Phrase d'une singulière résonance dans notre pays qui a connu sept années et demi de lutte et perdu plus d'un million et demi de ses meilleurs enfants. Mais signe d'une grande sagesse quand on imagine que les 35 millions environ d'algériens jugeront cela sur leur capacité à réussir la paix autant sinon plus que sur leurs mérites militaires.En cumulant les budgets d'équipements et de fonctionnement, notre pays consacre beaucoup de ses ressources à l'éducation et à la culture. On ne peut pas trouver meilleure preuve dans la prise de conscience. Et dans la conception algérienne, langage et histoire ont conjugué leurs destins car elles ont été victimes du même mépris. Ce mépris est attribué par nous à un système colonial et non à des hommes. Et notre langue reléguée au second plan, le fait historique tourné en dérision, il y avait là parmi d'autres, deux moyens de renforcer la suggestion. Ainsi, il faut donc s'atteler à cette tâche ardue qui consiste a réécrire l'histoire. Et il ne s'agit pas de se dégager des outrances ou des faiblesses d'historiens complices d'un système pour tomber dans les abus d'interprétation que suggérait un nationalisme exacerbé. Il faut donc un appareil critique tout à fait sûr, c'est une entreprise de longue haleine. Mais, par ailleurs, nous ne résistons pas à la tentation de réhabiliter l'histoire et en quelque sorte de la justifier par de hauts faits récents : la conquête révolutionnaire, d'une part et la renaissance de la culture, d'autre part. Ces deux hauts faits se situent dans une perspective historique et se veulent les artisans d'une continuité. L'histoire à réécrire ne sera que le prélude de celle qu'ils écrivent aujourd'hui dans une réalité dynamique. On presse le caractère passionnel de cette interaction : l'histoire ancienne et celle qui est en train de se faire, se justifient mutuellement. Dans ce processus, la langue est une arme et un argument. Mais on ne décrète pas l'emploi de l'arabe comme on décide d'une nationalisation. Les circonstances sont nombreuses qui justifient une grande prudence. D'abord les cadres, sur lesquels on pouvait compter pour amorcer la colonisation étaient de formation française et la France, de son coté, accordait l'aide de ses coopérants. De plus, la machine héritée fonctionnait en français. D'autre part, le français est l'une des langues universelles et il eut été aberrant de négliger cet accès vers l'extérieur. Et la langue arabe n'est pas sans poser de complexes problèmes, compte tenu de la distance qui sépare l'arabe classique de l'arabe dialectal. Dans un autre esprit, M. BOUALEM Bessaieh avait dit devant des étudiants rassemblés dans un auditorium à Bruxelles : de nos jours, c'est encore cette langue orale dialectale qui constitue le principal bien linguistique, le principal véhicule entre les hommes d'un même pays et aussi entre les peuples d'Afrique du nord. Rappelons aussi que le défunt Président Boumédienne qui s'exprimait pourtant dans un français d'une rare correction, ne prenait jamais la parole en public si ce n'est en arabe. Si l‘on cherche à interpréter la situation, on trouve donc trois lignes de force : la volonté de saisir l'opportunité de l'alphabétisation pour stabiliser l'arabe (qui est tout de même la langue de plus de 80% de la population), l'introduction de l'arabe dans la scolarisation et le maintien du français considéré a la fois comme accès a une culture moderne et un moyen de communication. Aucun enseignement ne peut être vraiment dépouillé de valeurs sur lesquels il est fondé…Enfin, une citation du regretté KATEB Yacine sur la langue française : il est bien plus réaliste de considérer la langue française comme un acquis, un bien précieux et peut être même un butin de guerre.