Cinq pays –l'Arabie saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis, l'Egypte et le Yémen– ont justifié la rupture de leurs relations diplomatiques avec le Qatar par son "soutien au terrorisme". La frontière entre l'Arabie saoudite et le Qatar est désormais fermée, et le petit pays se retrouve isolé. L'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn, mais aussi l'Egypte et le Yémen ont annoncé, lundi 5 juin, la rupture de leurs relations diplomatiques avec le Qatar. Ces cinq pays ont aussi décidé de prendre des mesures drastiques pour isoler leur riche voisin de 2,2 millions d'habitants, qui se targue de jouer un rôle régional et d'avoir été choisi pour organiser le Mondial 2022 de football. Quelle est la raison invoquée pour sanctionner le Qatar ? Ryad, Abou Dhabi et Manama ont justifié la rupture de leurs relations diplomatiques avec le Qatar par son "soutien au terrorisme", y compris à Al-Qaïda, au groupe Etat islamique et à la confrérie des Frères musulmans. "Le Qatar accueille divers groupes terroristes pour déstabiliser la région, comme la confrérie des Frères musulmans, Daech [l'acronyme en arabe de l'Etat islamique] et Al-Qaïda", a accusé Ryad. Selon l'Arabie saoudite, Doha soutient aussi "les activités de groupes terroristes soutenus par l'Iran dans la province de Qatif", où se concentre la minorité chiite du royaume saoudien, ainsi qu'à Bahreïn, secoué depuis plusieurs années par des troubles animés par la majorité chiite de ce pays. Quelles sont les mesures prises contre Doha ? La rupture immédiate des relations diplomatiques. Bahreïn et les Emirats arabes unis ont ordonné à leurs diplomates de quitter Doha dans les 48 heures. La fermeture des espaces aériens et maritimes. L'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et Bahreïn ont interdit leurs territoires aux vols de la compagnie aérienne du Qatar, Qatar Airways. Les liaisons aériennes et maritimes seront également suspendues dans les 24 heures. Les compagnies Saudi Arabian Airlines, Etihad, Emirates, Air Arabia et flydubai ont suspendu les vols sur Doha à partir de mardi matin. La fermeture de la frontière terrestre. L'Arabie saoudite a fermé sa frontière avec le Qatar, ce qui bloque les importations de biens par voie terrestre via l'Arabie saoudite. L'interdiction de séjour. En Arabie saoudite, aux Emirats arabes unis et à Bahreïn, il a été demandé aux ressortissants du Qatar, visiteurs ou résidents permanents dans les trois pays, de partir dans un délai de 14 jours. Seuls les pèlerins du Qatar peuvent se rendre sur les lieux saints musulmans en Arabie saoudite. Quant aux ressortissants des trois pays, ils ont interdiction de se rendre au Qatar. L'exclusion de la coalition internationale arabe. La coalition militaire arabe, intervenant depuis plus de deux ans au Yémen sous commandement saoudien contre les Houthis, des rebelles chiites pro-iraniens, a décidé d'exclure le Qatar. Comment a réagi le Qatar ? Le Qatar a rejeté une décision "injustifiée" et "sans fondement". Celle-ci a été prise "en coordination avec l'Egypte", accuse Doha, et a un "objectif clair : placer l'Etat [du Qatar] sous tutelle, ce qui marque une violation de sa souveraineté" et est "totalement inacceptable", a affirmé le ministère des Affaires étrangères à Doha. Le Qatar "n'interfère pas dans les affaires d'autrui" et "lutte contre le terrorisme et l'extrémisme", a assuré le diplomate qatari en chef. L'émirat prendra "les mesures nécessaires pour mettre en échec les tentatives d'affecter sa population et son économie", a ajouté le ministère. D'ores-et-déjà, la compagnie Qatar Airways a annoncé qu'elle annulait ses vols à destination du royaume saoudien. Comment cette crise a-t-elle éclaté ? Il s'agit de la crise la plus grave depuis la création en 1981 du Conseil de coopération du Golfe. La dernière crise ouverte dans le golfe Persique remontait à 2014 lorsque trois pays du Conseil de coopération du Golfe (Arabie, Bahreïn et Emirats) avaient rappelé leur ambassadeur à Doha pour protester contre le soutien présumé du Qatar aux Frères musulmans. C'est la suite d'une série d'événements survenus depuis la fin du mois de mai en amont de la visite, dans la région, du président américain Donald Trump et qui ont accru les tensions entre Doha et ses voisins. Le 20 mai, le Qatar se dit victime d'une campagne "mensongère" qui l'accuse de "soutien" au terrorisme. Le 21 mai, l'émir du Qatar, cheikh Tamim Ben Hamad Al-Thani, s'entretient en tête-à-tête avec Donald Trump à Ryad. Le 24 mai, le Qatar annonce que son agence de presse a été "piratée par une entité inconnue" et que de "fausses" déclarations ont été attribuées à son émir. Parmi les sujets cités figurent l'Iran, le Hezbollah, le Hamas et les Frères musulmans, des propos que des médias du Golfe s'empressent de relayer malgré les démentis de Doha qui ouvre une enquête. Le 25 mai, la presse s'en mêle. "Le Qatar divise les Arabes", titre le quotidien émirati Al-Bayane. Le journal saoudien Al-Hayat affirme que les propos prêtés à cheikh Tamim ont provoqué "une indignation à grande échelle". Le ministre qatari des Affaires étrangères, cheikh Mohamed Ben Abderrahmane Al-Thani, dénonce "une campagne médiatique hostile à l'Etat du Qatar". Le 28 mai, le ministre d'Etat émirati aux Affaires étrangères Anwar Gargash constate que les monarchies du Golfe "traversent une nouvelle crise aiguë" et il somme le Qatar, sans le nommer, de "changer d'attitude et de rétablir la confiance et la transparence". Où ces tensions trouvent-elles leurs racines ? "C'est enraciné dans des dynamiques qui remontent aux années 1980 et qui ont vu le Qatar, depuis le début des années 1990, chercher à prendre ses distances avec l'Arabie saoudite", explique sur franceinfo Alexandre Cazerouni, chercheur à l'ENS, spécialiste des pays du pourtour du golfe Persique. "Le Qatar est le pays dans lequel, dans les années 1980, l'Arabie saoudite avait le plus étendu son influence via le salafisme", rappelle le spécialiste. "Avec le Qatar, on a vu pour la première fois, au début des années 1990, une principauté côtière du golfe Persique tenter de se rapprocher directement des Etats-Unis en offrant aux Américains la possibilité d'ouvrir une base militaire. Ça avait fortement déplu à l'Arabie saoudite et cela avait entraîné le coup d'Etat de 1995 qui a porté au pouvoir celui qui a été émir jusqu'en 2013. Ces rivalités sont donc anciennes."