« Donnez-lui toutes les satisfactions économiques, de façon qu'il n'ait plus rien à faire qu'à dormir, avaler des brioches, et se mettre en peine de prolonger l'histoire universelle, comblez-le de tous les biens de la terre, et plongez-le dans le bonheur jusqu'à la racine des cheveux : de petites bulles crèveront à la surface de ce bonheur, comme sur de l'eau. » Le titre de cet article, il faut le noter dès cette attaque, ne vise ni un jeu de mot ni une connotation quelconque. D'ailleurs, pour un tel article, les titres ne manquent pas car aucune société de par le passé n'a accumulé autant de qualificatifs comme la notre a fait, de la société de la communication de Jean Baudrillard, à la société du spectacle de Guy Debord2, passant par le village planétaire de Marshall Macluhan3 et la liste reste longue, et ce qui est important c'est que ces adjectifs ne sont pas choisis pour leurs résonances poétiques loin de ça, ils reflètent, hélas, et très justement la réalité dans laquelle notre société se trouve actuellement. Certainement, quelques uns d'entre ces titres ne fournissent qu'une explication partielle de la situation, mais ils sont sûrement, loin d'être de la pure littérature. Le plus important phénomène social que les TIC (technologies de l'information et de la communication) ont enfanté ces dernières années, et dont il faut prêter beaucoup d'attention, à notre avis, la perte de l'intimité chez l'individu, et la phobie qu'il ressent, de la surveillance du «Big Brother». D'ailleurs, le temps est désormais au «little Brother» de faire autorité, puisque ce ne sont plus les adultes qui sont la référence comme jadis, mais ce sont les moins âgés, et les ados surtout, qui le sont, depuis que les nouvelles technologies de l'information et de la communication ont envahis notre existence, et lorsque les téléphones intelligents ou disons plutôt Smartphones - pour apparaitre comme disait quelqu'un, un peu moderne - sont tombés dans les mains des idiots. Nous vivons dans un univers qu'on peut qualifier avec un peu de réserve de judas inversé. Et le hic dans toute cette situation embrouillée et embrouilleuse, reste que les législations réputées par leur lenteur n'arrivent pas à suivre l'évolution et à une vitesse vertigineuse des technologies de l'info-com qui ne cessent de nous surprendre chaque jour de ses nouveautés. Evoquant à titre d'exemple, ce machin qu'on nomme réseaux sociaux et dont ils ne cessent de nous casser les pieds et les oreilles, et qui fait tabac ces dernières années, personnellement je n'ai pas pris la peine de me documenter sur le sujet, mais je ne sais pas d'où une telle appellation est venue, car je ne sais pas en quoi sont ils sociaux ? Il n'est certainement pas ici la place d'aborder le sujet avec plus de profondeur mais, si je puisse me permettre de faire quelques brèves remarques sur ce sujet, je dirais que les contenus de ces techniques de communications, puisque c'est bien le cas, et ne pas les confondre avec les journaux et les médias de masse telle que la télévision...etc., se résument essentiellement à quelques photos et séquences vidéo prises à la va– comme -je -te pousse ou en catimini, par des voyeurs, démunies de toute valeur esthétique, ou artistique, ou bien montées avec un mauvais talon, concernant les écrits, si François Mitterrand disait qu'il n'y a d'écriture qu'exacte, pour les branchés des réseaux sociaux il n' y a d'écriture qu'inexacte. L'écriture consiste à un gribouillis fait d'amalgame de chiffres et de lettres alphabétiques latine et arabe confondus et quelques symboles toutes à la fois. Je crois que les sociétés en développement dont la notre en fait partie seront gagnantes s'il y a autant de jeunes qui vont défricher la terre et travailler dans les champs, nous avons autant de youtubeurs que nous avons des travailleurs dans les autres secteurs. En abordant la question de la généalogie de l'évolution de toutes les techniques que l'humanité a connue depuis l'homme de la caverne, et celles de l'information et la communication en fait partie évidemment, Marshall Mcluhan3 la définissait (la technique) comment une sorte de prothèse qui vient s'ajouter à nos organes humains leur permettront un gain de temps et d'effort et un rapprochement des distances, il l'a qualifié également d'extension à nos sens, or, ce qui est à constater, c'est que les technologies de l' l'information et de la communication ont totalement substitué à la communication interindividuelle qui est ,il faut le rappeler, la vraie génératrice d'interactions, de sentiments à travers le mémo-gestuelle ,cette dernière qui est absente dans le cas des nouveaux moyens. En visant rapprocher les individus de la société et voulant renforcer les liens dans une communauté donné les TIC ont créé l'effet inverse, c'est à dire pousser l'individu à l'isolement, il est plus informer mondialement, et au courant de tous les problèmes contemporains, mais -puisqu'il y a toujours un mais comme disent les Anglais- il est complètement à côté de la plaque localement, il ignore ce qui se passe au coin de sa petite rue. En étant complètement déboussolé, le citoyen «moderne» - enfin, celui qui croit l'être - se trouve entre le mur de la perte d'intimité, qui est le seul capital qui lui reste, et l'épée du matraquage médiatique, à tel point de devenir complètement noyé et quotidiennement par un flux considérable émanant de toute part d'informations, la plupart d'entres elles sont soit fausses ou secondaires. Comme l'a souligné Umberto Eco4, la censure ne s'exerce plus, comme autrefois, par le musellement de la presse et la rétention et l'élimination de l'information, mais par profusion : pour contrer une information, il faut la noyer entre d'autres fausses informations. Désormais, le danger n'est plus, le manque de l'info ou pour parler technique, la sous information (Under-information) mais bien au contraire la surinformation (Ouver-information). Nous avons vu les conséquences de l'excès de la manipulation génétique et les problèmes surtout médicaux des OGM ,l'effet de serre à cause de l'industrialisation excessive n'est un secret pour personne, le trou de l'ozone d'il y a quelques années fait couler autant d'encre, le temps est venu pour la « pollution médiatique » et la sur dépendance aux moyens de l'information et de la communication de faire leurs dégâts, sauf que cette fois ci, ce n'est pas la nature qui endossera les conséquences, bien sur néfastes , mais c'est à la société d'en payer le prix, d'où la nécessité de donner, dès maintenant, aux sciences sociales et plus particulièrement les sciences de l'information et de la communication toute l'importance qui est la leur. Il est vraiment malin, celui qui croit déceler le vrai du faux, ou comprendre les ficelles du travail trop absents de la machine médiatique, même les journalistes ne peuvent pas prétendre comprendre quoi que ce soit car ils ne sont qu'un minuscule maillon d'une très longue chaine dont ils ne connaissent même pas le bout, où s'entremêlent le politique avec l'économique et le financier. Il est légitime de se demander quel sera notre avenir ? Pour répondre à une telle question, nous avons besoin d'un nouveau Jules Vernes pour nous le prédire. 1- Dostoïevski, Dans mon souterrain, cité par Jean Baudrillard, La société de consommation, ses mythes et ses structures, Paris ,1970 2-Guy Debord, La société du spectacle, Paris, Ed. Gallimard, 1992 3-Marshall Mcluhan, Pour comprendre les Medias, Les prolongements technologiques de l'homme, Paris, Seuil, 1968 4-Umberto Eco, interview au Nouvel Observateur, no 1406, octobre 1991, cité par Marc Nouchi, Le XX siècle, Ed. Armand Colin, Paris 1995