Pour sa troisième comparution devant le tribunal criminel de Sétif, Chouar Bouguerra, le fabricant de cachir, a été condamné, dimanche dernier, à dix ans de prison, à l'issue d'un long procès ayant duré plusieurs heures, ainsi qu'à une peine similaire dans un autre procès tenu, hier, dans lequel il était accusé de fabrication de produits impropres à la consommation. Ce qui fait que C. Bouguerra purgera vingt ans de prison. Quant au deuxième accusé, Z. Slimane, il a été relaxé. En effet, lors du premier procès tenu en 1999, le principal accusé a été condamné à la peine capitale. Puis cette peine a été commuée en perpétuité lors de sa seconde comparution en 2003. Pour rappel, l'affaire du cachir avarié, qui avait provoqué au mois de juillet 1998 une grande épidémie de botulisme, touchant plusieurs wilayas de l'est du pays, avait causé le décès de 44 personnes ainsi que l'hospitalisation de dizaines d'autres. Les chefs d'inculpation retenus contre les prévenus sont la fraude dans la production de produits alimentaires et leur commercialisation ayant entraîné la mort de personnes. Les faits de cette tragique affaire remontent au 5 juillet 1998 lorsque le surveillant médical du centre de santé de Salah- Bey, localité distante 40 kilomètres du chef-lieu de la wilaya de Sétif, alerte la brigade de Gendarmerie nationale sur l'hospitalisation de cinq personnes, âgées de 11 à 40 ans, parmi elles deux personnes d'une même famille, souffrant de maux de tête, d'inflammation des amygdales, de fortes fatigues ainsi que d'une baisse de la vision et dessèchement de la gorge causés par la consommation de cachir avarié fabriqué par les établissements El-Hilal, implantés dans la localité de Bir-Hadada et appartenant au nommé Chouar Bouguerra. La maladie s'est vite propagée et a touché plusieurs villes du pays : (El-Eulma, Oum- El-Bouaghi, Azzaba, Constantine, Chelghoum- Laïd...) causant la mort de 44 personnes et l'hospitalisation de plus d'une centaine d'autres. Sur ce, une enquête a été ouverte et une importante quantité de cachir fut saisie au niveau des établissements El-Hilal. Le résultat des analyses avait démontré que cette marchandise était impropre à la consommation et qu'elle était la cause directe de cette grave épidémie de botulisme. Les débats de ce dimanche ont été passionnants, d'un côté, le ministère public qui veut châtier des personnes peu scrupuleuses qui, au mépris de la loi et de la réglementation, ont fabriqué et distribué des produits alimentaires impropres à la consommation, sans se soucier nullement de la santé du citoyen. De l'autre, le collectif d'avocats rejette aussi la responsabilité de cette tragédie aux institutions de l'Etat, APC, direction de la santé, direction des services agricoles, DCP... accusées de laxisme dans cette catastrophe. Malgré ces énièmes procès, de nombreuses questions demeurent toujours sans réponse. Chouar est-il seul responsable de cette tragédie ? Pourquoi aucun décès ni intoxication n'ont été enregistrés à Bir- Hadada, lieu où est implantée la fabrique ? Pourquoi les services de la santé de la wilaya de Sétif ont attendu jusqu'au 5 juillet pour se manifester, alors que les premiers cas de botulisme sont apparus bien avant cette date à Salah-Bey. Et ce sont les services de la santé de la wilaya de Constantine qui ont tiré en premier la sonnette d'alarme. Des vies auraient pu être sauvées. L'autre procès, celui du lundi qui a été très expéditif, a vu la condamnation de C. Bouguerra à dix ans de prison. Notons que celui-ci, en prison depuis 1998, avait contracté une grave maladie, cancer du sang, et que son état empire de jour en jour. Imed Sellami