'y met à l'œuvre. Désormais, la portée de tir est de 12 kilomètres avec l'obusier M30 de calibre 122 mm et dont l'obus explosif en fonte aciérée ne pèse pas moins de 22 kilogrammes. L'arme sur roues, fabriqué en série jusqu'en 1955, la fierté de l'armée soviétique, était sur le front de l'est appuyant les unités de l'ALN. L'efficacité de ce bijou de l'époque alla jusqu'à son clonage chez la Wehrmacht allemande et s'appeler le Feldhaubitze 396 R. En plus de cet obusier, un mortier de 120 mm était déjà en service et son efficacité n'était plus à démontrer. Peu encombrant et facile quant à sa mise en batterie, il pouvait atteindre en tir vertical des objectifs à près de 6 kilomètres. Jusqu'au jour d'aujourd'hui cette arme, le 120-HM 38 soviétique, reste l'une des plus grandes réussites de toute l'histoire moderne du mortier et il est encore en service depuis en 1939. Mobilité, poids du projectile et portée en font une arme bien utile et indétrônable. Le 120-HM devint également allemand sous l'appellation Granatwerfer 378. Sa cadence de tir peut atteindre dix coups à la minute et une batterie de 6 pièces peut anéantir des objectifs avec ses obus brisants sur plusieurs hectares en quelques minutes. Dès 1959, soit trois années avant que la France ne fut défaite, l'état-major de son armée reconnaissait l'habileté et le savoir-faire des compagnons d'armes de l'actuel chef d'état-major et vice-ministre de la défense nationale, le Général de Corps d'Armée Ahmed Gaïd Salah, un artilleur qui laissa ses empreintes sur l'arme en même temps que l'ancien président Liamine Zeroual, feu Boutaba Bouhelal et d'autres éminences encore. Les jeunes artilleurs de l'ALN se distinguèrent également lors de la guerre des sables qui opposa la toute nouvelle ANP aux forces du makhzen en 1963, les hauteurs de Beni Ounif aidant. Et c'est ainsi que nous relevons dans des documents français « au sujet des attaques du poste d'Aïn Zana en raison de sa position tactique, dominant la Medjerda à la limite sud du " Bec de Canard ", qu'il en a subi une « massive dans la nuit du 13 au 14 juillet 1959. [...] Le bulletin de renseignement mensuel, document secret de l'état-major d'Alger, signé par le chef d'état-major de Challe, ne retient pas cette version (de l'ALN, ndlr) et décrit ainsi l'attaque d'Aïn Zana : « Dans la nuit du 13 au 14 juillet, les rebelles, agissants sur un front de 90 km entre la mer et Sakiet, mettant en œuvre simultanément 12 canons de 37 SR et une vingtaine de mortiers de 81 ou 82, attaquaient Aïn Zana (poste et SAS) et la ferme arabe, harcelaient 12 autres postes et sabotaient le barrage en six endroits. L'action principale, dirigée sur Aïn Zana était menée par tout ou partie des trois faileks (bataillons, ndlr) Bensalem, Chabou et Hoffmann, appuyés par 4 canons de 57 et 4 mortiers de 82 ; le poste a éprouvé des pertes en personnels minimes, mais des dégâts importants. L'attaque secondaire sur la ferme arabe a été conduite par le personnel de l'Ecole des cadres du Kef. Par leur minutieuse préparation, leur coordination dans l'espace et le temps, l'emploi de moyens importants, et en dépit de leur échec, ces différentes actions témoignent d'un style nouveau qui pourrait modifier les conditions de la lutte aux frontières. " Signé p.o. Colonel de Boissieu. » Un témoignage, de l'ennemi même, qui cloue le bec et à jamais à bien des pseudo-historiens. Et c'était en 1959. A cela, ajoutons la reconnaissance que « l'action psychologique du FLN, auprès des combattants et des populations, n'a produit son effet positif que plus tard, en 1960-61. » Une reconnaissance quoique bien tardive mérite d'être soulignée du moment que l'on tombait au champ d'honneur suite à des actions héroïques déjà dès 1954 malgré le manque d'armes, de munitions et les grands moyens de répression mis en branle par l'ennemi. En plus de la population européenne, pas moins de deux millions de militaires et paramilitaires étaient obnubilés par l'Algérie française et parmi eux 430 000 musulmans dont des harkis, tirailleurs, spahis et supplétifs en tous genres dont des exemplaires du sinistre Commando Georges. Selon Maurice Faivre, on comptait ainsi quatre fois plus de combattants musulmans dans le camp français que du côté du FLN. L'action militaire n'a jamais été mise en sourdine, mais au contraire, l'état-major a même décidé d'intensifier encore plus les actions dès 1961. Nous constatons que pas moins de 300 attaques ont été déclenchées en 8 jours. Et c'est ainsi que nous relevons sur les documents français que « l'attaque la plus puissante contre le barrage Est a été déclenchée le 6 mars 1962 sur large front. Elle est décrite de façon détaillée dans les journaux de marche du 153ème RIM, de la zone Est constantinoise (ZEC) et dans le bulletin mensuel de renseignement du Corps d'Armée de Constantine. Selon ce dernier, 300 actions ont été lancées par l'ALN du 6 au 14 mars, de la mer à Bir El Ater. 6 000 obus ont été tirés en cinq jours (les 6, 7, 8, 13 et 14 mars, avec une accalmie du 9 au 12). Trois zones ont été particulièrement visées : La Calle (3 000 obus), Bec de Canard (2 300 obus dont 1 200 sur Aïn Zana), Le Kouif (700 obus). De nouveaux moyens lourds ont été mis en œuvre : canons de 85 antichars, obusiers de 122 et mortiers de 120. Un groupement opérationnel a été mis sur pied, et les commandos engagés disposaient d'appuis lourds et de postes radio (C9, CIO, PP8)... » L'aventure de l'artillerie algérienne a bel et bien démarré en 1957. Lentement mais surement pour devenir le fer de lance de l'ANP. Son armement lourd parvenait par la route à travers la Libye et la Tunisie. A l'ouest, au milieu de 1960, revenant sur son appui antérieur, le gouvernement marocain interdit à l'ALN l'utilisation sur son territoire des mortiers d'un calibre supérieur à 82 mm. Qu'à cela n'y tienne. En 1967 et 1973, au secours des troupes arabes dans un Moyen Orient en feu, des Hommes, des artilleurs volèrent appuyer fantassins et tankistes, algériens et autres, et revenir avec les remerciements de peuples et de gouvernements reconnaissant la bravoure et la témérité d'une armée d'un peuple valeureux. L'Algérie libre et indépendante n'aspire que vers une paix durable tout en se renforçant pour parer à toute éventualité dans un monde instable. Et c'est ainsi que parmi les moyens de défense, elle s'est dotée d'armes, d'équipements modernes d'artillerie et d'une école qui fait ravir de par ses moyens pédagogiques et l'étonnant dans cette aventure de l'artillerie reste ce 6 mars 1962 qui est incrusté dans les mémoires des Moudjahidine qui ont visé, chargé et tiré sur un ennemi qui leur reconnait ce génie de vaincre et qui devrait être commémoré chaque année comme « Journée Nationale de l'Artillerie », l'arme qui précipita la signature des accords d'Evian.